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9 f�vrier 1995 ![]() |
ENVIRONNEMENT
L E S V I L L E S
EXPLOSENT
Les probl�mes environnementaux en milieu urbain vont cro�tre au rythme galopant des populations - au Nord comme au Sud - ont constat� les participants au colloque du GERPE sur les villes et l'environnement.
Dans vingt ou trente ans, plus de 80 % de la population mondiale vivra dans les villes. Des villes dont les plus grandes se situeront dans les pays en voie de d�veloppement, puisque que les statistiques pr�voient que 43 agglom�rations de ces r�gions compteront sept millions d'habitants dans un avenir tr�s proche. Le ph�nom�ne de l'urbanisation rapide occupe donc une place de plus en plus importante dans le Tiers Monde, et entra�ne une s�rie de probl�mes environnementaux semblables � ceux que subissent les pays d�velopp�s. Des sp�cialistes de la question ont expos� � leurs coll�gues fran�ais, qu�b�cois et suisses, l'�tendue du ph�nom�ne lors du colloque sur les villes et l'environnement, organis� par le Groupe d'�tudes et de recherches sur les politiques environnementales (GERPE) de l'Universit� Laval. Plusieurs th�mes reli�s � l'environnement, � la place des femmes dans la ville, � la pauvret� ou � la sant� ont �galement �t� abord�s durant cette rencontre.
Le ramassage des ordures constitue � lui seul un v�ritable casse -t�te pour nombre d'agglom�rations. �� Port-au-Prince, la collecte des ordures occupe la quasi-totalit� des employ�s municipaux, explique Edmond Magny, professeur � l'Universit� Quesqueya. �La plupart du temps, 60 % des camions sont en panne.� Pour compliquer un peu plus le probl�me, la gestion des d�chets rel�ve d'ailleurs de plusieurs organismes. La capitale ha�tienne fait face �galement � une croissance end�mique de bidonvilles tr�s souvent insalubres, au manque d'�quipements sociaux et au clivage de plus en plus marqu� des classes sociales qui entra�ne dans son sillage la d�linquance. De plus, les produits sanitaires et chimiques de traitement de l'eau potable ont fait d�faut pendant l'embargo, provoquant la mort et la maladie d'une partie de population infantile. Le P�re No�l dans les ordures?
L'�tude des d�chets urbains permet donc souvent de mieux comprendre le mode de vie, le type de consommation de diff�rentes r�gions. Dans certains pays, le recyclage des ordures fournit d'ailleurs du travail � des salari�s qui se sp�cialisent dans la fabrication d'objets � partir de la mati�re premi�re extraite des poubelles. La d�charge devient en quelque sorte, selon Andr� Le Bozec, du Centre national du machinisme agricole du g�nie rural des eaux et des for�ts de Rennes, �un gisement de ressources renouvelables�. En Europe et en Am�rique du Nord, la collecte s�lective prend �galement une importance grandissante car les villes s'efforcent de diminuer la production de d�chets. Et certaines cherchent � fournir de l'emploi � diverses cat�gories de leur population en mettant sur pied des usines de tri.
Mais avec la croissance des villes, la gestion des ordures devient un secteur difficile � contr�ler. Car les agglom�rations urbaines d'un million d'habitants se multiplient, sans pour autant que les structures municipales s'harmonisent instantan�ment. Lorsque les m�tropoles s'�tendent comme des taches d'huile, elles absorbent au passage des villes qui �prouvent bien des difficult�s � s'entendre sur les priorit�s en mati�re d'urbanisme, la mani�re d'assurer les transports collectifs ou le traitement de l'eau. �Il faudrait trouver un mode de gestion d�mocratique de ces nouveaux ensembles, remarque Michel Bassand, directeur de l'Institut de recherche sur l'environnement construit � l'�cole polytechnique de Lausanne. Des rapports sociaux d'un nouveau type se d�veloppent dans lesquels, par exemple, les mouvements �cologistes se pr�sentent comme des acteurs face � la technocratie.�
Les villes apr�s les rivi�res
Dans les ann�es qui viennent, les questions relevant de l'environnement ne se poseront plus seulement pour les lacs et les rivi�res mais �galement pour le milieu urbain. La cr�ation d'espaces verts, l'am�nagement des rues, la construction des maisons jouent un r�le primordial pour la qualit� de vie de citoyens de plus en plus citadins. La perception de la nature en ville �volue d'ailleurs actuellement. Certains sp�cialistes commencent � s'int�resser � la biodiversit� urbaine, parfois favoris�e par des conditions climatiques particuli�res. Ainsi, dans certaines villes fran�aises, les go�lands auraient plus d'oeufs qu'au bord de la mer car ils b�n�ficient d'un hiver sans gel lorsqu'ils r�sident au coeur de la cit�.
D'autres villes, comme Rennes, adoptent une approche nouvelle de l'environnement. Depuis 1980, la capitale de la Bretagne a mis sur pied un programme de gestion de ses espaces verts qui a pour but de faire rentrer la nature en ville. Il s'agit d'am�liorer la flore spontan�e et de diversifier la faune en limitant l'utilisation de traitements chimiques et en laissant la nature reprendre ses droits dans certaines zones. �Plut�t que de tondre la pelouse � la mani�re d'un terrain de golf, explique Philippe Clergeau, biologiste � l'Universit� de Rennes, les employ�s municipaux transforment quelques espaces verts en prairies naturelles.� Ce proc�d� permet, bien entendu, de diminuer les co�ts d'entretien des terrains, mais favorise �galement l'installation de nombreux oiseaux et de mammif�res dans ces poches vertes.
Pour l'Unesco
La derni�re journ�e du colloque du GERPE a �t� consacr�e aux discussions autour du projet ENVIL. Le groupe pluridisciplinaire qui regroupe des professeurs des facult�s des Lettres, Sciences sociales, Sciences de l'agriculture, de Foresterie et g�omatique, de M�decine et de Sciences et g�nie souhaite en effet proposer un projet de recherche � l'Unesco. Le programme MOST, pilot� par l'organisme mondial, vise � promouvoir la recherche internationale et la formulation de recommandations pour les pouvoirs publics. Pour le GERPE, il s'agirait d'examiner comment la r�solution de probl�mes environnementaux dans les villes peut contribuer au d�veloppement �conomique r�glant les probl�mes sociaux, qui bien souvent ont boulevers� l'environnement. D'autres universit�s francophones, comme celle de Bordeaux, Rennes, Metz, Toulouse, Lausanne, Port-au-Prince ou Dakar s'associent � ce programme de recherche. Car qu'elles soient du Nord ou du Sud, les villes rencontrent les m�me difficult�s � g�rer certains services et � harmoniser leurs politiques.
PASCALE GU�RICOLAS