23 f�vrier 1995 |
PSYCHOLOGIE
Inquiets?
Le trouble d'anxi�t� g�n�ralis�e frappe 4 % des gens. Une �quipe de l'�cole de psychologie �tudie les causes de ce mal �trange et cherche des fa�ons d'aider ceux qui en souffrent.
Tout le monde s'inqui�te, c'est normal. Et ce ne sont pas les sujets d'inqui�tude qui manquent: le prochain examen pour lequel on n'a pas encore commenc� � �tudier ( voir article en page 5 ), le rapport � remettre demain, les factures � payer, la sant�, le travail, l'avenir, l'amour... Les inqui�tudes sont le lot de tous. Mais, pour environ 4 % des gens, l'inqui�tude est un cauchemar. Autrefois, on disait de ces gens qu'ils �taient de grands nerveux, des angoiss�s, des n�vros�s. Qu'ils s'inqui�taient pour tout et pour rien. Qu'ils se faisaient continuellement et inutilement du mauvais sang, du sang de cochon, de la bile. Qu'ils �taient n�s comme �a et qu'il n'y avait rien � faire. Aujourd'hui, on dit qu'ils souffrent du trouble d'anxi�t� g�n�ralis� (TAG), une maladie � part enti�re, la plus fr�quente parmi les troubles anxieux connus. Et des chercheurs, dont ceux de l'�quipe de Robert Ladouceur de l'�cole de psychologie, croient qu'il y a quelque chose � faire pour eux.
Fr�quent mais peu diagnostiqu�
Les psychologues estiment que l'anxi�t� �saine� verse du c�t� �pathologique� lorsque les inqui�tudes sont excessives, difficiles � contr�ler, fr�quentes (plus d'une journ�e sur deux au cours des six derniers mois) et qu'elles interf�rent avec le fonctionnement normal d'un individu. �Le TAG atteint parfois un degr� tel que les gens inquiets s'emp�chent de faire des choses aussi simples que d'aller au centre commercial parce que quelque chose d'impr�vu pourrait se produire, explique Michel Dugas, �tudiant au doctorat dans l'�quipe de Robert Ladouceur. Quand elles commencent � s'inqui�ter, les personnes souffrant de TAG sont parfois incapables de s'arr�ter. Elles tentent d'imaginer tous les sc�narios possibles, toutes les situations qui pourraient survenir. Le probl�me peut se manifester � partir de l'adolescence jusqu'� un �ge avanc� et les th�mes d'inqui�tude �voluent en fonction du v�cu des gens� (voir encadr�).
L'incapacit� de contr�ler leurs inqui�tudes entra�ne une d�tresse physique chez les gens souffrant de TAG, poursuit Michel Dugas, ce qui les am�ne �ventuellement � consulter leur m�decin pour des probl�mes de sommeil, de surexcitation, d'agitation, de fatigue, de tensions musculaires et d'irritabilit�. M�me si le TAG est relativement r�pandu, le diagnostic du TAG n'est pas toujours facile � poser pour des m�decins qui ne sont pas au fait du probl�me. Plus souvent qu'autrement, les inquiets sortent du cabinet du m�decin avec une prescription de m�dicaments contre l'anxi�t� (valium, ativan, librium) qui soulagent les sympt�mes sans s'attaquer aux causes du probl�me.
L'intol�rable incertitude
Les �tudes r�alis�es depuis deux ans par l'�quipe de Robert Ladouceur, gr�ce � des subventions du FRSQ et du CRM, ont produit des donn�es int�ressantes sur le TAG. Un questionnaire administr� � un groupe d'�tudiants en psychologie a permis notamment de d�gager certaines caract�ristiques propres aux personnes qui, sans �tre des cas cliniques, sont sujettes � l'inqui�tude. Ces personnes croient que s'inqui�ter permet de pr�venir les �v�nements malheureux, de diminuer la culpabilit� au cas o� surviendrait un incident et d'�viter d'�tre d��u. �Les gens tendent � surestimer les effets positifs de l'inqui�tude, dit Michel Dugas. Ils croient que cela leur permet de trouver de meilleures fa�ons de faire, de meilleures solutions � leurs probl�mes et d'augmenter leur contr�le sur les �v�nements.�
Par ailleurs, les gens inquiets poss�dent les capacit�s requises pour r�soudre des probl�mes mais leurs attitudes et leurs comportements face � l'impr�vu les en emp�chent. �Une grande constante se d�gage de nos �tudes, dit Michel Dugas. On pense que les gens inquiets et ceux souffrant de TAG ont une grande intol�rance � l'incertitude. L'un des traitements qu'on met � l'essai s'attaque justement � cet aspect.� En effet, quelques personnes souffrant du TAG participent � une �tude de Michel Dugas sur l'�valuation de deux approches th�rapeutiques de l'inqui�tude. Les traitements consistent en 16 rencontres �chelonn�es sur quatre mois, auxquelles s'ajoutent trois rencontres de suivi pour �viter les cas de rechute. Une premi�re session commence sous peu (il y aurait peut-�tre encore une place disponible) et d'autres sessions auront lieu plus tard dans l'ann�e. Les gens qui croient souffrir du TAG et qui aimeraient participer � cette �tude peuvent contacter �liane L�ger au 656-2131 poste 4762.
JEAN HAMANN
Ce qui inqui�te les �tudiants universitaires
Les adolescents de 12 et 13 ans s'inqui�tent surtout pour des questions d'ordre familial alors que les personnes �g�es s'inqui�tent avant tout pour leur sant�, r�v�lent des �tudes r�alis�es dans le pass� sur les th�mes d'inqui�tude. �Il semble qu'il existe un lien �troit entre la situation des gens, ce qu'ils vivent � un moment donn� de leur vie, et les th�mes d'inqui�tude�, souligne Michel Dugas. Dans le cadre de leurs travaux sur l'inqui�tude, lui et d'autres membres de l'�quipe de Robert Ladouceur ont examin� les th�mes d'inqui�tude de 154 �tudiants de l'Universit� Laval. Ces �tudiants, 109 femmes et 45 hommes, ont �t� recrut�s sur une base volontaire parmi des �tudiants inscrits � des cours de psychologie et leur participation consistait � compl�ter des questionnaires confidentiels.
Les r�sultats? Le plus fr�quent th�me d'inqui�tude chez les �tudiants est ... les �tudes! En effet, 60% des r�pondants ont identifi� les �tudes parmi leurs principaux sujets d'inqui�tude. Suivent ensuite les questions d'argent (40 %), le travail (38 %), les rapports affectifs (34 %), les rapports avec la famille et les amis (25 %), l'avenir (16 %), les relations interpersonnelles (15 %), la maladie, la sant� et la mort (15 %) et l'avenir personnel (10 %). Les autres th�mes d'inqui�tude, dont la fr�quence n'exc�de pas 10 %, dans chaque cas, regroupent les questions existentielles, le temps, l'apparence physique, la s�curit� personnelle et autres. Quant aux questions socio- politiques, il semble que peu d'�tudiants en fassent des cheveux blancs puisqu'� peine 2,6 % des r�pondants ont signal� ce th�me parmi leurs inqui�tudes.
Consid�rant la difficult� que repr�sente le diagnostic du trouble d'anxi�t� g�n�ralis�e, les auteurs de l'�tude estiment que les m�decins rencontrant des patients qui pr�sentent certains sympt�mes d'anxi�t� pourraient pousser plus loin leur examen en questionnant ces patients sur des th�mes d'inqui�tude se rapportant sp�cifiquement � leur situation de vie. Les r�sultats complets de cette �tude sign�e par Michel Dugas, Mark Freeston, C�line Doucet, Stella Lachance et Robert Ladouceur, para�tront sous peu dans la revue Personality and Individual Differences.
J.H.
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