20 avril 1995 |
Message du Premier ministre
Qu�bec, le 4 avril 1995
� l'intention de messieurs Michel Gervais et Nabil Khoury
J'ai appris r�cemment que la Facult� des sciences de l'administration de l'Universit� Laval fait maintenant partie des �tablissements agr��s par la prestigieuse American Assembly of Collegiate Schools of Business.
Le syst�me d'�ducation est le creuset de la soci�t� et je crois fermement que l'�panouissement des aptitudes intellectuelles et mentales se r�v�le aujourd'hui la condition premi�re du d�veloppement. Les pays qui auront su le mieux investir dans leurs ressources humaines formeront le peloton de t�te dans les ann�es � venir.
Gr�ce � l'excellente qualit� de la formation qu'elle offre, la Facult� des sciences del'administration de l'Universit� Laval devient la premi�re et la seule facult� francophone � obtenir la reconnaissance de cet organisme tr�s influent en Am�rique du Nord.
Cet honneur rejaillit sur tout le Qu�bec. Toutes mes f�licitations!
Jacques Parizeau
-30-
Des b�cherons et des petites filles mod�les
(En r�ponse � l'article intitul�: �Les b�cherons et les petites filles mod�les�, sign�e par Annette Paquot et publi� dans le Fil du 2 mars)
Je trouve, en tant que professionnelle et �tudiante au Msc. management, d�plorable qu'une femme influente et � l'avant sc�ne comme vous, l'une des rares femmes administratrices � l'Universit� Laval, discr�dite le travail que vos consoeurs et pr�d�cesseures ont fait dans la promotion de l'�quit� des femmes.
Madame, en 1988, et diff�rentes donn�es plus r�centes confirment les m�mes r�sultats, seulement 30 � 40 % des postes de gestion subalterne et interm�diaire �taient occup�s par des femmes. Ce pourcentage diminuait entre 2 et 4 % au niveau des �chelons sup�rieurs et des postes de pouvoir. Et ce, tant au Canada qu'aux �tats-Unis.
Que l'on pense aux femmes qui cumulent les r�les de m�re et de travailleuse qui vivent la discrimination non plus auniveau de leur sexe mais plut�t, et de fa�on plus pernicieuse, concernant leur r�le de m�re, attestant le pr�suppos� que la sph�re domestique est encore la responsabilit� de la femme. D'apr�s Tema Frank (1995), on observe qu'� la Banque de Montr�al, deuxi�me meilleure entreprise concernant ses structures favorisant l'�quit�, 75 % des gens de l'entreprise sont des femmes alors qu'en 1991 seulement 9 % d'entre elles occupaient un poste aux �chelons sup�rieurs. Gr�ce � un P.A.E. agressif, ce pourcentage est pass� � 13 % en 1993. Plus pr�s de nous, on ne peut que constater de nombreux exemples de discrimination, que ce soit sur le campus ou hors campus. � ce titre, le corps professoral de l'Universit� Laval n'est compos� que d'environ 20 % de femmes, qui sont, de plus, concentr�es dans des secteurs traditionnellement r�serv�s aux femmes.
Le discours que vous avez tenu est d�gradant tant pour les hommes que vous d�crivez comme des rustres et des irresponsables que pour les femmes qui se voient tax�es de soumises et d'opportunistes incomp�tentes. Ce discours qui est le v�tre, est malheureusement partag� par d'autres et tire sa source dans la peur visc�rale de certaines de voir leur comp�tence mise en doute parce qu'elles occupent un poste rarement occup� par une femme dans une organisation qui dispose d'un P.A.E. Cette peur est souvent d'autant plus forte qu'elles y ont investi toutes leurs �nergies afin d'acqu�rir une comp�tence certaine dans leur champ d'activit� professionnelle.
De plus, ce discours fait ressentir aux femmes une dissonance cognitive dans leurs recherches de comp�tences toujours accrues. En effet, il s'av�re tr�s probl�matique et conflictuel d'investir toutes ses �nergies � accro�tre ses comp�tences si l'on admet qu'en tant que femme, il faudra travailler plus fort que les hommes pour atteindre un niveau hi�rarchique similaire. Il est s�curisant de penser que le peu de pr�sence des femmes aux postes de pouvoir n'est d� qu'� un choix d�lib�r� et volontaire de leur part. Mais se berner et se fermer les yeux n'a jamais r�solu aucun probl�me.
En terminant, madame, il est int�ressant de se rappeler ce que d�j�, en 1977, Kanter sugg�rait: que l'une des raisons pour lesquelles certaines femmes dans ce qui �tait une chasse gard�e masculine se d�solidarisaient des autres femmes �tait qu'elles le faisaient pour demeurer acceptables aupr�s du groupe majoritaire ou, encore, qu'elles avaient �t� invit�es � joindre ce groupe � cause de leurs similitudes.
J'ose esp�rer que je vous ai mal comprise et que j'ai mal interpr�t� vos propos et que le d�bat qui se livre depuis la parution de votre article sera source d'int�ressement pour d'autres.
Nathalie Chiasson
�tudiante en management
-30-
Les gar�ons et l'abandon scolaire
Le Fil du 2 mars dernier publiait un texte d'Annette Paquot qui nous a interpell�s aussi bien en tant que chercheurs dans cette universit� qu'en tant qu'hommes, c'est-�-dire �tres socialis�s au masculin �voluant dans une soci�t� encore profond�ment in�galitaire sous de nombreux rapports. Se basant sur quelques statistiques choisies de fa�on tout � fait partiale, l'auteur se dit �alarm�e� devant une situation qu'elle juge �injuste et dangereuse�, soit la plus grande r�ussite scolaire des filles. � cause des pr�jug�s affich�s dans ce texte, nous avions choisi de ne pas y r�pondre lors de sa premi�re publication dans le journal La Presse. Sa parution dans Le Fil nous incite � faire les quelques brefs commentaires qui suivent.
Nous faisons partie d'une �quipe, ici � Laval, qui s'int�resse depuis quelques ann�es � la question de l'abandon et de la r�ussite scolaires compar�s entre gar�ons et filles. Des organismes subventionnaires, tant f�d�raux que provinciaux, nous ont accord� leur appui financier; les pairs qui ont �valu� le projet ont jug� que la d�marche propos�e avait un certain m�rite malgr� le fait que l'�quipe n'ait pas retenu l'hypoth�se selon laquelle certains gar�ons r�ussissent moins bien � l'�cole parce que ce sont des femmes qui leur enseignent, ce que soutient le texte de Paquot. Cette derni�re pr�tention est d'ailleurs invalid�e, entre autres, par le fait que, dans le situations o� les hommes sont majoritaires dans l'enseignement, les �carts en faveur des filles demeurent. De plus, un coup d'oeil historique montre que la �f�minisation du corps enseignant� n'est pas un ph�nom�ne concomittant � celui de la meilleure r�ussite des filles. Enfin, les diff�rences de performance et de pers�v�rance entre gar�ons et filles varient selon les milieux socio- �conomiques d'origine, sans variation correspondante du sexe des enseignants. Ceci �tant dit, il n'en reste pas moins que la soci�t� y gagnerait � ce que toute fili�re d'�tudes ou d'emploi soit d�sexis�e, qu'il s'agisse du domaine des sciences ou celui de l'�ducation. C'est ce que pr�nent aussi les f�ministes quand elles revendiquent l'�galit� entre les hommes et les femmes.
Deuxi�me �l�ment susceptible de renseigner l'auteure. Le �silence difficile � expliquer� sur cette question n'est en fait qu'un manque d'information de sa part. Alors que notre �quipe s'int�resse d'abord � la diplomation en fin de secondaire, au moins trois autres �quipes de recherche subventionn�es tentent aussi de comprendre et d'expliquer la moins bonne performance et la moins grande pers�v�rance de certains gar�ons au niveau post- secondaire. Nous avons des contacts avec deux de ces �quipes et nous savons qu'aucune n'a retenu le pr�jug� de �la faute aux f�ministes� pour asseoir leurs recherches.
Le troisi�me constat que nous voudrions pr�senter entre en contradiction avec la perception de l'auteure quant � la discrimination entre gar�ons et filles. �Les discours f�ministes ne sont plus ad�quats � propos de la jeune g�n�ration�, avance-t -elle. Nous avons eu � rencontrer des jeunes en secondaire 3 (14 -15 ans) dans les classes ou en entrevues. Ils et elles font montre d'une conscience certaine de l'in�galit� des rapports sociaux de sexe entre eux et, dans le cas des filles surtout, de la n�cessit� de changer des choses. Elles ne sont pas f�ministes mais...
La publication de ce texte aux environs du 8 mars suscite quelques questions. Pourquoi le faire para�tre au moment de la Journ�e internationale des femmes? Serait-ce � dessein afin de les m�priser ainsi que les f�ministes? Sans doute que non! Poursuivre une telle logique supposerait que le m�me texte soit publi� � nouveau le 8 d�cembre - journ�e de l'Universit� Laval - car l'auteure exprime aussi son m�pris envers l'universit� soit- disant laxiste, peu d�sirable et dont la rh�torique serait us�e. Tout juste bonne pour les filles quoi!
Nous tenons aussi � rassurer l'auteure sur un dernier point. Elle pr�te aux hommes des r�actions de violence face � une situation qu'elle qualifie de dangereuse. Ce n'est pas acquis pour tous les hommes, mais bon nombre d'entre nous avons appris, gr�ce notamment aux interventions f�ministes r�p�t�es, que les situations probl�matiques peuvent se r�gler autrement que par �des coups de canif sanglants�.
Jean-Claude St-Amant
Jacques Tondreau
Professionnels de recherche
-30-
Pri�re de lire avant d'�crire
Au Fil des �v�nements a parfois un courrier des lecteurs �tonnant. Deux lettres publi�es r�cemment ont provoqu� chez moi une certaine stup�faction.
La premi�re, le 16 mars, est sign�e par une dame qui est conseill�re � la Biblioth�que. Elle d�clare ne pas avoir lu mon livre, Nationalisme et D�mocratie, qui repr�sente � ses yeux un �cas flagrant de litt�rature haineuse�, et elle pose gravement la question de savoir ce que je fais dans l'enseignement. Je suis tent� de lui retourner, tr�s gentiment, sa question: que fait-elle dans une Biblioth�que? Il est sans doute pr�f�rable de lire un livre avant d'en d�noncer le contenu et d'en injurier l'auteur. Est-ce trop demander � une personne dont le m�tier est de conseiller des lecteurs?
La seconde lettre a �t� publi�e le 30 mars. Un �tudiant en sociologie y r�p�te la rumeur selon laquelle St�phane Dion, professeur � l'Universit� de Montr�al, aurait propos� � Jean Chr�tien �de faire souffrir les Qu�b�cois s'ils votent �oui� au r�f�rendum.� Cette rumeur a pour origine une d�p�che de la Presse Canadienne et une d�claration du Premier Ministre du Qu�bec, qui attribue � trois personnes les paroles de l'une d'entre elles. La phrase incrimin�e n'a pas �t� prononc�e par St�phane Dion mais par un autre participant au m�me colloque, Stanley Hartt. On observe donc ici un artifice de propagande classique, l'amalgame, c'est-�-dire le fait de reprocher � quelqu'un les paroles ou les actions de son voisin.
La r�alit� des faits a �t� r�tablie le 18 mars par St�phane Dion dans Le Devoir et le 21 mars dans le London Free Press par un journaliste qui a assist� au colloque en question, donc bien avant que le Fil ne publie la lettre de l'�tudiant en sociologie. Mais il serait fatigant de v�rifier ses informations avant de r�p�ter des accusations non fond�es.
Cette seconde lettre est moins comique que la premi�re. Relisez, dans Le Barbier de S�ville, la tirade de Bazile sur la calomnie, �ce qu'on fait partout, pour �carter son ennemi�. Dans le but, sans doute, de l'intimider et de l'inciter � se taire, un d�tenteur de pouvoir politique porte des accusations injustes contre un universitaire. Sans plus r�fl�chir ni mieux s'informer un �tudiant et le journal d'une universit� se joignent � l'attaque du premier contre le second.
Jean-Pierre Derriennic
Professeur au D�partement de science politique
-30-
Mise au point du Groupe L�ger & L�ger
Le Groupe L�ger & L�ger r�alisait r�cemment un sondage aupr�s de 303 �tudiants et �tudiantes de l'Universit� Laval, pour le compte de la CADEUL (Conf�d�ration des associations d'�tudiants de l'Universit� Laval). La publication des r�sultats de cette enqu�te a suscit� des commentaires publics de divers ordres, d�montrant l'int�r�t de la communaut� universitaire pour les sujets abord�s.
Par contre, certains de ces commentaires - particuli�rement ceux d'un responsable de la Cadeul - ont d�form� la r�alit� m�thodologique de ces r�sultats et il nous appartient comme firme professionnelle de sondage, de r�tablir les faits (et non pas d'interpr�ter les r�sultats, ce qui serait hors de notre mandat).
A) Une question importante du sondage concernait l'appr�ciation des �tudiants � l'�gard de la formation re�ue � l'Universit� Laval. Les �tudiants sond�s devaient donner, selon une �chelle de 1 � 5, une note d'appr�ciation sur ce sujet. Le calcul d'une moyenne a �t� remis en cause sous pr�texte que l'�chelle utilis�e comportait un point milieu qui serait, pense-t-on, consid�r� comme une position de neutralit�. Nous aimerions apporter deux pr�cisions � cet effet.
Dans le cas de l'�chelle utilis�e, il y a en effet un point milieu arithm�tique, mais il est erron� de pr�tendre qu'il y a un point milieu, dans le sens d'un point �neutre�. Ces gens ne sont pas �neutres� ou sans opinion dans le mesure o� ils ont indiqu� un point sur l'�chelle. Les gens qui n'ont pas d'opinion sont des ind�cis et comme il se doit, ils ont �t� exclus du calcul de la moyenne. Parall�lement, la remise en cause du calcul d'une moyenne semble avoir �t� faite en consid�rant que l'�chelle utilis�e est une �chelle ordinale alors qu'il s'agit d'une mesure de niveau d'intervalles. Une mesure de niveau d'intervalles, qui est une �chelle de type m�trique, peut permettre les calculs statistiques de nature param�trique comme la moyenne arithm�tique.
B) Toujours concernant la question portant sur l'appr�ciation de la formation, l'utilisation d'une �chelle avec un point milieu arithm�tique a �t� consid�r�e comme inad�quate pour ce genre de question par l'un des sp�cialistes consult�s par la Cadeul. Nous comprenons mal que la Cadeul n'ait pas pr�cis� qu'elle avait exig� elle-m�me l'emploi de cette �chelle. Initialement, une �chelle � quatre niveaux a �t� propos�e par le Groupe L�ger & L�ger et la Cadeul a maintenu cette exigence, m�me si le Groupe L�ger et L�ger lui d�conseillait l'utilisation de ce type d'�chelle. Mais dans les deux cas, il s'agit de deux approches aux divergences mineures.
C) Au-del� de ces discussions byzantines de sp�cialistes, il faut se souvenir que les r�sultats de base de la question � laquelle les �tudiants devaient donner une note d'appr�ciation � la formation re�ue, sur une �chelle de 1 � 5, ont �t� pr�sent�s � la Cadeul sous forme de fr�quences brutes, en pourcentages, pour chacune des cat�gories de l'�chelle. Il s'agit de l'essentiel de ces r�sultats de sondage bien visibles dans notre rapport. On peut se demander pourquoi certains ont mont� tout un cin�ma autour du sens accord� � telle moyenne alors qu'on a qu'� se r�f�rer aux r�sultats de fr�quences pour appr�cier les tendances exprim�es en sondage.
Nous trouvons �galement fort regrettable que certains responsables de la Cadeul expriment en public des points de vue si diff�rents de ceux qu'ils expriment en priv� devant nous. Ce double langage est indigne de dirigeants responsables: apr�s avoir approuv� un questionnaire et une m�thodologie, apr�s s'�tre d�clar� devant nous satisfait de l'enqu�te, il est peu reluisant de tenter de se d�p�trer publiquement en rejetant la faute sur notre firme.
Lucie Vachon
Directrice de projets
Le Groupe L�ger & L�ger
-30-
Ne partez pas sans elle (il)
Le Syndicat des professeurs et professeures de l'Universit� Laval (SPUL) vient de faire parvenir � ses membres un �Num�ro sp�cial du XXe anniversaire� du SPULTIN. La plupart des textes ont �t� r�dig�s par un certain Richard Amiot qui, dans l'entrevue avec cinq professeurs en d�but de carri�re (pp. 9- 13), semble avoir �dit� syst�matiquement les propos de ses interlocuteurs pour faire une place �gale aux hommes et aux femmes.
On trouve � la p. 11 deux paragraphes contigus contenant chacun cinq occurrences du �ils et elles� ou d'un tour apparent�. Le r�dacteur cite les propos de Line Lapointe (italique ajout�):
�Je ne suis pas convaincue qu'ils et elles veulent vraiment de la qualit�. Ils et elles veulent des notes. Ils et elles veulent des �A� et sont tr�s exigeants et exigeantes. ... M�me au niveau du bac, beaucoup d'�tudiants et d'�tudiantes se plaignent pour un �C�.�
Puis, il reproduit ceux de Fran�ois Blais: �Parmi les �tudiants et �tudiantes, les attentes sont beaucoup plus grandes. Ils et elles reconnaissent l'effort que le ou la professeur(e) fournit pour pr�parer ces cours. Ils et elles sont sensibles � cela. M�me si, par ailleurs, le ou la professeur(e) est s�v�re.�
On peut se demander en lisant une telle accumulation de formes masculines et f�minines dans des paragraphes aussi courts s'il s'agit encore de fran�ais ou plut�t d'un charabia visant � ob�ir aux exigences d'une certaine orthodoxie. Devrons-nous bient�t consacrer la moiti� de l'espace requis par un texte � toutes sortes de pr�cautions pour �viter de choquer tous les groupes qui, pour une raison ou une autre, voudraient �tre mentionn�s de fa�on sp�cifique? Il est �vident que cette rectitude politique risque de nous faire sombrer dans le ridicule (si ce n'est pas d�j� fait) et d'avoir des cons�quences f�cheuses sur la langue. Le fran�ais pourrait bien devenir une langue totalement illisible si on ne corrige par le tir. Faut-il vraiment attendre d'avoir atteint l'extr�me limite avant de revenir � un certain �quilibre? L'id�e d'�viter la discrimination est louable mais un exemple comme celui qui est cit� plus haut montre ce qui arrive lorsqu'on tombe dans l'exc�s.
Notre soci�t� puritaine semble maintenant vivre dans la peur perp�tuelle de la poursuite judiciaire ou du moins du reproche. Il semble qu'aucun politicien n'ose plus commencer une phrase sans dire �les Qu�b�cois et Qu�b�coises� ou �les Canadiens et Canadiennes�. D'autres, dans leurs domaines d'activit� respectifs, utilisent des tours apparent�s pour s'assurer de l'appui de toutes les personnes auxquelles ils s'adressent. Un nombre croissant de publications utilise maintenant une pr�caution du genre �le g�n�rique masculin est utilis� sans aucune discrimination et seulement pour all�ger le texte.� Cette solution, si elle oblige � toujours ajouter une note au texte, poss�de au moins le m�rite d'�liminer les aberrations sous lesquelles le r�dacteur du SPULTIN a enterr� les propos de ses interlocuteurs.
� cette manie du �ils ou elles� s'ajoute �videmment cette tendance � constamment utiliser des euph�mismes pour �viter de s'attirer les foudre de tous les groupes caract�ris�s par une diff�rence par rapport au groupe dominant. L� aussi il serait souhaitable de ne pas attendre d'avoir franchi la limite de ce qui est raisonnable avant de r�agir.
Marc-Andr� Roberge
Professeur agr�g� (musicologie)
�cole de musique
-30-
L'oeuvre d'art: m�thode et r�f�rences
En tant qu'�tudiante en arts visuels et en enseignement des arts visuels, j'aimerais vous faire part de ma r�flexion suite � la pol�mique qu'a suscit�e l'oeuvre d'Annelise Gadoury: Habit de sc�ne � volants. Cet article s'adresse aux gens qui ne sont pas �� l'aise� avec l'oeuvre d'art. � vous, personnes curieuses, je propose une m�thode pour comprendre et appr�cier les codes et le langage de l'art.
Peut-on uniquement se baser sur des pr�f�rences personnelles pour juger une oeuvre? Je crois que non. Vous avez le droit de trouver une oeuvre belle ou de la trouver laide. Vous avez le droit de l'aimer ou de ne pas l'aimer. M�me si ces r�actions sont sinc�res, elles ne suffisent pas pour juger une oeuvre d'art parce qu'elles sont subjectives. Alors sur quoi se base-t- on pour porter un jugement? Il y a un monsieur qui s'est pos� la m�me question, il se nomme Edmund B. Feldman. Je ne peux que bri�vement vous expliquer sa m�thode puisque mes lignes sont compt�es.
Cette m�thode se divise en quatre �tapes: 1: description; 2:
analyse formelle; 3: interpr�tation; 4: jugement. La premi�re �tape consiste � faire la description de l'oeuvre d'une fa�on objective, comme si vous la d�criviez � une personne aveugle pour qu'elle puisse la visualiser.
Dans un deuxi�me temps, l'analyse formelle vise � examiner en d�tail la structure formelle de l'oeuvre. Il s'agit de relever et de d�crire comment les �l�ments s'organisent entre eux. Il faut d�crire les qualit�s du mat�riaux, de la ligne, de la forme. La ligne est-elle petite, grosse? Ensuite, il s'agit d'examiner la disposition des formes. Sont-elles regroup�es, d�centr�es?
Jusqu'ici, l'analyse de l'oeuvre se fait d'une mani�re objective mais cela se poursuit autrement � la troisi�me �tape.
Maintenant, il faut associer des id�es et des �motions � ce que l'on voit. Il faut trouver les liens qui unissent les moyens utilis�s, le sujet, la th�matique, la technique, les qualit�s plastiques et la structure de l'oeuvre. Il y a s�rement un effet qui se d�gage de l'oeuvre, il faut l'identifier et le commenter � partir d'�l�ments observables et apparents. Avant de terminer cette troisi�me �tape, on peut jusitifer les impressions que nous inspire l'oeuvre � partir des �l�ments observ�s dans les �tapes pr�c�dentes.
Finalement, la derni�re �tape consiste � chercher la pertinence des liens que nous avons faits pr�c�demment et de porter un jugement sur l'ensemble de l'oeuvre, en fonction des qualit�s de la ligne, de la forme, de la couleur, de la texture... de la signification.
Vous savez que l'app�tit vient en mangeant. Alors maintenant, sortez... au Mus�e de la Civilisation (c'est gratuit le mardi), au Mus�e du Qu�bec (c'est gratuit le mercredi), chez M�duse (plusieurs salles, C�te d'Abraham). Il y a aussi les galeries d'art et celles dites alternatives...
Je vous souhaite plein de d�couvertes, qu'elles vous plaisent ou qu'elles vous secouent. (Je crois que la fonction du Calendrier produit par le SASC est de promouvoir le �travail� de jeunes artistes en art actuel. Les personnes d�sireuses d'avoir un �beau� calendrier � mettre sur leur bureau peuvent s'en procurer dans divers magasins. Il y a plusieurs th�mes: le chat, le b�b�, le paysage...) Pour les personnes qui sont d�sireuses d'aller encore plus loin, je vous donne deux r�f�rences:
� Berger, Ren�. D�couverte de la peinture, Lausanne, La Guilde du livre et �ditions des Fauconniers, 1958.
� Feldman, Edmund B. Becoming through Art, Englewood Cliffs, New- Jersey, Prentice-Hall, 1970.
Nancy Caron
�tudiante en arts visuels
-30-
R�ponses � quelques questions sur le drame rwandais
La vie politique rwandaise a �t�, depuis plus de trois d�cennies, sous la monstrueuse lueur de l'id�ologie raciste dont le g�nocide des Tutsi en avril 1994 reste le paradigme absolu. �voquant cette trag�die, certains m�dias parlent de guerre �interethnique�. S'agit-il vraiment d'un conflit entre deux ethnies, l'une hutu, l'autre tutsi sans cesse pr�tes � s'entre- d�chirer?
La r�alit� est plus complexe. L'ex-pr�sident Habyarimana avait mis en place un syst�me politique absurde qui visait � se maintenir au pouvoir par tous les moyens, y compris l'extermination d'une partie de la population, constitu�e non seulement des Tutsi, mais aussi de tous les opposants politiques au r�gime.
Est-il possible que la communaut� internationale repr�sent�e � Kigali n'ait pas �t� inform�e de la pr�paration du plan d'extermination? Question grave. Oui, tout le monde savait, mais personne n'y a cru. Quatre raisons expliquent, � mon avis, cette na�vet� dans l'�valuation de la situation. La premi�re est la n�gociation, puis la signature des Accords d'Arusha entre le gouvernement rwandais et le Front patriotique rwandais. Lass� par la guerre, le peuple a cru au retour de la paix alors que le plan du g�nocide entrait dans sa phase finale. La deuxi�me est la pr�sence des forces de l'ONU � Kigali. Peu au courant des v�ll�it�s onusiennes, les Rwandais ont cru, � tort, que les soldats de l'ONU �taient l� pour les prot�ger. La troisi�me est que la population a surestim� la force de frappe du FPR. Ainsi, tout le monde croyait que si le g�nocide commen�ait il serait aussit�t stopp� par des troupes de l'ONU ou par celles du FPR dont la sup�riorit� sur les Forces arm�es rwandaises (FAR) n'�tait plus � prouver. La derni�re est d'ordre rationnel. Le d�clenchement du g�nocide �tait un suicide politique pour que Habyarimana, fin politicien, se permette une telle erreur. Personne n'avait pr�vu son �accident� d'avion.
Pourquoi les gens n'ont pas fui comme jadis? Pays enclav�, le Rwanda est comme un �lot. Une fois tous les points de passage ferm�s par les militaires, et toutes les collines quadrill�es par les miliciens, il �tait impossible de se frayer un passage. Il faut ajouter � cela la rapidit� de l'op�ration: en un mois pr�s d'un million de personnes ont �t� tu�es.
Si les Hutu et les Tutsi ne sont pas r�ellement des fr�res ennemis, comment peut-on expliquer le d�part massif des populations hutu vers les pays limitrophes � l'approche des troupes du FPR? Trois raisons expliquent ce ph�nom�ne. D'abord, l'id�ologie antitutsi et la diabolisation du FPR y sont pour quelque chose. Constamment pr�sent� comme un �nostalgique du pouvoir� qui n'avait jamais accept� les acquis de la r�volution sociale de 1959, r�alis�e par le PARMEHUTU (le parti des seuls Hutu), le Tutsi avait fini par appara�tre comme un �ennemi� qui pr�parait constamment sa revanche. Ces clich�s entretiennent la peur et le ralliement de certaines populations hutu dans les moments de crise. Deuxi�mement, beaucoup de personnes ont commis le crime de gr� ou de force et elles ont r�ellement peur d'�tre jug�es de retour au pays. Troisi�mement, les anciennes autorit�s militaires et civiles se servent de cette masse humaine comme bouclier et comme force pour pr�parer une �ventuelle revanche militaire.
Le FPR est-il une affaire des Tutsi? M�me si � sa naissance en exil au Kenya, ses premiers adh�rents furent des r�fugi�s, � majorit� tutsi, le FPR n'est pas une organisation ethnique. Il est le seul parti qui regroupe en grand nombre tous les Rwandais, toutes ethnies confondues, autour d'un programme politique orient� vers la majorit� d'id�es et non vers la majorit� ethnique. M�me si elle est encore fragile, la coalition au pouvoir s'est faite autour de ce consensus.
Existe-t-il des �Hutu de service� � Kigali? Certains m�dias se plaisent � dire que les Tutsi sont ma�tres � Kigali. Quiconque conna�t bien Pasteur Bizimungu, Pr�sident de la R�publique et ancien n�gociateur des Accords d'Arusha, le premier Ministre Faustin Twagiramungu, nagu�re farouche opposant au pr�sident Habyarimana, Seth Sendashonga, ancien haut fonctionnaire international et actuel ministre de l'int�rieur, Alphonse-Marie Nkubito, ministre de la justice apr�s avoir �t� Procureur et militant des droits de l'homme, pour ne citer que ceux-l�, sait que ce sont des personnalit�s d'une conviction sans faille en l'�tat de droit.
Le nouveau gouvernement de Kigali est-il capable de reconstruire la nation rwandaise? Oui. Un gouvernement regroupant tous les groupes sociaux existe � Kigali. C'est une premi�re depuis 1965. Le principe pluraliste est appliqu� et pr�voit les �lections dans cinq ans. La carte mentionnant l'appartenance ethnique a �t� supprim�e. Tout le monde affiche la volont� de construire un �tat de droit. Le retour des r�fugi�s a commenc�. Selon le HCR, il y a plus de 200 000 rapatri�s et le processus se poursuit � raison de mille par jour. La confiance entre les autorit�s et le peuple revient petit � petit malgr� la machine propagandiste des anciennes autorit�s qui ont pris le peuple en otage. La diff�rence est d�j� visible entre les nouvelles autorit�s rwandaises et l'ancien pouvoir qui a planifi� le g�nocide de pr�s d'un million de citoyens.
Que peut faire la communaut� internationale? Elle a le devoir moral de soutenir le peuple rwandais pour que les criminels du g�nocide soient jug�s. Il est inacceptable de savoir que les auteurs de cette trag�die continuent de circuler librement et m�me de retenir les r�fugi�s en otage. Le soutien financier et technique permettront ensuite de reconstruire l'�conomie du pays durement secou�e par quatre ann�es de guerre. L'aide internationale consistera en l'�ducation morale de la population qui pendant plus de trente ans a vu l'impunit� s'instaurer dans les moeurs nationales. Enfin, la plus importante partie de l'aide sera celle des m�dias: ne plus pr�senter le g�nocide des Tutsi et le massacre des opposants politiques comme un simple conflit ethnique. C'est une question de morale. Cependant, le grand travail reste l'affaire des Rwandais eux- m�mes, notamment l'�lite. Trente ans apr�s l'ind�pendance, il faut accepter sa responsabilit�. Si la colonisation a d�truit les bases qui constituaient la nation rwandaise, c'est aux Rwandais eux-m�mes de les reconstruire au lieu de crier toujours au secours comme des enfants chaque fois qu'un probl�me �clate au pays. Pour cela l'�lite devra reconna�tre que sa compromission avec le syst�me politique ethniste est l'une des causes qui ont endeuill� le pays. Aux intellectuels de promouvoir la notion d'�tat de droit, aux religieux d'�vang�liser davantage et de baptiser moins, et aux politiciens de repartir sur des principes des droits du citoyen. Et les vaches seront bien gard�es.
JOSIAS SEMUJANGA
�tudiant au D�partement des litt�ratures
-30-