![]() |
20 avril 1995 ![]() |
ENVIRONNEMENT
Jeux de risques
Les politiques industrielles ou gouvernementales en mati�re de risques environnementaux s'�laborent dans le creuset des cultures et des �conomies. Et elles ont beaucoup � voir avec le poids des acteurs sociaux en pr�sence.
Qu'il s'agisse du trou dans la couche d'ozone, du scandale d'un fertilisant accus� de rendre les pommes canc�rig�nes ou du projet Grande Baleine, les risques environnementaux existent rarement tout seuls. Ils d�pendent avant tout de la perception que les diff�rents acteurs sociaux en ont, et varient selon la culture, l'�conomie, l'histoire de chaque soci�t�. Il suffit bien souvent qu'une question environnementale arrive � point nomm� sur la place publique pour que des groupes s'en emparent et que naisse un d�bat.
Le Groupe d'�tude et de recherches sur les politiques environnementales (GERPE) se penche sur ce ph�nom�ne de la construction politique des risques environnementaux, en y appliquant la th�orie des coalitions. Le projet RISQUEN, qui associe les universit�s de Mexico, New-Delhi, Dakar, Grenoble, Rome, Budapest et les chercheurs de l'Universit� Laval, tente donc de faire une analyse comparative de la mani�re dont les risques sont trait�s politiquement dans chaque pays. Un r�cent colloque, organis� par le GERPE et l'Institut international de strat�gies et de s�curit� de l'environnement, r�unissait d'ailleurs des chercheurs sp�cialis�s en risques environnementaux autour de ces questions.
Des pistes � explorer
Certains ont d�j� commenc� � explorer des pistes de recherche relatives � la satisfaction des besoins essentiels en eau et en nourriture, ainsi qu'� la production d'�lectricit� et aux p�cheries. Michel Cescas, professeur au D�partement des sols � la Facult� des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, compare, notamment, avec des �tudiants au doctorat, l'utilisation de pesticides dans diff�rents pays et examine les m�canismes de r�gulation de ces produits. Le chercheur tente �galement de comprendre les incidences de l'accumulation des nitrates dans le sol et les r�percussions de l'utlisation des pesticides sur la conservation des ressources et la biodiversit�.
De son c�t�, Mich�le Boulanger, �tudiante au doctorat en science politique, analyse les politiques publiques mises en oeuvre pour la protection des eaux souterraines. Peu de r�sidents au Qu�bec d�pendent de ce type d'approvisionnement pour satisfaire leurs besoins en eau, mais certaines municipalit�s utilisent � 90 % des eaux souterraines. Malheureusement, les villes �prouvent beaucoup de difficult�s � prot�ger cette ressource car les responsabilit�s en mati�re d'eaux souterraines�rel�vent de plusieurs paliers de gouvernement, et il semble difficile de coordonner les r�glementations.
Des gaz actifs
Claude Barbeau, professeur au D�partement de chimie de l'Universit� Laval, s'est pench� pour sa part sur l'impact de certains gaz sur l'effet de serre. Il a ainsi constat� qu'il suffisait qu'un chercheur laisse entendre que deux compos�s, appartenant � la famille des polyfluorcarbures, contribueraient au r�chauffement de l'atmosph�re, pour que diff�rents organismes environnementaux s'�meuvent de l'impact de ces gaz. Les alumineries, qui laissent �chapper des polyfluorcarbures, ont d'ailleurs pris des mesures pour limiter leur �mission, m�me si, remarque le chimiste, ce type de gaz semble avoir des effets plus limit�s que le gaz carbonique.
Cet exemple d�montre que les politiques industrielles ou gouvernementales d�pendent pour une bonne partie du d�bat suscit� par la mise sous les projecteurs d'un gaz particulier ou d'un m�tal, comme le mercure, avant m�me que les �tudes scientifiques aient apport� des conclusions probantes. L'analyse de la prise de d�cisions men� par le projet RISQUEN permettra donc de faire ressortir l'influence des diff�rents acteurs, sociaux, environnementaux, �conomiques, sur certains choix politiques relatifs aux risques.
PASCALE GU�RICOLAS