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9 novembre 1995 ![]() |
DIPL�M�S
De la marge au profit
Dur, dur, le monde du showbiz ! Mais l'�quipe d'�Image et recherche� est en train de faire la preuve qu'on peut y faire sa niche sans renier ses principes.
Les bureaux d'�Image et recherche�, situ�s juste en face du campus de l'Universit� Laval sur le Chemin-des-Quatre-Bourgeois, ne brillent ni par le luxe de la d�coration, ni par le clinquant du mobilier. Par contre, le portrait lamin� du ma�tre sprituel des associ�s, Kurt Cobain, figure en bonne place dans l'entr�e. Pour les trois associ�s, dont deux d�tiennent un dipl�me de l'Universit� Laval tandis que le troisi�me y poursuit encore ses �tudes, le chanteur du groupe Nirvana, d�c�d� l'an dernier, symbolise la philosophie qu'ils veulent insuffler � la jeune entreprise d'organisation de spectacles. Rester en marge du syst�me, pour montrer qu'on peut travailler � son propre compte, tout en portant un jugement s�v�re sur le monde des affaires.
Cette attitude face au milieu professionnel qu'ils fr�quentent pousse par exemple les deux fondateurs de l'entreprise, Jean- S�bastien Boies, dipl�m� en anthropologie, et Martin Duchesneau, �tudiant en science politique, � se pr�senter syst�matiquement en jeans et calotte � leurs rendez-vous d'affaires, plut�t que de sacrifier au traditionnel complet-cravate. Une tenue qui ne leur porte pas trop malchance, puisque leurs r�alisations vont bon train depuis pr�s de deux ans.
�Image et recherche� organise en effet annuellement une dizaine d'�v�nements au profit de fondations, qu'il s'agisse d'Enfant- Soleil, de la Soci�t� canadienne du cancer ou du T�l�thon de la paralysie c�r�brale. Les trois associ�s - avec Jean-Philippe Dub�, dipl�m� en communication - se chargent de tout, du premier contact avec l'artiste et son agent, jusqu'� la pr�sentation du spectacle le jour J, en passant par la prise en charge du risque financier ou la vente des billets. Lors du dernier �v�nement, r�alis� au Capitole pour la Soci�t� canadienne du cancer, Jean- S�bastien Boies a m�me mani� l'�clairage de poursuite tandis que leur programmateur informatique devenait accessoiriste d'un jour.
Un milieu artistique ferm�
S'il leur a fallu six mois pour monter leur premier spectacle de rock au Capitole au profit d'Enfant-Soleil, le dernier �v�nement leur a demand� seulement quinze jours de pr�paration pour r�unir clowns, danseurs, chanteurs et magiciens. Peu � peu, ils apprennent �galement � apprivoiser les producteurs de spectacles, peu enclins � faire confiance aux nouveaux venus. �Au d�but, on nous demandait un ch�que vis� de la moiti� du co�t du spectacle pour la r�servation, explique Martin Duchesneau. Aujourd'hui, on sait mieux quel langage employer avec les g�rants d'artistes et nous sommes plus attentifs au type de spectacle qu'on nous propose.� Dans ce milieu, le bouche � oreille et les contacts occupent en effet une place pr�pond�rante. Heureusement, certaines agents les ont introduits aupr�s des maisons de production, et les relations qu'ils ont d�velopp�es au sein d'�v�nements comme Le Festival juste pour rire ont fait le reste.
Mais comment prendre des risques financiers de plusieurs milliers de dollars lorsqu'on sort de l'Universit� avec plus de dettes que d'esp�ces sonnantes et tr�buchantes? D'autant plus que l'entreprise, qui ne produisait aucun bien, n'avait droit ni aux programmes gouvernementaux de d�marrage, ni aux pr�ts bancaires? La m�re de l'un des associ�s a heureusement accept� de devenir leur endosseur afin de garantir � �Image et recherche� une marge de cr�dit de 5 000$. Ainsi pourvue, l'�quipe a pu effectuer une premi�re mise fructueuse sur un souper-spectacle avec Andr�-Philippe Gagnon, ce qui leur a permis d'investir dans un second spectacle, puis un second, et un troisi�me... Depuis, la roue tourne, mais consciencieusement les associ�s r�investissent leurs profits dans l'organisation d'autres �v�nements. Ils pr�parent ainsi, avec un magicien, une tourn�e dans toute la province qui devrait durer un an.
Le parascolaire � l'honneur
Au fond, lorsqu'ils jettent un regard dans le r�troviseur sur leur exp�rience d'entrepreneurs, ils constatent qu'ils ont d�velopp� une certaine m�fiance depuis deux ans. �C'est un milieu qui ressemble � une jungle, remarque Jean-S�bastie Boies. Je constate aussi souvent que les jeunes qui d�marrent comme nous sont ceux qui nous aident le moins�. Malgr� toute leur bonne volont�, les dirigeants d'�Image et recherche� ont d'ailleurs parfois du mal � embaucher des �tudiants ou d'anciens confr�res de classe. La plupart n'ont en effet aucune exp�rience pratique et s'appuient uniquement sur leur formation acad�mique.
�Il faut profiter des activit�s parascolaires � l'Universit� pour donner du temps et d�velopper ses contacts, explique Jean- Philippe Dub�, par ailleurs ancien directeur g�n�ral d'Impact campus. �Mes connaissances en gestion, mon exp�rience, je les ai vraiment acquises en travaillant au journal.� Jean-S�bastien Boies abonde dans le m�me sens et remarque que les graphistes qui se prom�nent avec des projets non r�alis�s dans leur porte- folio auraient tout int�r�t � accomplir un travail b�n�vole pour une association afin de se frotter � la r�alit� du monde de l'imprimerie. La solution au probl�me du ch�mage des jeunes passe-t-elle par la valorisation du travail � but non lucratif comme tremplin de lancement?
PASCALE GU�RICOLAS