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22 septembre 1994 ![]() |
L EMPLOI
L'audace de se jeter � l'eau
Deux diplom�s de g�nie m�canique, Nathalie Simard et Eric Blouin, bossent 70 heures par semaine dans
l aventure de Bor�al Design
Depuis trois ans, Nathalie Simard et �ric Blouin ne trouvent plus de temps � consacrer au canot, eux qui profitaient pourtant de toutes les occasions qui se pr�sentaient pour partir en exp�dition lorsqu'ils �taient �tudiants � l'Universit� Laval. La descente de rivi�re a pris le bord depuis qu'ils se sont mis � faire du kayak de mer...en usine. Tous deux dipl�m�s en g�nie m�canique (1991), ils se retrouvent aujourd'hui, � 27 ans, propri�taires de leur propre firme de fabrication et de location de kayaks de mer, Bor�al Design. Et ils triment dur.
�J'ai toujours su que je deviendrais mon propre patron, dit Nathalie Simard. Je voulais �tre autonome, ne pas d�pendre des autres pour avoir un emploi. Je pense que c'est un trait de caract�re chez moi.� L'autonomie a cependant un prix qui se chiffre dans son cas, comme dans celui de son partenaire d'affaires, � 70 heures de travail par semaine.
La chasse a l emploi
L'aventure de Bor�al Design commence en avril 1991 alors que les deux jeunes ing�nieurs fra�chement dipl�m�s joignent les rangs des chasseurs d'emploi. Par l'interm�diaire d'amis, ils apprennent qu'un fabricant de canots de rivi�re install� � Saint-Romuald veut se d�faire de son entreprise. Il n'en faut pas plus pour les convaincre de se jeter � l'eau et de tenter leur chance en affaires. Un premier �cueil les attend cependant. Il leur faut un premier 5 000$ pour d�marrer l'entreprise, une somme que, finissants universitaires cribl�s de dettes, ils n'ont pas. Ils font alors la tourn�e des institutions bancaires en qu�te de ce maigre 5 000$ mais ils essuient refus sur refus. �C'�tait vraiment frustrant, dit �ric Blouin. Apr�s tout ce qu'on entend en publicit� sur les programmes pour aider les jeunes qui veulent partir en affaires, on �tait incapable d'obtenir un petit pr�t. D'ailleurs, en trois ans d'existence, Bor�al Design n'a pas obtenu un sous en subvention du gouvernement. On ne voulait pas de cautionnement de nos parents, on ne voulait pas les m�ler � �a. On pr�f�rait se d�brouiller tout seuls.� Finalement, avec pour seules garanties leur dipl�me universitaire et leur bonne volont�, ils convainquent une Caisse populaire Desjardins de leur faire confiance et de leur avancer les 5 000$. Bor�al Design �tait lanc�.
Salaires minimum
Ils embauchent aussit�t deux �tudiants pour les aider dans la production des canots. Entre temps, �ric accepte un poste d'ing�nieur dans une entreprise de fibre de verre. Il cumule alors les deux emplois, consacrant, tout comme Nathalie, ses soir�es et ses fins de semaine � la production de canots. � l'automne, Nathalie accepte � son tour un contrat de quatre mois dans la m�me entreprise. Au bilan financier de 1991, Bor�al Design montre un chiffre d'affaires de 25 000$, sans profit, ni d�ficit. �On se versait le minimum de salaire pour pouvoir rembourser la Caisse et pour payer le mat�riel et les employ�s. Cette premi�re ann�e nous a cependant permis de d�montrer notre s�rieux ce qui a facilit� les d�marches de financement par la suite�, explique Nathalie Simard.
D�but 1992, les deux partenaires r�alisent que le r�gime du double emploi est n�faste au d�veloppement de leur entreprise et ils conviennent d�sormais de consacrer toutes leurs �nergies � Bor�al Design. Ils d�veloppent par m�thode d'essai-erreur leur propre mod�le de canot de lac qu'ils mettent en production lors de l'�t� 1992. Pendant la m�me p�riode, ils pressentent un int�r�t grandissant pour le kayak de mer qui conna�t d�j� une vague de popularit� sur la c�te ouest du continent. Ils commandent deux kayaks � une firme de Colombie Britannique, ce qui leur permet de constater que la complexit� de l'op�ration suffit � d�courager la plupart des acheteurs potentiels du Qu�bec.
Leur propre usine
Pour pouvoir se lancer dans la production de kayaks, ils ont besoin de locaux beaucoup plus grands que ceux qu'ils occupent alors. Incapables de trouver quelque chose qui leur convient, ils entreprennent, en ao�t 1992, de construire leur propre usine dans le parc industriel de Saint- Augustin. �On a dessin� les plans de l'usine et on a b�ti tout ce que l'on pouvait nous-m�mes, raconte Nathalie Simard. Le reste a �t� confi� � des sous-contractants. Au bout de quatre mois, nous avions notre usine.�
� la m�me p�riode, Martin Pelletier, un ami �galement dipl�m� en g�nie m�canique (1992) leur offre de d�velopper un logiciel de conception, de dessin et de simulation du comportement du kayak afin de remplacer leur m�thode plut�t impr�cise par essai-erreur. En janvier 1993, dans leur toute nouvelle usine, ils entreprennent, � l'aide de ce logiciel, la conception et la production de la premi�re ligne de kayaks de mer sign�s Bor�al Design. La r�ponse des acheteurs � leurs produits a �t� excellente jusqu'� maintenant, particuli�rement du c�t� des pourvoyeurs. Les jeunes entrepreneurs percent progressivement le march� qu�b�cois selon un plan d'affaires dont ils ne d�rogent pas. �R�cemment, le commissaire industriel de Saint-Augustin recevait un visiteur mexicain et il nous a demand� si on voulait le rencontrer, raconte �ric Blouin. Avant de d�velopper le march� du Mexique avec toutes les difficult�s que cela comporte, on pr�f�re avoir des assises solides au Qu�bec, c'est la premi�re ann�e seulement que nos kayaks sont vendus en boutique. Mais on songe aussi � d�velopper des march�s � l'ext�rieur du Qu�bec, du c�t� des Maritimes et du Maine.�
Bor�al Design semble maintenant avoir le vent en poupe. Cette ann�e, 125 kayaks sortiront de leur usine qui emploie maintenant cinq personnes et le chiffre d'affaires atteindra 300 000$, ce qui permettra aux deux propri�taires de se verser un salaire comparable � celui d'un ing�nieur d'une petite firme priv�e. Partenaires en affaires et conjoints dans la vie, ils mettent encore de 60 � 70 heures par semaine dans l'entreprise mais malgr� tout, ni l'un ni l'autre ne changerait leur situation actuelle contre un poste permanent d'ing�nieur dans une compagnie. Pour eux, Bor�al Design repr�sente plus qu'un emploi, c'est devenu une partie de leur projet de vie. Bien que rien ne soit encore acquis pour eux, l'avenir s'annonce meilleur. D'ailleurs, depuis peu, ils ont recommenc� � faire du canot...et, bien s�r, du kayak de mer.
Jean Hamann
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