15 septembre 1994 |
EXPOSITION
Ma robe, mon miroir
Marie-France Saint-Laurent, �tudiante en ethnologie, a effectu� la
recherche documentaire pour l'exposition <
Il fut une �poque -pas si lointaine- o� le mariage repr�sentait
l'�v�nement par excellence dans la vie d'une jeune fille. Le jour de ses
noces, la nouvelle mari�e quittait la maison de son p�re pour entrer dans
celle de son mari, en m�me temps qu'elle changeait de nom pour prendre
celui de l'homme de sa vie. Tout un c�r�monial entourait ce jour b�ni
entre tous, de la pr�paration du fameux trousseau au choix de la robe de
mari�e.
�Jusqu'au d�but des ann�es 1970, la fille qui �tait encore c�libataire �
25 ans h�ritait du titre peu enviable de �vieille fille�, explique Marie-
France Saint-Laurent, �tudiante en ethnologie � l'Universit� Laval, qui a
fait la recherche documentaire de l'exposition �Vive la mari�e!�,
pr�sent�e au Mus�e de la civilisation jusqu'en f�vrier prochain. De fa�on
moins p�jorative, on disait de l'homme qui se trouvait dans la m�me
situation qu'il �tait rest� c�libataire.�
Chercheuse � l'IREP (Institut de recherche et d'�tude sur les
populations), Marie-France Saint-Laurent effectue pr�sentement un
doctorat dans lequel elle �tudie les usages du mariage chez des couples
d'ascendance irlandaise et des couples canadiens-fran�ais du comt� de
Dorchester s'�tant mari�s de 1900 � 1960. Ce n'est donc pas par hasard si
les responsables de l'exposition �Vive la mari�e!� lui ont donn� carte
blanche afin de donner la couleur juste � cette exposition con�ue d'abord
pour mettre en �vidence la collection de robes de mari�es du Mus�e.
�L'une des premi�res �tapes de mon travail a �t� de donner des pistes �
la conservatrice des objets, � partir d'entrevues orales r�alis�es aupr�s
des femmes, explique la chercheuse, qui a aussi veill� � ce qu'aucun
anachronisme ne s'ins�re dans les textes accompagnant l'exposition. Pour
illustrer le type d'erreur � �viter, elle cite un exemple tir�e de la
populaire s�rie t�l�vis�e Les Filles de Caleb, dans laquelle le mari
d'Emilie, Ovila Pronovost, re�oit une alliance le jour de ses noces.
�Pourtant, cette coutume ne s'est r�pandue pour les hommes qu'au cours
des ann�es 1950...�
Ma robe, mon miroir
La grande vedette de cette exposition tout en blanc est sans contredit la
robe de mari�e, reflet de la condition sociale de celle qui la portait.
De la fin des ann�es 1920 jusqu'en 1945, les jeunes filles issues de
milieux modestes vont ainsi choisir une robe ou un tailleur qui pourra
�tre porter � nouveau, tandis que les jeunes filles de la bourgeoisie
vont plut�t opter pour la robe blanche avec voile. � partir des ann�es
1950, les mari�es de la classe moyenne opteront, � leur tour, pour cette
robe d'un jour, blanche ou souvent pastel.
Les cadeaux offerts aux jeunes mari�s t�moignent �galement de leur
appartenance � une classe sociale. Si l'argenterie et la vaisselle de
porcelaine demeure l'apanage des "riches", les moins fortun�s, eux,
re�oivent des tabliers brod�s et des ustensiles de cuisine choisis en
fonction de leur utilit�. Mais qu'on soit riche ou pauvre, le mariage
donne toujours lieu � de grandes f�tes. �En milieu rural, o� l'entraide
entre les voisins repr�sentait parfois une question de survie, il �tait
souvent plus important d'inviter les voisins � la noce que certains
membres de la famille�, rapporte l'ethnologue.
Des ann�es � l'avance, la jeune fille se pr�parait � ce grand jour de sa
vie qui la faisait acc�der au monde des adultes. Avec ou sans pr�tendant
� l'horizon, elle commen�ait � coudre son trousseau de mariage -constitu�
de v�tements et de linge de maison- tr�sor pr�cieux qu'elle rangeait
ensuite soigneusement dans son �coffre d'esp�rance�. Apr�s des
fr�quentations d�ment chaperonn�es avec l'�lu de son coeur, la jeune
fille pouvait alors s�rieusement songer � �faire sa vie�. Quelques jours
avant le mariage, les amies de la future mari�e organisaient un shower -
l'�quivalent de l'enterrement de vie de gar�on chez l'homme- qui pouvait
porter sur diff�rents th�mes: tasses � th�, bibelots, linges de
vaisselle, etc. Puis c'�tait le grand jour: v�tue de ses plus beaux
atours, la jeune fille devenue femme faisait ses premiers pas dans le
monde.
Secrets de famille
Lors de ses enqu�tes, Marie-France saint-Laurent a d�couvert que le
souvenir des d�tails du mariage proprement dit �taient beaucoup plus
pr�sents chez les femmes que chez les hommes qui eux, avaient tendance �
se rappeller davantage le temps des fr�quentations. Au cours de ces
heures pass�es � recevoir les confidences des uns et des autres,
l'ethnologue affirme avoir parfois remu� des souvenirs pas toujours
heureux, �surtout dans le cas o� le nouveau couple devait habiter sous le
m�me toit que la belle-famille�. � ce sujet, elle indique que des
entrevues de ce genre demande beaucoup de doigt� et de tact: "Nous
n'avons pas le choix de rester simple dans notre approche car ce sont les
gens qui nous servent de source. En fait, l'exposition est un retour de
balancier: tu rends ce que les personnes t'ont donn�."
Emball�e par cette exp�rience qui lui a permis de vivre une application
pratique de l'ethnologie, Marie-France Saint-Laurent estime que la grande
diff�rence entre hier et aujourd'hui tient au fait que la finalit� m�me
du mariage a chang�: �Avant, la femme qui se mariait devait
d�finitivement abandonner toute vell�it� de carri�re pour se consacrer
enti�rement � sa famille. Aujourd'hui, elle a le choix et la possibilit�
de faire les deux.� Pour le reste, le mariage donne toujours lieu � de
grandes f�tes, qu'on se marie au Palais de justice ou � l'�glise. Il
para�t m�me que la pratique du shower, tomb�e en d�su�tude depuis un
certain nombre d'ann�es, revient � la mode...
Ren�e Larochelle