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6 octobre 1994 ![]() |
Danielle Blondeau devant le Comit� s�natorial sp�cial
�Non � la l�galisation de l'euthanasie�
�Redonner un sens � la mort repr�sente un d�fi consid�rable et la r�humaniser est un gage pour l'avenir�.
L'euthanasie ne doit pas �tre l�galis�e en raison des dangers r�els de d�rapage qui y sont associ�s, estime la professeure Danielle Blondeau qui comparaissait, il y a quelques semaines, devant le Comit� s�natorial sp�cial sur l'euthanasie et le suicide assist� qui est charg� d'examiner les questions juridiques, sociales et �thiques li�es � ce dossier et de faire rapport au S�nat avant le 15 d�cembre. Professeure � l'�cole des sciences infirmi�res, dipl�m�e au doctorat en philosophie et sp�cialiste de bio�thique, Danielle Blondeau a �t� invit�e � compara�tre � titre de t�moin expert en raison de ses travaux de recherche sur la qualit� de vie et sur le testament biologique mais �galement en raison de la notori�t� que lui vaut le livre �thique de la mort et droit � la mort qu'elle a publi�, en 1993, avec le juge Jean-Louis Baudouin, aux Presses universitaires de France.
Danielle Blondeau a rappel� aux membres du Comit� s�natorial que la l�galisation de l'euthanasie risquait de nous entra�ner sur une pente glissante comme le d�montre bien le cas des Pays-Bas o� cette pratique est maintenant courante. Certains rapports avancent que, chaque ann�e dans ce pays, 2 700 patients seraient euthanasi�s � leur propre demande mais qu'au moins 1 000 autres seraient euthanasi�s sans avoir donn� leur consentement. �Le glissement est inqui�tant, dit Danielle Blondeau, et il est facile d'identifier les cat�gories � risques: vieillards s�niles, nouveau-n�s handicap�s, personnes plong�es en �tat v�g�tatif persistant, malades chroniques, d�prim�s, porteurs du VIH. Les cons�quences sociales li�es � la l�galisation de l'euthanasie sont lourdes quand la pratique conduit � la perte du caract�re volontaire du geste et, par cons�quent, � la d�valuation de la vie humaine. La suppression de la souffrance doit- elle n�cessairement passer par l'�limination de la personne souffrante?�
Selon la philosophe, il r�gne une grande confusion dans la population entre le droit de mourir dans la dignit�, soit celui de laisser le processus de la mort s'installer et suivre son cours tout en contr�lant les souffrances du malade, et le droit � la mort qui ouvre la porte � une intervention visant � faire d�lib�r�ment mourir. Ce que la population sait sur ces questions, elle l'apprend souvent par le biais de drames comme celui de Sue Rodriguez, des cas polaris�s � outrance et embrouill�s parfois par le traitement m�diatique. �Cette situation ne peut que priver du discernement n�cessaire dans le choix �ventuel d'actions cliniques et de politiques sociales en mati�res aussi s�rieuses que la mort humaine. La d�criminalisation de l'assistance au suicide pose une difficult� �vidente sur les plans philosophique, moral et juridique:
celle de s�parer l'aide au suicide de l'euthanasie proprement dite. La fronti�re est si mince, le poids de la r�alit� si lourd qu'il n'est pas s�r que l'on puisse accepter la premi�re sans, du m�me coup, l�gitimer la seconde.�
Pour Danielle Blondeau, la revendication du droit � la mort est l'indice d'un malaise d'une soci�t� qui a �vacu� le sens de l'�tre humain et avec lui, le sens de la mort. �Redonner un sens � la mort en cette fin de XXe si�cle est un d�fi consid�rable. Mais r�humaniser la mort est un gage pour l'avenir, un signe que l'�tre humain est toujours vivant. La soci�t� doit r�habiliter des valeurs comme la solidarit� et le sens de l'autre et retrouver le v�ritable sens de la compassion qui est litt�ralement �l'habilit� de souffrir avec�. C'est � une profonde remise en question des valeurs d'une soci�t� que convie toute r�flexion s�rieuse sur la mort et qui soul�ve une question fondamentale: quelle soci�t� serons-nous?�
Compara�tre devant un Comit� s�natorial a �t� une exp�rience tr�s particuli�re pour Danielle Blondeau. Quelque peu intimid�e par le d�corum et la mise en sc�ne cr��e par l'�quipe de s�nateurs, de traducteurs et de st�notypistes, elle admet s'�tre pr�sent�e � Ottawa consciente des pr�jug�s qu'un peu tout le monde partage � l'endroit des s�nateurs. �Mais, j'ai �t� surprise de constater l'int�r�t que les s�nateurs ont manifest� pendant la pr�sentation de mon m�moire et �tonn�e de voir � quel point ils connaissaient bien le dossier. En bout de ligne, c'est tr�s stimulant de penser que le fruit des dix ann�es de r�flexion que j'ai consacr�es � la mort risque d'influencer un peu la r�flexion sur la l�gislation que se donnera le Canada sur l'euthanasie et l'assistance au suicide.�
JEAN HAMANN
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