27 octobre 1994 |
Profil
TH�ODORE WILDI OU L'�NERGIE �LECTRIQUE
Lorsque Th�odore Wildi a suivi son premier cours de physique � l'�cole secondaire, � Montr�al, il tremblait de plaisir anticip� juste avant que son professeur aborde la partie du programme concernant l'�lectricit�, un sujet qui passionnait le jeune Suisse depuis sa plus tendre enfance.
Plus de cinquante plus tard, cet int�r�t constant ne se d�ment pas. Le professeur �m�rite de l'Universit� Laval �prouve un enthousiasme de coll�gien � �voquer quelques unes de ses inventions ou les astuces p�dagogiques mises au point pour guider les �tudiants � travers les �quations math�matiques arides. Les yeux brillant de malice, il se souvient aussi de quelques brusques r�veils nocturnes inflig�s � son �pouse pour cause de d�couverte aig�e, ou de fabuleuses trouvailles th�oriques tablett�es car tout simplement irr�alisables.
A l'assaut des th�ories
Lorsqu'il a accept� l'offre d'emploi de charg� de cours de Gilles Sarault, alors directeur du D�partement de g�nie �lectrique � l'Universit� Laval, Th�odore Wildi connaissait le fonctionnement de quatre moteurs de base utilis�s fr�quemment en industrie. Mais la th�orie n�cessaire � l'application sur d'autres mod�les lui manquait encore. Avec quelques coll�gues, il a donc lu en abondance sur le sujet, exp�riment� les relations entre les courants pour finalement aboutir � des raisonnements transposables ailleurs. Car ce p�dagogue-n� se contente rarement de prendre pour argent comptant n'importe quelle formule ou concept th�orique. Il les d�cortique afin de mettre en lumi�re la r�alit� physique d�crite par l'�quation. �Au d�but des ann�es cinquante, j'ai fond� � Qu�bec l'�cole d'�lectricit� industrielle, une institution qui se consacrait � la formation de techniciens en �lectricit�, raconte Th�odore Wildi. Mais je ne pouvais pas donner les m�me cours qu'� l'Universit� Laval car mes �l�ves avaient souvent peu de notions de math�matiques.�
Le meilleur de deux mondes
M�me s'il jongle avec les concepts abstraits avec autant d'aisance que n'importe quel autre professeur de g�nie �lectrique, cet enseignant a choisi d�lib�r�ment de donner un tour pratique � sa carri�re et de se frotter autant que possible au monde de l'industrie. Une orientation qui lui vient peut-�tre de sa premi�re exp�rience professionnelle dans une usine produisant des moteurs �lectriques. �Si on veut d�couvir quelque chose, il faut vraiment �tre face au probl�me qui donne lieu � une invention, explique le professeur. C'est un d�fi qui mobilise toutes les ressources, j'y pense continuellement.� En 1959, un encha�nement de circonstances l'am�ne � cr�er Gen-Tec, une entreprise sp�cialis�e dans la r�paration et l'entretien des appareils de mesure �lectroniques et �lectriques, ainsi que dans la fabrication de stabilisateurs de charge et de syst�mes didactiques.
En fondant cette entreprise, Th�odore Wildi entrait dans la l�gende en devenant le premier professeur-entrepreneur du D�partement � une �poque o� la sph�re industrielle et la sph�re recherche se cotoyaient sans se conna�tre. �J'avais le meilleur de deux mondes, se rappelle-t-il. Je travaillais � temps partiel � l'Universit� ce qui me permettait de demeurer � la page et d'avoir acc�s � une source �norme d'informations. D'un autre c�t�, j'avais la satisfaction de mettre en pratique ce que j'imaginais et de pouvoir le commercialiser.� Gen-Tec emploie d'ailleurs encore aujourd'hui des dipl�m�s du D�partement de g�nie �lectrique.
Une expertise recherch�e
M�me apr�s avoir vendu Gen-Tec qui exigeait trop de son temps, Th�odore Wildi a continu� d'offrir ses services de consultant aux industriels. En 1969, il devient vice-pr�sident � l'ing�ni�rie chez Lab-Volt et met son expertise au service de la production de mat�riel didactique en �lectrotechnique. Cette dimension pratique l'a souvent aid�, selon lui, � illustrer ces cours avec des cas concrets et lui a aussi permis de conseiller les �tudiants d�sireux de d�marrer en affaires. Ce p�dagogue hors pair, qui a con�u et r�alis� le mat�riel des laboratoires d'�lectrotechnique encore en usage au D�partement de g�nie �lectrique, a donn� une seconde vie � son enseignement en �crivant pas moins de huit manuels sur l'�lectronique. L'un d'eux, intitul� �lectrotechnique, sert d'ailleurs d'ouvrage de r�f�rence dans tous les programmes francophones de g�nie �lectrique au Qu�bec.
Rapprocher industrie et universit�
Son implication active dans le milieu des affaires et son exp�rience d'inventeur l'ont amen� �galement � pr�sider le Comit� des brevets et du droit d'auteur � l'Universit� Laval dans les ann�es 70. Les 14 brevets qu'il a lui m�me d�pos�s au Canada, aux �tats-Unis et en Angleterre l'ont certainement aid� � �tablir une proc�dure standard permettant une juste r�partition des co�ts et des retomb�es des brevets pour les universitaires concern�s. Une contribution majeure qui a eu le m�rite de clarifier le domaine n�buleux de la propri�t� intellectuelle.
De la m�me fa�on, sa connaissance de l'industrie a �t� d'un grand secours lorsque l'Universit� a voulu chiffrer les co�ts indirects de la recherche et mieux n�gocier les ententes de recherche. En effet, les contrats pass�s avec le gouvernement prenaient en compte seulement les d�penses directes de type salaire de chercheurs, sans defrayer les co�ts moins apparents comme le font les cabinets de consultants. Aujourd'hui �g� de 72 ans, Th�odore Wildi pourrait se reposer sur ses lauriers en se r�m�morant les meilleurs souvenirs de sa carri�re. Mais cet ing�nieur, qui a obtenu une ma�trise d'�conomique en 1986 � l'Universit� Laval, demeure encore impliqu� dans plusieurs projets industriels. Le secret de l'�ternelle jeunesse?
PASCALE GU�RICOLAS