![]() |
27 octobre 1994 ![]() |
EXPOSITION
La peinture dans le mille
Avec ses tableaux o� la couleur pure ne supporte aucun fard, Richard Mill atteint sa cible: surprendre
Ce n'est pas un hasard si les tableaux de Richard Mill ne portent aucun titre. En fait, les oeuvres abstraites que ce professeur � l'�cole des arts visuels expose jusqu'au 6 novembre � la Galerie des arts visuels (�difice La Fabrique, boulevard Charest ) s'en passent tr�s bien, tant les couleurs pures et les formes � la fois complexes et simples qui s'affichent sur le mur parlent d'elles-m�mes.
�J'aime que mes tableaux aient le champ libre face aux multiples sens possible�, dit Richard Mill, qui avoue pourtant avoir manqu� � cette r�gle deux fois en 25 ans. �Cependant, le titre n'avait rien � voir avec le dessin. En fait, je crois fermement que donner un sens a pour effet ^^d'enfermer^^le tableau.�
Pourtant, Richard Mill n'h�site pas � donner des pistes au spectateur, en peignant notamment des lettres sur certaines de ses toiles. Ainsi, au haut de ce Sans Titre dat� de 1985 o� l'oeil per�oit tant�t la plan�te Terre, tant�t un arbre - � moins que ce ne soit un geyser - l'artiste a peint les lettres �SOUR�. Au public d'y voir ce qu'il veut. �� la limite, je deviens moi-m�me un spectateur�, laisse-t-il tomber. Ces propos ne doivent toutefois pas laisser croire que Richard Mill fait partie de cette race de peintres �herm�tiques� qui s'ing�nient avec d�lices � semer le public. �Ce qui m'int�resse, c'est le contact direct avec la peinture.�
Des palissades
La dizaine d'oeuvres r�centes que l'artiste pr�sente dans cette exposition sont toutes de larges dimensions, c'est-�-dire � l'�chelle du corps. Sortes de palissades effectuant des trou�es dans la nature, les tableaux pr�sentent pour la plupart deux parties distinctes, comme si l'artiste avait voulu opposer deux univers: �Cela d�limite l'espace et structure le tableau. Je pense qu'un tableau fonctionne bien quand l'oeil l'accepte d'embl�e�. Appliquant directement la couleur du tube � la toile ou puisant � pleines mains dans la peinture, Richard Mill veut cette couleur la plus pure possible, fuyant les m�langes. R�sultat: des couleurs franches qui cr�vent litt�ralement la toile et qui hypnotisent le spectateur fascin� devant des bleus, des verts et des rouges plus vrais que nature.
L'exposition comporte �galement des �tableaux-objets� pour lesquels Richard Mill refuse la d�nomination de sculptures. L'un des ces tableaux- objets m�rite d'ailleurs le d�tour, �voquant � la fois le jardin d'Eden et la porte d'entr�e d'un paradis perdu... �On parle toujours de la m�me chose�, remarque l'artiste quand on lui demande d'expliquer de ce qui l'inspire. �Au d�but de ma pratique artistique, je m'appuyais sur l'id�ologie minimaliste, qui consiste � faire un minimum d'interventions pour un maximum de sens. Mais cela m'ennuyait de faire un tableau �pr�vu�. Puis j'ai commenc� � intervenir directement sur la toile.�
Le croirait-on? Certaines oeuvres ont ainsi vu le jour � cause d'un coin de la toile qui �tait sali et que l'artiste a voulu masquer... Mais qu'on ne s'y m�prenne pas: Richard Mill ne donne surtout pas dans la peinture automatique. En t�moignent ses oeuvres empreintes de labeur et d'interrogations sur la vie, la nature et l'amour.
REN�E LAROCHELLE
-30-