20 octobre 1994 |
Exposition
Des l�gendes sous son pinceau
Lorsqu'il parle de ses tableaux, Jean-Claude Dupont fait songer � un gamin qui exposerait ses �mauvais coups� � la face du monde. �Pour que je les aime, il faut qu'on y retrouve de l'humour et du myst�re�, r�v�le le peintre na�f en d�signant la quinzaine de peintures qui forment l'exposition �L�gendes de l'Am�rique fran�aise�, pr�sent�e au Mus�e de l'Am�rique fran�aise jusqu'en janvier prochain. Chercheur au C�LAT (Centre d'�tudes sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Am�rique du Nord), Jean-Claude Dupont prend le pinceau pour conter, � sa mani�re, ces r�cits populaires que sont les l�gendes. Selon lui, ces histoires empreintes de na�vet� se pr�tent admirablement bien � une interpr�tation picturale d'expression populaire. �C'est fou ce que les l�gendes sont inspirantes�, soutient cet ethnologue r�put�, qui a trouv� dans la peinture un moyen original de diffuser ses connaissances en dehors du cercle habituel de l'�tude et de la recherche.
La l�gende des si�cles
V�ritable livre d'images � ciel ouvert, l'exposition porte sur ces r�cits originaires de l'Europe fran�aise qui ont trouv� un territoire fertile en Am�rique du Nord. Transmises de g�n�ration en g�n�ration, les l�gendes ont subi quelques modifications � travers les si�cles. Par exemple, la chasse-galerie europ�enne du 17e si�cle -une formation de chasseurs en f�te se d�pla�ant dans le firmament- devient, dans le Qu�bec du 19e si�cle, une �quipe de b�cherons volant dans un canot d'�corce pour se rendre aupr�s de leurs �blondes�, et se transforme finalement en une bande de joyeux lurons en autobus, au 20e si�cle. Dans cet ordre d'id�es, l'arche de No�, adapt�e � la r�alit� qu�b�coise, devient une maison... qu�b�coise flottant sur un radeau de bois, autour duquel s'�battent des phoques.
Mais ne nous-y trompons pas: bien que Jean-Claude Dupont poss�de de l'imagination � revendre, il demeure toutefois fid�le au sujet de la l�gende qu'il peint. �S'il n'y a pas d'histoire, il n'y a pas d'int�r�t. Toutefois, les gens sont libres d'imaginer ce qu'ils veulent.�
Si les faits ont �t� d�form�s par l'imagination populaire au fil des si�cles, la structure et le message v�hicul� par la l�gende, eux, sont les m�mes, constate Jean-Pierre Dupont: �Les lutins continuent � agacer les humains tandis que les feux-follets se prom�nent toujours sur les routes des villages. Les loups-garous veulent �tre d�livr�s de leur condition et les fant�mes hantent les maisons. Quant � Satan, son r�le aussi demeure le m�me: fr�quenter les marginaux de la soci�t�.�
La m�moire d'un peuple
Les toiles qui figurent � cette exposition consacr�e aux l�gendes de chez nous ne repr�sentent qu'une infime part de l'oeuvre de Jean-Claude Dupont qui a peint, � ce jour, pr�s de 350 tableaux, tous inspir�s de la litt�rature orale. Pour ce faire, il a sillonn� sans rel�che non seulement le Qu�bec et le Canada, mais aussi les Etats-Unis, recueillant de la bouche m�me des conteurs ces histoires qui constituent en quelque sorte la m�moire d'un peuple. Apr�s avoir fait le tour de la Gasp�sie -o� il a recueilli une l�gende par village- Jean-Claude Dupont projette de se rendre sur la C�te-Nord et par la suite, dans les Cantons de l'est.
�Depuis des temps imm�moriaux, les humains ressentent le besoin de s'inventer des histoires, raconte-t-il. En fait, les l�gendes ont toujours r�pondu � un certain besoin psychologique, celui d'assurer la s�curit�, au sein d'un monde impr�visible. Redoutant la solitude, les humains �tendent leur espace pour se rassurer; ils lib�rent la nature, apprivoisant ou supprimant des esprits mauvais, par l'entremise de moyens religieux ou magiques. Il faut cependant reconna�tre que de nos jours, c'est surtout une valeur patrimoniale qu'on attribue � ces r�cits.�
REN�E LAROCHELLE
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