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20 octobre 1994 ![]() |
Les ados vont tr�s bien, merci
Les jeunes disent qu'ils sont heureux? Il faut les croire, estime le chercheur Richard Cloutier
� lire les journaux et � regarder la t�l�vision, on serait port� � croire que les adolescents d'aujourd'hui vivent un calvaire quotidien, croulant sous le poids de tous les maux du monde, avec en prime, une �tiquette de d�crocheurs toutes cat�gories sur le dos.
Si on se fie aux conclusions d'une enqu�te r�alis�e aupr�s de 3 200 jeunes de 11 � 19 ans des deux sexes fr�quentant les �coles secondaires du Qu�bec, les ados n'iraient pourtant pas si mal. En fait, ils iraient m�me tr�s bien, selon les r�sultats de cette recherche men�e par le Bureau qu�b�cois de l'Ann�e Internationale de la famille et l'Association des Centres jeunesse du Qu�bec, en collaboration avec l'�quipe de Richard Cloutier, du Centre de recherche sur les services communautaires de l'Universit� Laval, et publi�e cette semaine dans le journal La Presse.
�La premi�re constatation que nous devons faire de ce tableau est qu'il est globalement positif, explique Richard Cloutier. Qu'il s'agisse de leur perception d'eux-m�mes, de leur famille, de leur p�re, de leur m�re, de leurs fr�res et soeurs ou de leur �cole, la partie positive remporte constamment une victoire �crasante sur la partie n�gative. Ainsi, les jeunes nous disent qu'ils vont bien, qu'ils aiment leur famille, qu'ils se sentent � l'aise � l'�cole et qu'ils envisagent l'avenir avec beaucoup d'optimisme.�
�cole, famille, amour
Les ados �valuent tr�s positivement le climat de leur �cole, les filles davantage que les gar�ons; elles s'y sentent aussi plus � l'aise. Si 51,2% des jeunes disent avoir des r�sultats scolaires dans la moyenne, 39,2% affirment �tre au-dessus de la moyenne. En outre, 60,7% des ados rapportent ne s'�tre jamais absent�s de l'�cole pour des motifs jug�s non valables tandis que 12,2% l'ont fait tr�s souvent. Enfin, 55,3% des r�pondants comptent faire des �tudes universitaires (60% pour les filles contre 49% pour les garcons).
Dans l'ensemble, les jeunes se disent satisfaits ou tr�s satisfaits des relations qu'ils entretiennent avec leur famille. Les filles �valuent toutefois le climat familial de fa�on plus critique que les gar�ons;
elles sont �galement presque deux fois plus nombreuses que les gar�ons � d�sirer un changement de relation avec leur m�re. Les ados des deux sexes qui d�sirent un changement dans la relation avec leurs parents recherchent avant tout un rapprochement et une am�lioration de la qualit� du contact.
Au chapitre de l'amour, plus de 80% des ados se disent pr�ts � vivre une relation amoureuse; 71,4% de ceux qui sont actifs sexuellement ont v�cu leur premi�re relation sexuelle dans un contexte amoureux. Finalement, le projet de fonder une famille est tr�s important chez les jeunes: 87% d'entre eux veulent avoir des enfants. Les gar�ons comme les filles se sentent capables d'�tre de bons parents et envisagent avec optimisme leur vie professionnelle future.
�Ca va bien, mais...�
Pour positif qu'il soit, ce tableau de la r�alit� des jeunes ne doit pas faire oublier que les jeunes font face � des probl�mes s�rieux. En effet, 11,6% des jeunes rapportent avoir d�j� fait une tentative de suicide, 3, 3% consomment r�guli�rement de la drogue, 11,5% disent avoir �t� victimes d'un abus sexuel, etc. C'est toutefois la diff�rence marqu�e entre la r�alit� v�cue par les filles et celle des gar�ons qui a le plus surpris les chercheurs. Comparativement aux gar�ons, les filles seraient en effet cinq fois plus nombreuses qu'eux � rapporter de la dicrimination sexuelle � leur endroit et � vivre une exp�rience sexuelle contre leur gr�. De m�me, les filles se sentent moins bien dans leur peau et sont plus nombreuses � fumer la cigarette que les gar�ons, qui eux, consomment davantage de drogue et d'alcool.
Selon les auteurs de l'�tude, la pr�cocit� biologique des filles semble avoir des cons�quences tangibles sur les exp�riences psychologiques et sociales de l'adolescence. D'une certaine fa�on, le monde des filles serait ainsi plus dur que celui des gar�ons, bien que la sp�cificit� masculine comporte aussi sa part de vuln�rabilit�s. �Soit, les gar�ons sont plus forts physiquement et ils n'ont pas � porter les enfants, mais ils sont beaucoup plus pr�sents dans la violence et la d�viance, note Richard Cloutier. Ils sont aussi plus � risque d'�checs ou d'abandon scolaire, ce qui constitue une dimension majeure dans l'accession � l'autonomie adulte.�
Ma famille, mon miroir
Au terme de cette �tude, les chercheurs demeurent convaincus que l'adolescent est le reflet de ce qu'il vit dans la famille. �Les ados qui vivent de la discorde et de la violence dans leur famille et qui ne sont pas respect�s par leurs parents ont beaucoup plus de chance de se sentir mal dans leur peau, moins � l'aise � l'�cole, moins optimistes face � leur avenir, moins soutenus par leurs amis, etc. La qualit� relationnelle dans la famille ressort comme un d�terminant puissant, sinon le plus puissant, de la qualit� de vie personnelle et sociale des adolescents.�
Partant du fait que les ados affirment clairement leur d�sir d'�tablir un rapprochement et de bonnes relations avec leurs parents, ces derniers doivent tout mettre en oeuvre afin de combler ces attentes et d'augmenter par le fait m�me les chances de r�ussite de leur enfant dans la vie, avancent les chercheurs. Par quels moyens? �En travaillant de tout leur poids � �liminer la violence verbale et physique entre les membres de la famille, en faisant la promotion du respect, du soutien et des t�moignages d'affection entre les membres, en ouvrant la famille au r�seau social du jeune.�
�Apr�s avoir donn� la parole aux ados, le moins qu'on puisse faire est de les croire quand ils disent qu'ils vont bien, conclut Richard Cloutier. Cela vaut sans doute mieux que de vouloir les faire profiter � tout prix de notre exp�rience d'adulte et de les convaincre que l'avenir s'annonce mal pour eux.�
REN�E LAROCHELLE
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