17 novembre 1994 |
LA GRANDE PEUR DES M�DIAS
Non seulement les m�dias occidentaux ne donnent pas l'heure juste sur la guerre qui s�vit en ex-Yougoslavie depuis plus de trois ans, mais encore l'information diffus�e dans les journaux et � la t�l�vision souffre d'un d�r�glement chronique, la presse �tant branch�e, en quelque sorte, sur le canal unique du consensus. C'est l'opinion qu'a exprim�e Jacques Merlino, r�dacteur en chef adjoint de France 2 et auteur de l'ouvrage Les v�rit�s yougoslaves ne sont pas toutes bonnes � lire, lors d'une conf�rence qui a eu lieu r�cemment au pavillon Charles-DeKoninck.
Invit� par le D�partement d'information et de communication, le D�partement de science politique et l'Institut qu�b�cois des hautes �tudes internationales, Jacques Merlino a d�clar� que l'information �tait � un tel point trait�e uniform�ment et unilat�ralement d'un pays � l'autre qu'il y avait fort � parier que le commun des mortels aurait bien du mal � d�m�ler l'�cheveau des raisons historiques de ce conflit.
�Que ce soit en France, aux �tats-Unis ou au Qu�bec, l'information ne change pas. Les journaux t�l�vis�s nous montrent les m�mes images et pr�sentent les m�mes commentaires. Nous sommes entr�s dans l'�re du discours unique et du �pr�t-�-penser� o� il n'y a plus ni d�bat, ni r�flexion, ni �changes d'id�es. Partout la grille de lecture demeure la m�me.�
La s�curit� d'emploi
Par exemple, la t�l�vision va montrer des images des camps de prisonniers serbes, sans fairede m�me pour les camps de prisonniers croates. Ou encore, on va parler du cas de �20 000 femmes viol�es�, en n�gligeant de v�rifier si ce chiffre r�fl�te v�ritablement la r�alit�. Selon Jacques Merlino, cette information bas�e sur le sensationnalisme fonctionne sur une grille de lecture immuable: bri�vet� des commentaires (au journal t�l�vis�, une �analyse� �ditoriale ne doit pas d�passer 50 secondes et un reportage, deux minutes). �Forc�s de traiter de probl�mes complexes en peu de temps, les m�dias font preuve d'une simplification abusive et ont tendance � jouer sur l'�motion plut�t que sur la raison�, estime le conf�rencier.
Prenons le cas d'un journaliste qui d�barque en Bosnie ou � Ha�ti. � cause de la concurrence effr�n�e que se livrent les m�dias entre eux et des moyens technologiques tr�s d�velopp�s, il est forc� de �livrer la marchandise� en un temps record. Choisissant la s�curit�, il va d'abord commencer par s'informer de l'�tat de la situation aupr�s de ses coll�gues journalistes qui se trouvent sur le terrain puis construire sa nouvelle. �De nos jours, la grande peur des m�dias, c'est de ne pas dire la m�me chose que son concurrent.�
Finalement, Jacques Merlino croit que �les grands m�dias n'ont pas fait leur travail� en ce qui concerne la guerre en ex-Yougoslavie. Parlant de �d�rapage m�diatique�, il estime que le conflit aurait d� faire la une des journaux, d�s le d�but des hostilit�s, en juin 1991. Mais cela ne s'est pas fait, �parce qu'en v�rit�, personne n'y comprenait rien.�
REN�E LAROCHELLE
-30-