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8 d�cembre 1994 ![]() |
COMMUNICATION
La pub et le sida: soft ou hard ?
Il n'est pas facile de changer les comportements dans un domaine qui touche les personnes d'aussi pr�s.
Vendre le port du condom constitue une op�ration autrement plus d�licate que de vendre une marque de savon ou de voiture. Car qui dit sida dit aussi sexualit�: dans l'�laboration de campagnes visant � pr�venir le sida, les publicitaires se heurtent au mur des tabous sexuels toujours tr�s pr�sents dans la soci�t� qu�b�coise. Ces concepteurs doivent-ils faire abstraction des interdits et y aller d'une publicit� provocante ou au contraire, proposer un message plus �doux�, en attendant que les barri�res du puritanisme tombent?
�Si l'amour est quelque chose de positif, le ton dont on en parle devrait �tre �galement positif�, a d�clar� Louis Massicotte, de l'agence Pub Cr�ation, l'un des participants � une table ronde organis�e r�cemment � l'�cole des arts visuels par les �tudiants en communication graphique sur le th�me de la publicit� et du sida. �Dans le cas pr�sent, le r�le de la publicit� est de d�velopper une attitude positive envers le produit, en l'occurrence le condom. �
Estimant que �l'humour peut grandement servir une cause dramatique comme le sida�, Louis Massicotte croit aux vertus de la publicit� positive (le �miel�) pour infl�chir les foules. Opinion partag�e par Ren� D�ry, de Olive Communications: �Jouer sur la corde de la peur ne sert � rien. Mais le message doit quand m�me �tre percutant si on veut qu'il soit efficace.�
Faut-il donc miser sur la publicit� n�gative (le �fiel�) pour r�ussir � changer les comportements? Prenant pour exemple les �demi-�checs de la publicit� que constituent, selon lui, les campagnes contre l'alcool et la cigarette, Michel Lemieux, de la maison de sondage L�ger et L�ger, a rappel� qu'il �tait tr�s difficile de modifier les habitudes des gens dans des domaines qui les touchent de pr�s. Et quoi de plus intime que la sexualit�: � En incitant la personne � avoir des relations sexuelles prot�g�es, nous lui imposons une contrainte qui, de son point de vue, n'a pas sa place dans un domaine qui se veut aussi ''libre''que la sexualit�.�
Le beau risque
Selon Claude Cossette, directeur du programme de communication graphique � l'�cole des arts visuels, la meilleure fa�on de toucher la corde sensible des Qu�b�cois en mati�re de sida consiste � �parler gros et fort, mais sans coincer les gens�: �Avant qu'une attitude se transforme, cela prend du temps. C'est une efficacit� � petits pas. Et ce n'est surtout pas une question d'argent: le gouvernement aura beau d�penser 20 millions de dollars dans des campagnes de publicit� sur la pr�vention du sida sans que cela change n�cessairement les choses.�
En admettant le fait que tout le monde est �� risques�, Claude Cossette croit qu'il faut arr�ter de faire des campagnes pour rejoindre tout le monde et mieux cibler la publicit� vers des groupes � risques, et cela, m�me si cette action laisse de c�t�, pour un temps, d'autres groupes susceptibles d'�tre infect�s par le sida. �Parler � tout le monde �quivaut � ne parler � personne."
Les �tudiantes et �tudiants qui assistaient � ce d�bat -qui �tait tout sauf ennnuyeux- ont d�plor� le fait que la publicit� ne montre que les causes du sida, sans en montrer les cons�quences. �Pourquoi ne pas filmer un sid�en et montrer l'�volution de la maladie ou montrer carr�ment quelqu'un en train de mourir ?�, a sugg�r� quelqu'un. �Reste � savoir si cela serait moralement acceptable�, a r�torqu� Louis Massicotte, partisan de la publicit� positive. Optant en masse pour le �fiel�, les �tudiants croient qu'il n'y a rien comme des images-chocs -et m�me choquantes- pour sensibiliser efficacement les jeunes au probl�me du sida. Et ce, m�me si la m�decine est difficile � avaler.
REN�E LAROCHELLE
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