![]() |
8 d�cembre 1994 ![]() |
Profil
L'OEIL DE L'AIGLE
Le photogramm�tre Arthur Brandenberger a fait le tour du monde. Ses cartes aussi.
Lorsqu'Arthur Brandenberger �tudiait dans son lyc�e en Suisse, il d�testait les langues �trang�res, adorait l'escalade et aimait d�j� explorer le monde � travers les quadrillages fixes des cartes topographiques. Pr�s d'un demi-si�cle plus tard, il a appris six langues �trang�res, a troqu� les crampons et le piolet pour une paire de skis alpins, mais il voue toujours un culte inconditionnel � la cartographie, une des disciplines enseign�es en foresterie et g�omatique.
Une passion qui le pousse � fr�quenter son petit bureau du Pavillon Louis -Jacques-Casault le samedi et le dimanche, comme si ce sp�cialiste de la photogrammetrie reconnu internationalement, qui repr�sente les int�r�ts canadiens aupr�s des Nations Unies en mati�re de cartographie, d�butait timidement une carri�re de professeur.
La bonne nouvelle
Arthur Brandenberger a sans doute jou� le r�le de messager de la bonne nouvelle � son arriv�e � l'Universit� Laval en 1965. � cette �poque-l� en effet, le continent am�ricain accusait un certain retard par rapport � l'Europe en ce qui concerne la photogramm�trie. Cette technique cartographique utilise en fait les photos a�riennes. Pour �viter les distorsions li�es � la topographie, les photogramm�tres utilisent des instruments permettant de voir l'image en trois dimensions. Gr�ce � une s�rie de calculs, ces appareils parviennent � fournir des indications de mesure terrestre extr�mement pr�cises et permettent ainsi la r�alisation d'une carte topographique sans passer par l'arpentage terrestre traditionnel.
Fort d'une telle science cartographique acquise � l'�cole polytechnique de Zurich en 1947, le Dr Brandonberger a roul� sa bosse au Minist�re des travaux publics d'Ath�nes, au Cadastre turc, � l'Universit� Columbus dans l'Ohio et visit� pas moins de 117 pays. Tout simplement parce que la photogramm�trie constitue l'assise sur laquelle s'appuient de tr�s nombreuses autres disciplines.
L'humain de la carte
�Les g�ographes se servent des cartes topographiques pour introduire des renseignements sur la population, les ing�nieurs les utilisent pour faire des routes ou des r�seaux d'irrigation, explique le professeur. La carte est un document de base qui peut s'adapter � diff�rentes th�matiques.� Au fil des ans et de son implication aupr�s des Nations Unies, le photogramm�tre a pris conscience peu � peu du r�le de d�veloppement assum� par ces indications topographiques dessin�es sur un plan. Car sans carte tr�s d�taill�e, on ne peut ni tracer des voies de communication, ni construire de barrages ou d�fricher une r�gion pour l'agriculture. Cette vision humaniste de la carte a sans doute permis � Arthur Brandenberger de mettre son expertise au service des organismes internationaux.
Consultant principal de l'ONU pour la cartographie mondiale, le photogramm�tre s'efforce donc de mettre en lumi�re les besoins des pays en mati�re de carte, afin de pouvoir conseiller les Nations Unies sur les efforts � d�ployer dans des r�gions particuli�res. Il coordonne ainsi l'action de 180 directeurs de service cartographique � travers le monde, qui tous r�pondent � un questionnaire portant sur le nombre et le type de cartes disponibles dans leur pays respectif. Un exercice qui bien souvent provoque des tiraillements sur la question �pineuse des fronti�res ou soul�ve des probl�mes de secret-d�fense. Car les renseignements sur le terrain int�ressent d'abord et avant tout les militaires qui y consacrent bien du temps et de l'argent.
Des cartes confidentielles
Farouche partisan de la concertation entre les pays, Arthur Brandengerger n'a jamais �t� attir� par l'industrie militaire et croit encore aux vertus du dialogue version ONU, m�me s'il reconnait que �le niveau moral de la race humaine ne s'est pas am�lior�.� Son m�tier d'observateur topographique lui a d'ailleurs donn� l'occasion de se frotter au secret militaire puisque les cartes officielles constituaient des documents non divulguables dans certaines r�gions du globe, notamment dans les pays communistes. Le temps d'un voyage, il a donc troqu� ses fonctions de professeur pour celles d'espion. Il a ainsi m�moris� des donn�es topographiques tr�s pr�cises fournies par des amis comp�tents, afin de les traduire en cartes une fois arriv� � bon port. Cette pratique lui a d'ailleurs valu d'effectuer un s�jour dans une prison nig�rienne car les autorit�s pensaient qu'il travaillait pour les services secrets.
Toutes ces activit�s de globe-trotter n'ont pas emp�ch� le professeur de photogramm�trie de former de tr�s nombreux �tudiants de premier et de deuxi�me cycles � cette discipline. Jacques Jobin, directeur du D�partement de sciences g�od�siques et de t�l�d�tection � la Facult� de foresterie et de g�omatique, se souvient ainsi avec admiration de la capacit� de son ma�tre � illustrer au tableau des notions complexes. �Aujourd'hui, il est relativement facile avec les ac�tates ou les ordinateurs de faire comprendre des sch�mas en trois dimensions, explique -t-il. Arthur Brandenberger pouvait, lui, tracer un cercle parfait � la craie � main lev�e, � tel point qu'on aurait pu photographier ses dessins et en faire des oeuvres d'art.� Son ancien �tudiant reconnait d'ailleurs que si certains doivent se former pour parvenir � transmettre leurs connaissances, son professeur poss�dait ce talent de p�dagogue de fa�on inn�e, en utilisant des exemples concrets et en structurant son cours clairement.
Les sp�cialistes du domaine le reconnaissent volontiers, Arthur Brandenberger a eu un rayonnement ext�rieur remarquable. � une �poque o� les professeurs de l'Universit� effectuaient souvent leurs travaux dans un cercle ferm�, il apportait sa contribution scientifique � la d�termination de l'heure de l'assassinat de trois femmes dans un parc � Chicago ou � l'explication d'une collision entre un bateau sovi�tique et un traversier � Vancouver. Ce qui prouve hors de tout doute que la phogramm�trie m�ne � tout � condition d'en sortir.
PASCALE GU�RICOLAS