«Ce match a été très bizarre, pour les deux équipes comme pour tous les entraîneurs. C’est très étrange de n’entendre aucun bruit de foule. Le joueur fait une belle passe, son coéquipier reçoit le ballon et effectue un lancer, il marque un but et il ne se passe rien.»
C’est ainsi que s’est exprimé l’entraîneur-chef du Borussia Dortmund après la victoire de son équipe, le 16 mai, lors de la reprise des activités de la ligue professionnelle de soccer allemande. Le match contre le FC Schalke a été disputé à huis clos devant des gradins vides. Il y avait distanciation physique sur le banc des joueurs, lesquels avaient passé des tests virologiques la veille de la rencontre. Il y a quelques jours, la Liga espagnole annonçait à son tour une reprise de ses activités dans la semaine du 8 juin.
Ces éléments d’actualité de la planète football risquent fort d’alimenter les échanges qui auront lieu le jeudi 28 mai à compter de 11h30 dans le cadre d’un séminaire Web sur les modèles d’affaires du sport professionnel dans l’après-pandémie. Il s’agira du troisième webinaire d’une série de sept présentés par la Faculté des sciences de l’administration, en collaboration avec le journal Le Soleil. Les présentations, animées par la rédactrice en chef Valérie Gaudreau, ont comme toile de fond la relance de l’économie après la crise de la COVID-19.
Deux experts en gestion du sport
Deux experts seront présents pour donner leur point de vue et pour répondre aux questions de l’auditoire virtuel: Frank Pons, professeur au Département de marketing et directeur de l’Observatoire international en management du sport, et Lionel Maltese, maître de conférences à l’Université Aix-Marseille et membre du Comité exécutif de la Fédération française de tennis.
«Tous les organismes sportifs professionnels, en sports individuels comme en sports collectifs, ont cessé leurs activités et c’est normal, explique le professeur Pons. On assiste maintenant à une reprise en douceur dans différents pays. Une phase de déconfinement commence. Il reste à voir ce qui va advenir des différents modèles d’affaires. Tennis, baseball, cela risque de varier énormément. Il faudra voir comment le déconfinement va modifier la commandite, la billetterie, les droits de télédiffusion, le marchandisage et l’expérience des amateurs.»
Aux États-Unis uniquement, on évalue à 100 milliards de dollars le chiffre d’affaires annuel de l’industrie du sport. Une étude récente réalisée pour la chaîne ESPN avance le chiffre de 12 milliards de pertes possibles dues à la pandémie pour les principales ligues sportives professionnelles et universitaires américaines, à l’exclusion des sports individuels.
Selon Frank Pons, un retour rapide des amateurs dans les stades et les amphithéâtres serait difficilement envisageable. «Ce qu’il y a d’énigmatique dans cette crise, dit-il, c’est l’incertitude. C’est la composante la plus forte. Nous n’avons aucune certitude sur la durée de la pandémie ni sur la durée des mesures de déconfinement. Avec la mise au point d’un vaccin, on peut sans doute entrevoir un retour à la normale entre plusieurs mois et deux ans.»
Le professeur rappelle l’utilité du sport professionnel. «Il motive les jeunes et les adultes à faire de l’activité physique, souligne-t-il. Dans un stade, le spectacle sportif sert d’exutoire. Il permet de faire sortir nos émotions avec intensité. En plus, il permet le partage d’une expérience unique en groupe. C’est pourquoi les fans vont courir au stade après la fin de la pandémie. Ils auront oublié. Les fortement accro vont y retrouver une partie de leur identité.»
Selon lui, les fans aiment l’ensemble de l’expérience proposée par le sport, notamment les retransmissions à la télé. Sauf que les choses ont changé avec la pandémie. «Un match à la télé, qui montre des gradins vides, est un produit sportif qui n’a pas la même valeur qu’avant la pandémie, affirme-t-il. Dans le sport professionnel, le public consomme un produit dont il fait partie en même temps. L’expérience est bien meilleure si vous vous impliquez.»