Clé Lego Une protéine utilisée par les virus pour reconnaître leur hôte livre des secrets du passé et des promesses d'avenir On peut difficilement imaginer deux êtres vivants plus différents qu'une bactérie du lait et un être humain. Et, pourtant, la clé qui permet à certains virus d'infecter les cellules de l'un ou l'autre de ces organismes présente d'étonnantes similitudes structurales, révèle une étude publiée par Sylvain Moineau et un groupe de chercheurs européens, dans l'édition de janvier 2006 de Nature Structural & Molecular Biology. La raison? Même si leurs cibles sont très distantes sur le plan évolutif, ces virus partageraient un gène ancestral commun, propose le professeur du Département de biochimie et de microbiologie.
Avant d'infecter une cellule, un virus doit être en mesure de reconnaître son hôte et de se fixer solidement à sa membrane cellulaire. Cette opération de reconnaissance et de liaison repose sur les protéines RBP (Receptor Binding Protein) trouvées à l'extrémité de la queue du virus. Sylvain Moineau et ses collègues sont parvenus à établir la structure de la protéine RBP chez le bactériophage p2, un virus qui attaque les bactéries du lait. Ils ont découvert que cette protéine comprend trois sections: des épaules, un cou et une tête. "En comparant la structure du virus p2 avec celle de certains virus humains, nous avons constaté que leur tête présentait d'importantes similitudes, mais pas les autres sections, signale Sylvain Moineau. Pour d'autres espèces, ce sont les épaules ou le cou qui étaient semblables. Il semble que la protéine RBP soit de nature modulaire et que les trois sections soient interchangeables selon les espèces, comme des blocs Lego."
La protéine RBP, qui agit comme une clé pour ouvrir la voie à l'infection virale, a une structure intéressante en soi, "mais c'est la serrure que nous cherchons", précise Sylvain Moineau. Cette "serrure" est la structure de la membrane cellulaire de l'hôte qui est reconnue par la protéine RBP de chaque virus. "Notre objectif est de réussir à inactiver la serrure pour ainsi empêcher les virus d'infecter les cellules", ajoute-t-il. L'industrie laitière et l'industrie pharmaceutique, qui essuient des pertes appréciables en raison de la contamination de leurs cultures par les bactériophages, accueilleraient avec soulagement la mise au point d'une pareille technologie. | |