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23 août 2001 ![]() |
Au jeu de la pollinisation de la canneberge, les bourdons et les
autres abeilles indigènes l'emportent haut la patte sur
les abeilles domestiques! Cette observation, effectuée
par l'équipe de Jeremy McNeil, du Département de
biologie, pourrait remettre en question le recours aux abeilles
domestiques pour augmenter la productivité des atocatières.
"Les producteurs d'atocas louent des ruches pendant la période
de floraison dans l'espoir d'obtenir plus de fruits, signale le
chercheur. Les producteurs de pommes et de bleuets font la même
chose, ce qui peut créer une rareté d'abeilles pendant
la période de floraison. La situation pourrait empirer
puisqu'une espèce d'acarien, qui attaque les abeilles domestiques
aux États-Unis, monte rapidement vers le Canada et menace
de décimer les ruchers. Il vaudrait peut-être mieux
aménager les alentours des atocatières afin de favoriser
les populations de pollinisateurs indigènes plutôt
que de miser sur les abeilles domestiques."
Les fleurs avortent
Si les producteurs d'atocas ont recours aux services rémunérés
d'abeilles domestiques, c'est que, dans leurs champs, à
peine une fleur sur deux donne un fruit en fin de saison. L'avortement
des fleurs, qui les prive de revenus considérables, proviendrait,
croient-ils, d'une pénurie de pollinisateurs. "L'aménagement
d'une atocatière dans une ancienne tourbière provoque
un bouleversement de l'habitat qui a un impact certain sur l'abondance
des populations d'insectes, signale Jeremy McNeil. En plus, la
pulvérisation d'insecticides contre la pyrale de l'atoca
- un papillon dont la larve se nourrit de ce petit fruit - peut
affecter localement les populations d'insectes utiles."
Depuis 1999, Jeremy McNeil et ses étudiants-chercheurs
David Marchand, Evelyne Barrette et Adam Brown étudient,
en collaboration avec Michelle Roy, du MAPAQ, l'écologie
de la pyrale de l'atoca et des pollinisateurs naturels de la canneberge.
Leurs travaux, menés grâce à des investissements
totalisant 322 000 $ en provenance du CRSNG, du FCAR et de l'Association
des producteurs de canneberges du Québec, se déroulent
dans des atocatières de la région de Notre-Dame-de-Lourdes.
Le décompte des grains de pollen qu'ils ont effectué
sur les insectes capturés dans les atocatières a
révélé que les mégachiles et les bourdons
transportaient respectivement 45 fois et 3 fois plus de pollen
que les abeilles domestiques. Par ailleurs, les chercheurs ont
comparé l'efficacité des espèces de pollinisateurs
en introduisant cinq spécimens d'une espèce donnée,
pendant 24 heures, dans des cages placées sur les plants
de canneberges en fleurs. Les bourdons et les autres abeilles
sauvages ont obtenu des pourcentages de mise à fruit trois
à quatre fois plus élevés que les abeilles
domestiques.
Aménagement floral
Malheureusement, les pollinisateurs sauvages ne font pas ployer
les atocas sous leur nombre. "Pour augmenter leur abondance,
il faudrait aménager les atocatières en plantant,
en périphérie, des espèces végétales
qui fleurissent beaucoup, avant et après les atocas, et
peu pendant la floraison des atocas, suggère Jeremy McNeil.
S'il n'y a rien d'autre que les canneberges pour attirer les pollinisateurs,
ils n'auront pas tendance à s'établir près
des atocatières au printemps."
L'entomologiste suggère aussi de repenser l'utilisation
d'insecticides contre la pyrale, qui cause des "dommages
collatéraux" aux insectes utiles. "La pyrale
attaque entre 2 % et 4 % des fruits, ce qui est relativement peu,
souligne-t-il. Si on pouvait trouver un moyen mécanique
pour trier les fruits piqués après la récolte,
les producteurs devraient se demander sérieusement si,
sur le plan économique, ça vaut la peine d'arroser
les champs avec des insecticides."
En dépit de son plaidoyer en faveur des insectes indigènes,
Jeremy McNeil hésite encore à attribuer l'entière
responsabilité du problème d'avortement des fleurs
de canneberges à un manque de pollinisateurs. "Il
se peut que le facteur qui limite le taux de mise à fruits
soit un manque de carbone ou d'azote. Cet été, nous
allons effectuer la pollinisation de fleurs d'atocas à
la main dans une section expérimentale des atocatières.
Nous allons bien voir si, avec un taux de pollinisation de 100
%, le taux de mise à fruit augmente ou pas."
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