13 janvier 2000 |
De plus en plus de Québécois misent de l'argent dans des jeux de hasard, révèle une enquête menée par des chercheurs de l'École de psychologie. Le pourcentage annuel de personnes adultes qui ont misé des sommes d'argent dans des jeux de hasard est passé de 54 % en 1989 à 63 % en 1996. Voilà ce que rapportent Robert Ladouceur, Christian Jacques, Francine Ferland et Isabelle Giroux dans un récent numéro de la revue scientifique Canadian Journal of Psychiatry. Les chercheurs arrivent à ces conclusions après avoir interrogé, sur leurs habitudes de jeu, un groupe de 1 002 personnes en 1989 et de 1 257 personnes en 1996.
Non seulement les Québécois sont-ils plus maintenant plus nombreux à parier mais ils misent des sommes plus élevées, ont également découvert les chercheurs. Le montant maximal perdu en une journée est passé d'une moyenne de 108 $ en 1989 à 360 $ en 1996. Pendant cette même période, la prévalence de joueurs pathologiques dans la population a presque doublé, grimpant de 1,2 % à 2,1 %. Il y avait donc, en 1996, environ 110 000 joueurs pathologiques parmi les 5,3 millions d'adultes québécois. Le nombre de joueurs pathologiques aurait augmenté de près de 38 000 personnes entre 1989 et 1996.
Le montant maximal perdu en une journée est passé d'une moyenne de 108 $ en 1989 à 360 $ en 1996
Accessibilité accrue
Les chercheurs offrent une explication simple à ces
tendances à la hausse: les occasions de jouer sont tout
simplement plus nombreuses. Entre 1989 et 1996, le nombre de casinos
est passé de 0 à 3, le nombre de terminaux de validation
pour les billets de loterie a grimpé de 4 347 à
8 069 et le parc d'appareils de vidéo loterie, gérés
par Loto-Québec, a été catapulté de
0 à 14 644. Les auteurs ont cependant noté un recul
du côté du nombre de machines illégales de
vidéo poker (de 40 000 à 5 000), du nombre d'hippodromes
(de 5 à 4) et du nombre de points de vente des billets
de loterie (de 12 884 à 11 593). "Néanmoins,
l'accessibilité aux jeux de hasard a augmenté, soutient
Robert Ladouceur. Par exemple, même s'il y a moins de machines
illégales de vidéo-poker, les quelque 14 000 appareils
de loterie vidéo de Loto-Québec se retrouvent dans
plus de 4 200 endroits publics et ils sont bien en vue partout."
Un choix social
Fait à noter, l'augmentation des occasions de miser
de l'argent dans des jeux de hasard relève d'un choix conscient
de la société québécoise puisque la
création de casinos et la prise en charge des appareils
de loterie vidéo par Loto-Québec résultent
de décisions gouvernementales. "Le Québec,
comme bien d'autres pays à travers le monde, a choisi de
légaliser les jeux de hasard et d'en encadrer le développement,
souligne Robert Ladouceur. Le jeu est une industrie très
rentable. L'année dernière, par exemple, Loto-Québec
a enregistré un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards
de dollars dont 1,2 milliard a été versé
en dividendes au gouvernement."
Mais là où le bât blesse est que l'accessibilité aux jeux de hasard favorise l'accroissement du nombre de joueurs pathologiques. "L'accessibilité grandissante au jeu doit être accompagnée de programmes de prévention et d'intervention pour les gens qui éprouvent des problèmes, poursuit le chercheur. C'est d'ailleurs ce que nous faisons au Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu." Depuis son ouverture, il y a bientôt deux ans, ce centre a formé plus de 910 intervenants dans le domaine du jeu pathologique.
"Nous offrons gratuitement des séances de formation d'un ou deux jours au cours desquelles nous initions les participants au traitement que nous avons mis au point pour les joueurs pathologiques. Depuis quatre ans, il y a eu beaucoup d'efforts de sensibilisation sur les méfaits du jeu et mon hypothèse est que le nombre de personnes qui obtiennent de l'aide psychologique pour des problèmes de jeu va en augmentant." L'équipe de Robert Ladouceur effectue présentement une enquête qui permettra de déterminer si cette hypothèse est juste.