26 août 1999 |
Des festivités telles que la Fête nationale des Québécois, la Fête du Canada, le Festival d'été ou le Carnaval de Québec réunissent les conditions qui favorisent les premières expériences d'alcoolisation des adolescents. "Presque tous les ados vivent leur première ivresse en groupe et à l'extérieur du cadre familial", explique l'étudiante-chercheure Ginette Paré, qui vient de compléter une étude sur le sujet au Département d'anthropologie. "Cette première cuite se tient, la plupart du temps, sous le sceau du secret: on transgresse les interdits parentaux et on ne tient pas à ce que les parents l'apprennent, du moins pas tout de suite."
Vingt-quatre ados de 14 et 15 ans, recrutés dans une école secondaire de Québec, ont participé à cette étude qui visait à approfondir les connaissances sur "l'apprentissage au boire des ados" et à examiner si leur première ivresse pouvait être liée à un rite de passage. La chercheure a conduit des entrevues au cours desquelles les jeunes devaient raconter leurs premières expériences de consommation d'alcool dans leur famille, leur première brosse et leur opinion sur la consommation d'alcool chez les filles et chez les gars.
Comme leurs aînés
Réalisée sous la direction du professeur Paul
Charest, l'étude démontre que les adolescents et
les adolescentes boivent le plus souvent pour les mêmes
raisons que leurs aînés, c'est-à-dire pour
célébrer un anniversaire ou, encore, pour marquer
une transition entre deux activités comme, par exemple,
la fin des classes et le début des vacances. "Historiquement
et culturellement, le boire accompagne et lubrifie la fête,
résume Ginette Paré. Les motivations à boire
chez les jeunes naissent de la volonté de vouloir apporter
des changements dans leurs activités habituelles et de
vouloir apporter un plus dans leur vie. L'enivrement provoque
automatiquement le rire et atténue la gêne entre
garçons et filles. En prenant de l'alcool, les jeunes acquièrent
des manières de faire et d'être. Ils apprennent à
devenir des adultes en partageant, tout comme eux, une même
esthétique du plaisir - se retrouver et partager - , basée
sur le vouloir-vivre communautaire en réaction au devoir-être
institutionnel."
L'apprentissage au boire, pour la majorité des jeunes, est en grande partie transmise par la génération précédente. "C'est un apprentissage qui se construit par observation et participation tout au long des différentes expériences vécues par les jeunes garçons et les jeunes filles et ce, de l'enfance à l'adolescence. On apprend à savoir boire. D'ailleurs, les jeunes nous ont étonnés par la maturité de leurs propos par rapport à l'alcool et nous avons constaté que tous se donnent des limites quant à leur consommation."
Égalité des sexes?
L'ivresse, chez les ados, n'est pas typiquement féminine
ou masculine et l'égalité entre les sexes s'est
instaurée en ce qui concerne l'alcoolisation, a constaté
l'anthropologue. Cependant, certains stéréotypes
et préjugés associés au boire persistent.
Le préjugé le plus souvent mentionné, autant
chez les filles que chez les garçons, est celui de la fragilité
féminine. On a plus de difficulté à s'imaginer
ou à voir une fille qui est soûle qu'un gars qui
est soûl. Le boire des filles devrait se faire plus discret,
jugent les jeunes.
"Les politiques sociales prises à l'égard des jeunes en matière de prévention seraient plus pertinentes si nous prenions le temps de les écouter comme nous l'avons fait dans notre étude, estime Ginette Paré. Ces politiques n'en seraient que plus pertinentes et efficaces."