18 février 1999 |
Une vaste enquête menée par Jacques Roy auprès des personnes âgées révèle que la grande majorité d'entre elles sont actives, autonomes et engagées dans leur communauté.
Dans notre société, les mythes concernant les personnes âgées sont tenaces. Ainsi, on pense généralement que la plupart des gens âgés sont seuls et isolés de leur famille, qu'ils vivent dans la pauvreté et que la majorité d'entre eux sont en mauvaise santé. Considérés comme improductifs, malades et isolés, les vieux constitueraient un groupe social vivant en marge de la société, "à charge" des gens actifs et enfermé dans une sorte de passivité englobante, sans distinction aucune.
Pourtant, cette vision ne correspond pas à la réalité, si on en croit Jacques Roy, chercheur associé au Centre de recherche sur les services communautaires de l'Université Laval et professeur en technique de service social au Cégep de Sainte-Foy. Au terme d'une vaste enquête effectuée auprès d'un groupe de 575 aînés âgés de 65 et plus vivant à domicile, Jacques Roy est ainsi en mesure de dire que l'opinion publique fait fausse route quand elle considère les vieux sous le seul angle de la perte d'autonomie, de la vulnérabilité et de la faiblesse.
Dans Les personnes âgées et les solidarités, La fin des mythes., paru aux Éditions de l'IQRC, l'auteur présente une recherche dont les résultats viennent remettre en question le fameux mythe de la passivité accolé aux vieux. "Tout au long de notre itinéraire, nous avons rencontré des personnes âgées relativement autonomes et en bonne santé, satisfaites de leur vie sociale et bien engagées dans leur communauté, résume l'auteur. Il faut en finir avec cette vision passéiste selon laquelle une personne est "finie" à 60 ans. "
Domicile fixe
De cette enquête dont les participants et participantes proviennent
des milieux urbain (région de Québec) et rural (région
de Sherbrooke) se dégagent certains faits saillants. Essentiellement,
les aînés sont largement satisfaits de leurs conditions d'habitation,
neuf sur dix ne souhaitant nullement déménager de leur domicile
actuel. Les deux tiers sont propriétaires de la résidence
qu'ils habitent; très peu (3 %) souhaitent être hébergés
en institution, comme les centres d'accueil et de soins de longue durée.
"Il existe même une culture anti-hébergement institutionnel
chez les personnes âgées, révèle Jacques Roy.
Ressource convoitée dans les années soixante-dix, la solution
institutionnelle aurait perdu tout attrait, et ce même chez les personnes
qui accusent une perte d'autonomie sévère."
Côté santé, les gens âgés se portent bien, huit sur dix qualifiant leur état de santé de "bon" à "excellent". Si 44 % s'estiment "plutôt heureux" et 54 % "très heureux", les deux tiers des aînés disent ne jamais se sentir dépendants de leurs proches. Le bien-être de leurs enfants et de leurs petits-enfants constituent leurs principaux sujets d'inquiétude; viennent ensuite "la santé en général" et "la sécurité des proches". En outre, les aînés estiment majoritairement (61 %) être les premiers artisans de leur bien-être, la famille et l'État se partageant la seconde place avec 18 % et 17 %, laissant une part minime aux autres proches et aux ressources communautaires. En cas de perte d'autonomie importante, ils désignent le conjoint (41 %) ou les enfants (28 %) comme personnes à qui ils demanderaient de l'aide en premier lieu. Là encore, l'État arrive loin derrière, avec 16 %, tandis que les autres combinaisons (amis, voisins, groupes communautaires) sont à peu près inexistantes. Plus de la moitié des personnes interrogées (52 %) sont membres de groupes sociaux dans leur milieu ou les fréquentent. Enfin, la moitié des gens âgés engagés dans des groupes sociaux font du bénévolat auprès des personnes âgées lors des activités de groupe (60 % en milieu rural).
Le recul des jeunes
Jacques Roy insiste sur l'esprit d'entraide animant les personnes âgées
qui, loin de vivre repliées sur elles-mêmes, font au contraire
preuve d'une grande solidarité dans leur vie quotidienne, que ce
soit auprès de leurs enfants (aide financière, garde d'enfants)
ou d'autres personnes âgées (accompagnement, visites d'amitié,
etc.). En fait, tout irait pour le mieux dans le monde des aînés,
dont la qualité de vie se serait grandement améliorée
au cours des 20 dernières années. "À l'inverse,
note Jacques Roy, la situation des jeunes s'est détériorée
pendant la même période: chômage, pauvreté, décrochage
scolaire, criminalité, taux de suicide, fugues, instabilité
familiale et toxicomanie sont autant d'aspects que l'actualité comme
la recherche sociale mettent en évidence depuis le début des
années 1980 pour qualifier le sort des jeunes. À toutes ces
considérations s'ajoute le fait que le poids électoral des
jeunes ne cesse de décroître, alors que celui des aînés
ne cesse de progresser, démographie oblige. "
Selon le chercheur, une réflexion doit s'engager dès maintenant afin de concilier le développement des aînés comme groupe social et celui du reste de la société, des jeunes en particulier. Par conséquent, des liens entre les générations doivent s'établir. Chose certaine, les aînés ont leur mot à dire quant à l'avenir de la société.