9 octobre 1997 |
Une étudiante-chercheure fait l'autopsie des
collisions survenues
sur une bande cyclable de Québec.
Une étude révèle qu'une forte proportion des collisions auto-vélo qui surviennent sur une piste cyclable bidirectionnelle de Québec impliquent des cyclistes roulant à contresens de la circulation. "Ces collisions semblent attribuables à l'effet de surprise des automobilistes qui ne s'attendent pas à voir des cyclistes arriver de cette direction. Il s'agit là d'un effet négatif important de la bidirectionnalité sur une bande cyclable", conclut l'étudiante-chercheure Nathalie Noël, qui vient de terminer une maîtrise sur la question avec la professeure Denise Piché de l'École d'architecture. Parmi les 49 accidents survenus entre 1986 et 1993 aux intersections de cette bande cyclable, 31 sont des collisions à angle droit dont 22 impliquent des cyclistes allant à contresens de la circulation.
Malgré l'essor du cyclisme, peu d'études ont porté sur l'évaluation des aménagements cyclables sur la sécurité des usagers, signale l'étudiante-chercheure. Pourtant, entre 1982 et 1991, alors que de plus en plus de pistes cyclables voyaient le jour, le Québec a connu une hausse de 4 % des accidents de vélo avec blessures graves (de 3 726 à 4 038 par an). La hausse a surtout frappé le groupe des 10-15 ans de même que les 25-34 ans. Dans le cadre d'un projet de sécurité routière du Groupe de recherche interdisciplinaire mobilité, environnement, sécurité, Nathalie Noël a étudié le cas de la bande cyclable bidirectionnelle qui longe la 8e avenue et la 4e avenue dans le quartier Limoilou. Cette bande, qui traverse 37 intersections réparties sur 3 kilomètres, a été le site de 61 accidents entre 1986 et 1993. En tentant de comprendre les causes de ces collisions, l'étudiante-chercheure a d'abord découvert que 89 % de ces accidents avaient eu lieu à une intersection, un fait révélateur puisque dans l'ensemble de la ville, le pourcentage d'accidents impliquant des cyclistes aux intersections atteint 72 %.
Pour mieux cerner le problème, Nathalie Noël a installé une caméra vidéo à deux intersections particulièrement problématiques. Les six jours d'enregistrement qu'elle a obtenus à chaque site lui ont permis de décortiquer le comportement de 2 254 cyclistes et de vérifier leur respect des règles de sécurité routière. Résultats: à peine 25 % des cyclistes portent un casque, seulement 27 % des cyclistes se retrouvent du bon côté de la chaussée pour la totalité de la traversée de l'intersection, le respect du feu rouge est faible (11 % au premier site et 54 % au second) et le respect de la ligne d'arrêt n'est guère mieux (75 % chevauchent la ligne d'arrêt ou au delà). Mince consolation, les automobilistes font parfois pire: le respect de la ligne d'arrêt aux deux sites est de 5 % et 23 % . "Les automobilistes ne respectent pas les règles de priorité avec les cyclistes de sorte que la mauvaise position de ces derniers est une mise au niveau avec les autos pour être mieux vus", avance l'étudiante-chercheure.
Le comportement des cyclistes aux feux de circulation n'est pas irrationnel, poursuit-elle. Les cyclistes ont le choix entre passer lorsque la voie est libre et que les automobilistes avec qui il y a risque de conflit sont arrêtés, ou de prendre le risque de passer en présence des automobilistes sur le feu vert. Les cyclistes ne prennent pas leur priorité parce qu'elle n'est pas respectée par les automobilistes et cette priorité n'est pas respectée parce que les automobilistes ne se font jamais rappeler son existence.
Nathalie Noël conclut qu'il y a du travail à faire pour conscientiser les cyclistes à la sécurité en bicyclette et aux règles de sécurité routière. Mais, ajoute-t-elle, il est tout aussi important d'éduquer les automobilistes à un meilleur partage de la route avec les cyclistes et aux règles de priorité aux intersections. "La bande cyclable bidirectionnelle est l'un des modes d'aménagement les plus utilisés parce qu'elle est facile à implanter dans un milieu existant. Il ne s'agit pas de la bannir mais plutôt d'essayer de trouver des moyens d'en améliorer la sécurité".