20 février 1997 |
"LE DÉSIR D'APPRENDRE
DOIT VENIR DIRECTEMENT DES ÉTUDIANTS"
Légalement, les Québécois sont tenus de passer la totalité de leur enfance et le plus clair de leur adolescence à l'école. Tout ce temps passé sur les bancs d'école devrait être une expérience des plus enrichissantes. Lorsqu'un élève reçoit un diplôme d'études secondaires, il est raisonnable d'espérer qu'il est un citoyen responsable et éclairé. En ce sens, il peut être l'un des acteurs d'une société démocratique et véritablement jouer un rôle politique. À cette fin, nos méthodes d'éducation ont à changer, à commencer par le primaire et le secondaire. Je crois aux bienfaits d'un système d'éducation sévère mais laissant l'étudiant progresser suivant son dynamisme personnel. Je pense qu'il est important d'encourager les élèves, et de surcroît les étudiants, à développer eux-mêmes la formation qu'ils jugent la plus utile.
D'emblée, je tiens pour vrai qu'un des avantages de laisser les étudiants et les élèves développer leur propre programme de formation est qu'ils voudront en connaître plus. On sait qu'à l'heure actuelle, trop d'élèves et d'étudiants sont confinés à suivre un programme ne répondant pas adéquatement à leurs besoins. Les connaissances acquises au cours de ce dernier sont susceptibles d'être oubliées puisque jugées non conformes aux intérêts préexistants chez la personne. Le désir d'apprendre doit venir directement des étudiants. Dans ces conditions, ces derniers voudront probablement approfondir la matière à l'étude, en savoir plus sur des domaines connexes et même partager leurs connaissances avec leurs confrères. La dynamique du système d'éducation est à changer; les professeurs ne doivent plus remplir de leurs connaissances spécialisées les "cerveaux-éponges" des élèves et des étudiants. Il faut plutôt que ces acteurs du système d'éducation soient vus comme une aide. Les étudiants qui auront développé leur propre programme seront les plus enclins à un savoir accru.
Ensuite, je vais faire part de ma propre expérience scolaire. Tout d'abord, je dois avouer que j'ai de l'aversion envers la façon dont se fait actuellement l'éducation. Cette dernière met l'accent sur des habiletés, compétences et connaissances qui me sont, pour la plupart, futiles. De surcroît, elle assume que tous les étudiants ont les mêmes besoins en quittant l'école. Durant mon enfance et mon adolescence, je me sentais négligé à l'intérieur de ce programme. Fort heureusement, à côté de ce dernier, j'avais une passion; j'aimais trouver les moyens de me développer au maximum tant au niveau intellectuel qu'au plan physique. J'avais donc étudié de façon autodidacte la médecine et ses domaines connexes. Cette passion m'avait fait prendre conscience du fait que la connaissance est intéressante, stimulante et importante. C'est ainsi que j'avais décidé de continuer d'aller à l'école seulement dans le but d'être supporté financièrement afin d'avoir le temps d'étudier, de moi-même, la médecine [qui ne s'enseigne malheureusement pas dès la fin de la première année de l'enseignement secondaire ...]
Enfin, un programme tel que celui qui a été précédemment décrit est légalement possible, aisément applicable et favorable dans le climat économique actuel. En effet, toute bonne réglementation scolaire veut que l'étudiant progresse suivant son dynamisme personnel, atteigne un développement optimal et ait le goût et la capacité à développer ses connaissances et sa culture. Le hic provient du fait que cette réglementation est parfois [très] difficile à faire valoir par un étudiant! À titre d'exemple, en juin 1995, à la suite de discussions avec certaines personnes hautes placées à l'Université Laval, j'ai débuté un baccalauréat que je me devais de terminer en moins d'une année afin de pouvoir débuter mes études doctorales dès l'automne 1996. Mes réalisations passées montraient qu'un tel objectif était ici réaliste. En cours de réalisation, les autorités de l'Université Laval se sont parfois montrées incapable d'appliquer pleinement l'article III-3.7 de leur règlement du premier cycle stipulant que "L'étudiant qui estime connaître la matière d'un cours obligatoire ou à option de son programme, sans avoir suivi ce cours dans une université, peut être dispensé de ce cours à la suite d'un examen et obtenir les crédits qui y sont rattachés. La note obtenue lors de l'examen est considérée comme celle d'un cours suivi et s'ajoute aux notes de cours du trimestre. L'étudiant qui veut se prévaloir d'une telle dispense en fait la demande, par écrit, au directeur de son programme. Le département responsable du cours fait subir l'examen et informe les intéressés du résultat obtenu[...]" J'ai donc dû moi-même faire valoir mes droits, parfois en vain, ce qui m'a causé une énorme perte de temps. Cette dernière a fait en sorte que je ne pourrai débuter mes études doctorales qu'en automne 1997 [l'admission au trimestre d'hiver ne se fait généralement pas...] C'est ainsi que je perds une année d'études parce que des gens de l'Université Laval n'ont pas respecté la réglementation de l'Université Laval. Je crois sincèrement que le programme se serait bien déroulé si tous avaient suivi la réglementation, comme il se doit. En progressant suivant ce rythme accéléré, je n'ai bénéficié, durant ce baccalauréat, que d'un an et demi du programme de prêts et bourses gouvernemental. Ceci représente une réduction d'au moins 50 % des prêts et bourses! Le programme proposé ne brime de toute évidence aucun droit, entraînerait des économies substantielles pour le gouvernement et pourrait être aisément appliqué.
Finalement, il faudrait faire en sorte que l'apprentissage puisse se faire dans un cadre différent de celui de la salle de classe. Je crois qu'on pourrait utiliser de façon plus adéquate les compétences professorales si les professeurs étaient des conseillers pédagogiques. Une expérience scolaire enrichissante qui tient compte des intérêts préexistants chez l'individu et qui l'implique davantage dans son propre développement a de bonnes chances de former un individu responsable. De toute évidence, certains cours doivent être suivi en classe, mais je crois sincèrement que la majorité d'entre eux peuvent être faits par examen. C'est ainsi que des économies substantielles pourraient être réalisées. L'apprentissage de la connaissance pourrait ainsi devenir vraiment attirant.
Comme la goutte d'eau qui arrive à perforer même la roche la plus dure, la mesure discriminatoire de la hausse des frais de scolarité pour nous, étudiants non-québécois, est en train de faire son petit bonhomme de chemin. En effet, force est de constater que les effets "pervers" de la politique maroise, à savoir "diviser la communauté universitaire pour mieux asseoir son hégémonie" se font de plus en plus sentir. Sinon, comment expliquer la prise de position favorable à la hausse de certains organes - en l'occurrence Impact Campus dans son éditorial du 28 janvier 1997 - subventionnés par les cotisations des étudiants sans distinction aucune? Ou pire encore, quelle raison évoquer quant à l'échec, à seulement 14 voix lors de la récente Assemblée générale de la CADEUL, du vote pour un mot d'ordre de grève, en guise de protestation contre cette décision ô combien injuste annoncée depuis bientôt trois mois par le gouvernement péquiste?
L'Université Laval compte près de 1 600 étudiants étrangers - tous cycles confondus - de toutes les races et d'environ 50 nationalités en provenance de tous les continents et nous sommes incapables de nous faire entendre mieux que ça. Pourquoi? Parce que plusieurs d'entre nous ne se sentent pas vraiment concernés par cette lutte dans la mesure où ils estiment soit être à l'abri de toute augmentation, soit de pouvoir amortir toute majoration pour autant qu'elle soit raisonnable. Mais là n'est pas la question car ce qui est raisonnable ou faisable pour vous ne l'est pas forcément pour votre prochain, votre voisin de classe ou de palier.
Où est donc passée la solidarité humaine ? De toute évidence, la répartition des richesses mondiales étant ce qu'elle est, les pays du Sud ont un pouvoir économique moins ardu que celui des pays du Nord et cela se ressent dans l'attitude des membres de la communauté estudiantine. Sinon, comment expliquer le fait que les étudiantes et étudiants de la plupart des pays dits industrialisés (tels la France, la Suisse, la Chine, le Japon, etc.) brillent par leur absence aux différents rassemblements organisés dans le sens d'une action de protestation contre cette mesure discriminatoire et organisés par l'AÉÉ (Association des Étudiants Étrangers), notre représentant à tous.
Il y a tout de même une exception à cette situation: c'est le dynamisme de certains étudiants canadiens non québécois rassemblés par l'Ontarienne Raphaëlle Vrain - que j'encourage au passage - qui ne sont pas des étrangers mais des victimes de la même discrimination et qui ont décidé de réagir pour ne pas être agis. Nous n'avons pas su saisir les perches qui nous ont été tendues jusqu'ici, mais tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Nous devons renoncer à notre égocentrisme, à l'individualisme et briser le vide du silence en intervenant à toutes les tribunes opportunes, en participant massivement à toutes les activités visant à faire avancer notre cause commune, entre autres le prochain Sommet sur la vie des étudiants étrangers au Québec organisé par la Coalition des Associations d'étudiant-e-s étrangers-ères au Québec. C'est ensemble que nous serons plus forts pour la victoire car chacun doit apporter sa petite pierre à l'édifice commun. La lutte continue!!!