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20 février 1997 ![]() |
Les étudiants de l'École des arts visuels s'éclatent à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins
En entrant dans la salle, le visiteur s'arrête sur la dizaine d'oeuvres d'art gisant sur le sol. Furtivement, son regard parcourt les murs où des toiles, toutes plus intrigantes les unes que les autres, semblent l'inviter à pénétrer dans leur monde. Bois, métal, pierres, plâtre, verre ou toile sont autant de matériaux prétextes à la création: c'est l'éclatement des genres et la liberté représentée dans sa plus large expression.
"Les professeurs de l'École des arts visuels nous poussent à faire ce qu'on aime et ce qu'on est, sans nous obliger à entrer dans le même moule", confie Sofie Richer, instigatrice de cette exposition, et responsable du secteur socio-culturel pour l'association des étudiants et étudiantes du baccalauréat en enseignement des arts plastiques à l'École des arts visuels. Créée la veille du vernissage, sa toile intitulée "Nous c'est lui" est une représentation abstraite d'un amalgame d'instruments de musique. Selon elle, le fait de vivre avec un musicien n'est certes pas étranger à ce qui est illustré dans ses toiles. S'inspirant de l'idée que son couple (nous) repose sur son conjoint (lui), le titre prouve à lui seul l'influence bienfaitrice de sa vie personnelle sur sa création. Pour l'instant, les représentations concrètes n'inspirent pas l'artiste, qui préfère davantage l'art abstrait. "Trop de gens sont bornés à l'art commercial. Un lac, une forêt, un chat c'est bien beau, mais ça ne représente jamais vraiment soi. En revanche, laisser aller sa plume et son pinceau permet d'être beaucoup plus fidèle à soi-même qu'avec le concret", ajoute-t-elle.
Dynamique et pleine d'ambition, Sofie Richer trouve par ailleurs déplorable que le "travail des artistes reste souvent dans l'ombre". "Beaucoup d'entre eux ont du potentiel, mais il y en a peu qui osent monter des expositions dans le but de se faire connaître. En essayant de pousser le côté diffusion, je souhaite faire sortir ces gens-là du grenier, les aider à plonger dans la vie".
Intitulée "Le pêché d'Aphrodite", la toile de Julie Gingras illustre deux amoureux baignant dans le tourbillon de la passion, un bol de nourriture fumant surplombant leurs têtes. La prédominance du rouge dans la toile, de même que la présence d'une recette au bas des deux corps nus contribuent à attiser la curiosité sur cette oeuvre sensuelle. "En ce moment, le corps prend beaucoup d'importance dans mes oeuvres. Aujourd'hui la nudité est encore trop cachée et les gens expriment beaucoup de pudeur face à la sexualité. Comme je me suis toujours intéressée au corps et à sa sensualité et que manger est aussi un plaisir charnel, j'ai voulu illustrer les plaisirs interdits, tous ceux que l'on savoure en privé. C'est pourquoi les deux amoureux semblent manger en cachette sur ma toile."
Longtemps attirée par la psychologie, Julie Gingras affirme vouloir combiner cette science avec sa passion pour l'art en faisant, par exemple, des ateliers d'art thérapie. Par le dessin et la peinture, elle pourrait ainsi venir en aide à des gens aux prises avec des problèmes comme l'alcoolisme ou la toxicomanie, en leur permettant d'exprimer leurs émotions sur papier. Réalisée par Anne-Marie Bureau, l'oeuvre ayant pour titre "C'est pas de la tarte" accorde beaucoup d'importance au poids du corps, à la matière et à l'espace. Accrochée au milieu de la pièce par un système de poulie, cette sculpture de bois attire immédiatement la curiosité du visiteur. "Plusieurs personnes ont vu dans cette pièce un mystérieux instrument de torture, révèle l'étudiante. Les sportifs, quant à eux, l'ont au contraire perçue comme l'intrument utilisé par les athlètes qui effectuent un saut en hauteur. En insérant le crochet de la poulie dans le plexus de l'homme, j'ai voulu exprimer la douleur parce que c'est un sentiment commun à tous les humains. Dans ma pratique artistique, je réfléchis et je manipule ensuite divers objets qui n'ont souvent aucun rapport ensemble. J'essaie de les assembler jusqu'à ce que la pièce dégage une certaine émotion, qu'elle fonctionne, et surtout jusqu'à ce qu'elle me soit fidèle."
Outre celles de Sofie Richer, Julie Gingras, Eveline Boulva et Anne-Marie Bureau, les oeuvres de dix-sept autres étudiants attendent impatiemment votre venue dans ce monde où l'art est insolite et mystérieux.