20 avril 1995 |
COOP�RATION
Les filles du Nord
La russe Vera Naoumova et la groenlandaise Liena Kielsen sont venues �tudier � Laval gr�ce � un accord avec le Groupe d'�tudes inuit et circumpolaires. Elles aiment.
L'une a un visage poupin, le teint h�l� et les cheveux noirs comme du jais; l'autre a les yeux en amande, les pommettes tr�s hautes et des traits asiatiques. Au fil de la conversation, la premi�re consulte son dictionnaire fran�ais-inuit afin de trouver le mot correspondant exactement � sa pens�e, tandis que l'autre manie la langue de Moli�re aussi adroitement qu'un Chinois ses baguettes. �Nous sommes venues ici pour voir�, r�pondent simplement Liena Kielsen et Vera Naoumova, quand on leur demande de nommer les raisons ayant motiv� leur s�jour au Qu�bec.
Nonobstant ce point commun, la comparaison entre ces deux jeunes femmes qui effectuent un stage � l'Universit� Laval dans le cadre d'un accord avec le Groupe d'�tudes inuit et circumpolaires (GETIC) s'arr�te l�. Et pour cause: si Liena Kielsen est inuit et �tudie l'anthropologie � l'Universit� du Groenland, Vera Naoumova, elle, est originaire de la R�publique de Sakha (Yakoutie) en Sib�rie et �tudie le fran�ais � la Facult� des langues �trang�res de l'Universit� de Yakoutsk depuis cinq ans.
�Quand j'�tais enfant, j'ai vu un merveilleux film � la t�l� sur �dith Piaf, explique Vera. C'est c'est ce qui m'a d�cid�e � apprendre le fran�ais. D'ailleurs, toute ma famille est amoureuse de cette langue.� La jeune russe - qui effectue un m�moire de ma�trise sur les particularit�s du fran�ais au Qu�bec � la Facult� des lettres - avoue toutefois avoir �prouv� de s�rieux probl�mes de compr�hension avec l'accent qu�b�cois. M�me chose pour Liena, qui a d� composer avec les quelques notions de fran�ais apprises � l'�cole secondaire, au Danemark. C'est donc dire qu'elle revenait de loin, � son arriv�e �dans le Sud�, en ao�t dernier, lorsqu'elle a d�barqu� au Qu�bec avec son mari et ses deux enfants.
�Chez nous, au Groenland, mon mari p�che la morue et chasse le caribou. Ici, il est p�re � plein temps au foyer�, raconte Liena qui, en plus de sa langue maternelle, l'inuktitut, parle l'anglais et le danois. Esquivant de fa�on diplomatique les questions de l'ind�pendance du Qu�bec et des droits des autochtones, elle affirme cependant que �la pr�servation de la langue et de la culture demeure primordiale chez tous les peuples�. Point � la ligne.
Des fruits et des l�gumes
Interrog�es sur ce qui les a le plus marqu�es lors de leur s�jour au Qu�bec (toutes deux repartent dans leur pays dans quelques semaines), ces filles du Nord nomment en premier lieu l'abondance de fruits et de l�gumes frais qu'on retrouve dans les supermarch�s, de m�me que leur co�t relativement peu �lev�. Pour Vera, les supermarch�s constituent eux-m�mes une source d'�tonnement: �Chez nous, la marchandise se trouve derri�re des comptoirs et il faut tout demander.� La politesse dont font preuve les gens entre eux dans les endroits publics a aussi agr�ablement surpris les jeunes femmes: �En Russie, les probl�mes sociaux entra�nent beaucoup d'agressivit� chez les gens, dit encore Vera. Ce qui fait qu'on ne retient pas n�cessairement la porte pour la personne qui vient derri�re soi.�
Enchant�es de l'exp�rience qu'elles ont v�cue � l'Universit� Laval, Liena Kielsen et Vera Naoumova affirment ne pas y avoir remarqu� de diff�rences notables en ce qui concerne l'enseignement et les relations avec leurs pairs. Son de cloche diff�rent cependant quant � la taille de leurs universit�s respectives dont l'une est pratiquement lilliputienne (l'Universit� du Groenland compte 90 �tudiants et 15 professeurs), tandis que l'autre s'apparente presque � nos polyvalentes (l'Universit� de Yakoutsk comporte 7 000 �tudiants). Finalement, Liena Kielsen et Vera Naoumova retiendront une seule et m�me image du Qu�bec, celle d'un pays o� il fait bon vivre et o� le vent d'hiver souffle tr�s fort, peut-�tre plus fort que nulle part ailleurs.
REN�E LAROCHELLE
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