24 novembre 1994 |
�THIQUE
LA R�PUBLIQUE ID�ALE
Au-del� des querelles comptables, le d�bat sur l'ind�pendance du Qu�bec doit int�grer les valeurs de solidarit�, de civisme et d'ouverture.
�Si l'ind�pendance n'avait �t� qu'une affaire de gros sous, dit Louis O'Neill, les Am�ricains seraient demeur�s dans le giron britannique. Mais le devoir de libert� et le sens de l'honneur les ont incit�s � voir plus loin, � explorer des voies nouvelles.�
Sens des responsabilit�s, dignit�, droit des peuples � disposer d'eux- m�mes: Louis O'Neill et Patrice Garant, invit�s par le Service de pastorale � d�battre de l'�thique de la souverainet� politique, ont soigneusement �vit� les questions de plomberie sur un �ventuel Qu�bec ind�pendant pour se concentrer sur les valeurs essentielles qui permettent de se doter d'un pays. En utilisant l'exemple de l'ind�pendance am�ricaine conquise quelques ann�es avant la R�volution fran�aise, Louis O'Neill, professeur d'�thique sociale � la Facult� de th�ologie, a soulign� que l'enjeu de la souverainet� d�passait largement les querelles comptables. Pour l'ancien ministre des Communication dans le gouvernement de Ren� L�vesque, il est primordial de se poser des questions d'�thique au moment de choisir un mod�le de soci�t�, car ce genre d'engagement fait appel au sens du bien commun, au civisme et � la sagesse politique.
Plus d'arguments favorables
Le conf�rencier a donc relev� quelques valeurs � saveur �thique mises en avant par les ind�pendantistes. Qu'il s'agisse de la volont� de se prendre en main t�moignant d'un souci de cr�ativit� culturelle, de la recherche d'une plus grande rationnalit� face � une structure f�d�rale devenue source de gaspillage ou du sentiment de solidarit� renforc� lorsque les institutions correspondent � l'originalit� d'un peuple, les arguments favorables � l'ind�pendance d�passent largement, selon lui, les enjeux mesquins.
En devenant ma�tre de son destin, le Qu�bec pourrait enfin acc�der de plein droit aux instances internationales et pratiquer une coop�ration plus active que celle que les oeuvres missionnaires et les organisations non gouvernementales exercent actuellement par procuration. Ou encore, la souverainet� politique permettrait aux Qu�b�cois, selon les ind�pendantistes, de freiner les app�tits du grand capitalisme international, si bien relay�s par le pouvoir f�d�ral.
Pour Louis O'Neill, l'accession du Qu�bec � la souverainet� d�coule du droit l�gitime et normal des peuples � disposer d'eux-m�me, dans la lign�e de la s�paration de la Norv�ge et de la Su�de, qui remonte � 1905, ou de celle, plus r�cente, de la Slovaquie et de la R�publique Tch�que. Selon lui, les autorit�s eccl�siales, par les voix de Paul VI et de Jean- Paul II, ont t�moign� de leur souci de voir les nations d�cider librement de leur destin et entretenir des rapports d'�galit� avec les autres pays.
Dans la l�galit� et l'ouverture
Encore faut-il, remarque Patrice Garant, professeur � la Facult� de droit, que l'accession � l'ind�pendance s'effectue dans un respect scrupuleux de la proc�dure, ainsi qu'avec une bonne dose d'esprit d'ouverture. Selon le juriste, m�me s'il est l�gitime qu'un peuple d�cide de voler de ses propres ailes et d�veloppe un syst�me politique ind�pendant, il existe aussi des mod�les d'�tats qui garantissent une souverainet� partag�e au sein d'un m�me pays.
Le f�d�ralisme tel que pratiqu� au Canada permettrait aux Qu�b�cois de vivre leur diff�rence en toute �galit�, aux dires de Patrice Garant. Toutefois, si l'�tat f�d�r� d�cide de se d�clarer souverain et de s'affranchir de la tutelle f�d�rale, le r�f�rendum peut constituer un moyen l�gal d'acc�der � la souverainet�. Le professeur de droit souligne d'ailleurs que la participation de l'�tat f�d�ral au d�bat r�f�rendaire de 1980 a renforc� la l�gitimit� de la d�marche, d'autant plus que le recours � la force dans le cas canadien semble tr�s peu probable si le Qu�bec se s�parait.
Le respect des opinions contraires pratiqu� sur ce morceau de plan�te permet donc d'esp�rer, selon le conf�rencier, que le Canada accepte que la nation qu�b�coise forme un �tat souverain pour r�aliser son projet de soci�t�, ou que les ind�pendantistes reconnaissent qu'ils peuvent exercer une souverainet�e partag�e dans la structure f�d�rale. Pourtant, avertit Patrice Garant, la s�r�nit� des d�bats risque d'�tre troubl�e par deux attitudes nocives, qu'il s'agisse des pamphlets attaquant violemment les gouvernements et les institutions ou de la d�magogie qui flatte les passions des masses. L'avenir nous dira si le prochain d�bat r�f�rendaire constituera une tribune de choix pour d'�ventuelles Yvettes.
PASCALE GU�RICOLAS