Représentante jeunesse de Femmes autochtones du Québec, Yasmine Fontaine s’implique dans l’Association des étudiantes et étudiants autochtones de l’Université Laval, en plus de participer à plusieurs projets sur l’éducation, l’identité et la réconciliation autochtones. À voir son engagement pour cette cause, on pourrait croire qu’elle a toujours été attachée à sa culture, mais ce n’est pas le cas.
Née d’une mère innue et d’un père égyptien, elle a grandi à Sept-Îles, près de la communauté de Maliotenam, où vit sa famille maternelle. «J’ai été élevée en milieu allochtone, même si j’allais parfois dans la communauté pour visiter ma famille. Mes études secondaires terminées, je suis venue m’établir à Maliotenam. C’est là que j’ai frappé un mur. Les savoirs, la culture et la langue innus m’étaient inconnus. J’ai vécu une crise existentielle: je ne me sentais pas à ma place, je ne me retrouvais pas dans mon identité et je ne savais pas dans quel domaine étudier», se rappelle-t-elle.
Dans cette période de flottement, une chose était néanmoins claire: elle voulait se réapproprier sa culture et aider les jeunes de sa communauté, ceux qui n’ont pas eu la chance, comme elle, de vivre dans un milieu où les études sont valorisées. Après un passage au cégep en sciences humaines, elle s’est inscrite au certificat en orientation à l’Université Laval.
Comme ce fut le cas pour son arrivée à Maliotenam, cette période de sa vie n’a pas été de tout repos. «Je venais de me réapproprier ma culture et voilà que je devais quitter Maliotenam pour m’installer en ville. J’ai eu beaucoup de difficultés à m’intégrer à l’Université. Heureusement, je suis tombée sur l’Association des étudiantes et étudiants autochtones. C’est ce qui m’a accroché à Québec. Dans cette association, j’ai connu des jeunes de ma communauté et des autres nations qui vivaient les mêmes enjeux que moi et à qui je pouvais en parler. J’ai compris qu’il est normal de rencontrer des difficultés quand on étudie et que l’important est de ne pas abandonner.»
Le local de cette association étant situé au CIÉRA (le Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones), ce fut l’occasion pour l’étudiante de discuter avec des anthropologues, d’assister à des conférences et d’effectuer des petits contrats de recherche. Enfin, elle trouvait la discipline qui lui sied pour creuser la question autochtone. À l’été 2018, elle s’est donc inscrite au baccalauréat en anthropologie.
Sur les traces de ses ancêtres
Au cours de cette même période, Yasmine Fontaine a effectué une expédition de canot-portage dans le Nitassinan. Chaque année, le projet Pimishka! amène des Innus de 16 à 25 ans à parcourir ce territoire ancestral pendant deux semaines en compagnie d’une psychologue et d’une intervenante jeunesse. L’objectif: leur permettre de se réapproprier les savoirs traditionnels. «Le Nitassinan est un territoire où personne ne vit, mais qui est habité d’histoires. On y découvre des sites sacrés et on y voit les vestiges des chemins de portage traditionnels. Ce territoire est un livre ouvert. Il n’est pas écrit avec des mots; il faut le décrypter avec les yeux», dit Yasmine Fontaine.
En parcourant ce territoire comme l’ont fait ses ancêtres, elle a vécu une autre révélation. «Le fait d’être dans le bois m’a sorti de ma zone de confort. J’ai appris que j’étais plus forte que je pensais, mentalement et physiquement. Même si c’était ma première fois sur ce territoire, je me suis sentie chez moi, comme si j’appartenais à un tout plus grand que moi.»
L’expérience a été positive à tel point qu’elle l’a répétée à deux reprises, dont une fois en raquettes durant l’hiver. «Je suis revenue transformée de ces expéditions. En commençant mes cours en anthropologie, je me suis sentie enfin interpellée par la théorie enseignée en classe. Je sens maintenant que j’ai ma place à l’Université, tout comme je commence à avoir ma place au sein de ma communauté.»
Bien vite, l’histoire de Yasmine Fontaine a fait le tour des milieux autochtone et universitaire. Invitée par diverses organisations, dont Service autochtone Canada et le CIÉRA, elle a donné des conférences afin de partager son témoignage.
Avec Danielle Descent, psychologue associée au programme Pimishka!, et Caroline Desbiens, professeure au Département de géographie, elle espère aussi lancer un projet visant à protéger les sites sacrés du Nitassinan.
«J’essaie, du mieux que je peux, de contribuer au changement. On dit que pour faire avancer les choses, il faut commencer par le faire soi-même. Je le fais humblement, puisque j’en ai encore beaucoup à apprendre», conclut l’étudiante.