D’abord quelques chiffres. Au Québec, selon les plus récentes statistiques, le réseau coopératif comprend quelque 3000 entreprises, donne de l’emploi à environ 116 000 personnes et représente un chiffre d’affaires global annuel de près de 40 milliards de dollars. De tailles variables, ces entreprises coopératives sont présentes dans de nombreux secteurs d’activité, des communications à l’architecture, en passant par la production de bière, les activités de plein air et les services d’ambulance.
«Les coopératives de travailleurs fonctionnent selon le modèle le plus radicalement opposé à celui des entreprises normales», explique Luc Audebrand, professeur au Département de management et titulaire de la Chaire de leadership en enseignement sur l’engagement social. «L’entreprise normale, poursuit-il, distingue qui est le propriétaire, qui est l’investisseur et qui est l’employé. Dans une coopérative de travail, l’employé peut être à la fois propriétaire, décideur et bénéficiaire de son entreprise. Cela se traduit par des écarts de salaires moindres entre hommes et femmes, vieux et jeunes. Il y a aussi moins d’absentéisme. C’est un milieu de vie plus sain. Le monde coopératif est une façon différente de concevoir l’économie basée sur des valeurs comme l’équité.»
La Chaire vient de réaliser une série de huit capsules pédagogiques sur la gestion d’une coopérative de travail. Ces documents, d’une belle facture visuelle et au montage dynamique, durent environ dix minutes chacune. Elles abordent des angles tels que le démarrage, le financement et la croissance, ainsi que la gestion des ressources humaines. «Les capsules viennent clairement combler un vide dans l’enseignement du management, soutient le professeur. Par ces vidéos, j’ai voulu montrer qu’un modèle alternatif existe, qu’il fonctionne et qu’il mérite d’être enseigné.»
Luc Audebrand et ses collaborateurs ont visité 13 coopératives dans le cadre de leur recherche. Mentionnons le Centre de santé Sainte-Brigitte-de-Laval, Courant alternatif, un regroupement d’électriciens de Québec, et Pivot: coopérative d’architecture, une entreprise montréalaise. La coopérative des techniciens ambulanciers du Québec en est une autre. «Ils sont à l’avant-garde au niveau des services offerts, dit-il. Les premiers, ils ont introduit les civières qui permettent de monter beaucoup plus facilement les patients dans les ambulances. Le fait que les employés soient clairement impliqués dans la gestion de l’entreprise a permis d’améliorer le fonctionnement de l’ensemble, pour les employés et pour les patients.»
D’une capsule à l’autre, plus de 20 experts en management et intervenants sur le terrain abordent les différents enjeux relatifs à la gestion d’une coopérative de travailleurs. Les capsules donnent aussi la parole à des membres de coopératives. «Chacun a son rôle, souligne le professeur Audebrand. Les enseignants de la Faculté des sciences de l’administration expliquent un concept, les intervenants font le lien entre concept et réalité terrain, et les membres de coopératives racontent leur vécu.»
Dans sa démarche, celui-ci a notamment rencontré les professeures Marie-Ève Dufour et Jessica Darveau, respectivement du Département de management et du Département de marketing. «Je souhaitais que les capsules leur soient utiles dans leurs cours, indique-t-il. La première enseigne, entre autres, le concept de management participatif. La seconde aborde le marketing responsable dans son enseignement. De façon générale, plusieurs acteurs sociaux n’ont pas les outils pour parler des coopératives de travail. Les capsules les aideront à le faire.»
Diminuer les sources d’inégalités en milieu de travail est l’un des objectifs visés par les capsules. La lutte aux inégalités et aux injustices sociales est un des champs d’expertise de Luc Audebrand. Il définit trois types d’inégalités: culturelle, politique et économique. «Dans les capsules, explique-t-il, j’ai essayé de montrer que la coopérative de travailleurs permet de s’attaquer à ça. On donne aux employés une reconnaissance supplémentaire, un contrôle politique ainsi qu’un contrôle économique. Dans une entreprise normale, bien souvent, il y a un manque de reconnaissance, un manque de représentation et un manque au niveau de la distribution de l’argent.»
La production des capsules a été confiée à une coopérative de travail de Québec, Productions 4 Éléments. Le financement est venu de la coopérative Co-operators assurance et services et de Fondaction CSN.
Consultez les capsules vidéo pédagogiques de la Chaire de leadership en enseignement sur l’engagement social.