Glen Constantin a participé depuis 2001 à 10 conquêtes de la coupe Vanier, symbole de la suprématie au football universitaire au Canada, dont 9 comme entraîneur-chef. Au passage, il a enregistré pas moins de 185 victoires, à seulement 11 du record canadien. Sa plus récente conquête de la coupe Vanier remonte à novembre 2018 au stade TELUS-Université Laval, ses joueurs l’ayant emporté par le compte de 34-20 contre les Mustangs de l’Université Western. À juste titre, Glen Constantin est déjà considéré comme l’un des meilleurs entraîneurs-chefs de l’histoire au football universitaire canadien. Quant à l’équipe qu’il dirige, elle est certes la plus prestigieuse actuellement au Canada.
Le 28 janvier, à Québec, Glen Constantin a accordé une longue entrevue au journaliste sportif Stéphane Turcot. Retransmise par visioconférence, la conversation ouverte au public a attiré plus de 300 spectateurs. L’événement présenté par TELUS s’est déroulé sur le thème «Comment bâtir une culture gagnante». Il s’inscrivait dans le cadre des activités entourant le 50e anniversaire du PEPS de l’Université Laval.
D’entrée de jeu, l’entraîneur-chef a souligné l’avantage, pour un étudiant-athlète, de s’aligner sur une équipe sportive performante. «Passer par le Rouge et Or, affirme-t-il, apporte une valeur ajoutée au diplôme. Cela permet au diplômé de se démarquer sur le marché du travail. Il aura la réputation d’être une personne disciplinée, persévérante, résiliente, capable de dépassement, une personne de confiance et un bon citoyen.»
La mission de l’entraîneur-chef, selon lui, consiste à créer un environnement qui permet à l’étudiant-athlète de se réaliser comme personne. «Le message, dit-il, doit être simple, clair et précis. Il faut encadrer les étudiants pour qu’ils réussissent du point de vue scolaire et il faut les aider à atteindre leur plein potentiel athlétique. Créer une culture organisationnelle provoque un comportement, lequel entraîne un résultat.»
Le leadership doit s’appuyer sur le principe des trois «c»: la confiance, la compétence et le caractère. «L’entraîneur-chef, poursuit-il, doit avoir l’habileté de créer une connexion avec un étudiant-athlète. Il doit démontrer que les joueurs sont importants pour lui. Il doit s’intéresser à eux dans différents aspects de leur vie. Une fois ce contexte installé, l’entraîneur-chef peut implanter son message.»
Selon lui, la relation peut se modifier avec un changement de fonction, auquel cas il faut réagir. «Lorsque j’étais adjoint, rappelle Glen Constantin, j’étais l’ami des joueurs. Quand je suis devenu entraîneur-chef, mon attitude n’avait pas changé, mais ils me fuyaient quasiment. J’étais quasiment devenu le bad cop.»
Effort, engagement, discipline
À l’entrée du vestiaire du club Rouge et Or, une plaque apposée sur le mur porte l’inscription «4e quart» suivie de cinq grands principes: l’effort, l’engagement, la discipline, la toughness (la ténacité) et la fierté.
La tradition d’excellence que s’est forgée le programme Rouge et Or football au fil des années se vérifie sur tous les plans. «Rien dans notre programme n’est moyen, soutient Glen Constantin. Cette attitude part de notre président et descend jusqu’aux joueurs en passant par le personnel d’entraîneurs et les employés. Il y a de très bons joueurs dans les équipes moins fortes que la nôtre. Ces joueurs espèrent gagner. Nous, on s’attend à gagner.»
Dans les entraînements et durant les matches, il peut s’appuyer sur une solide équipe d’entraîneurs-adjoints. «Mes adjoints et moi avons la même approche, souligne-t-il. Le processus est plus important que la destination. Nous ne parlons pas de ce que nous allons accomplir, mais plutôt de comment nous allons l’accomplir. En d’autres mots, nous ne parlons pas de gagner le championnat, mais plutôt de comment être un champion. C’est le championship lifestyle.»
Ce qu’il apprécie le plus de ses adjoints est leur loyauté. «Notre règle d’or est que toute décision doit être prise pour le bien de l’équipe, précise-t-il. Il y a bien sûr des discussions et des argumentations. Mais nous montrons un front uni devant l’équipe, les médias, la foule. Par ailleurs, je n’ai pas peur de m’entourer de bonnes personnes fortes qui vont nous faire progresser. Ces personnes doivent être capables de dire les vraies choses. Elles doivent être capables de renforcer les bonnes choses et de corriger les mauvaises situations, même quand tout semble bien aller. Une attitude positive, qui consiste à voir le bon côté des choses, à toujours voir le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, aide beaucoup au climat. C’est ce que je surnomme la loi du Mathieu Bertrand, un de mes adjoints et ancien quart-arrière de l’équipe. Enfin, le respect est primordial dans toute l’organisation. Souvent le manque de respect est à la base des problèmes.»
Selon Glen Constantin, une équipe sportive de haut niveau est constituée d’un noyau correspondant à 10% des joueurs, d’une masse regroupant 80% de l’effectif et d’un autre 10% comprenant des joueurs à risque. «Ceux qui composent le noyau ne présentent aucun problème sur le terrain, en classe ou dans leur vie privée, indique-t-il. Ceux qui forment la masse font les choses bien, mais ils peuvent subir l’influence de facteurs qui affectent leur performance. Enfin, on trouve dans toute organisation sportive un 10% qui n’embarque pas à fond malgré l’aide qu’on leur apporte à l’entraînement et dans leurs études. À ces derniers, on peut poser la question: es-tu engagé envers l’équipe ou juste curieux d’en faire partie? Il faut que tu t’engages sinon tu n’es peut-être pas à la bonne place.»
Solidarité, humilité, authenticité
Dans un milieu hautement compétitif comme le football universitaire, à l’intérieur d’une organisation qui aspire chaque année aux grands honneurs, la culture gagnante repose sur des valeurs telles la solidarité, l’humilité, l’authenticité et le courage.
Selon l’entraîneur-chef, il faut toujours évaluer le succès obtenu. «Il faut avoir l’humilité et la maturité d’apprendre et de grandir, même après un championnat, affirme-t-il. Il est toujours bon de renforcer les aspects positifs de notre jeu afin de bâtir la confiance, tant dans la victoire que dans la défaite.»
Glen Constantin compare une équipe sportive à un engrenage où chacun a un rôle à jouer. «Que ce soit à la défensive, à l’offensive ou sur les unités spéciales, explique-t-il, chacune des coches est une tâche comme telle et doit être effectuée parfaitement afin d’assurer le plein rendement de l’équipe. La personne doit être consciente de l’importance de sa tâche et en retirer de la fierté.»
Après tous ces succès, comment les joueurs font-ils pour ne pas tomber dans le piège de la complaisance? «Mes adjoints, répond-il, sont très bons pour encadrer les joueurs. Ce sont de grands compétiteurs qui savent comment garder les joueurs motivés. Même ceux qui, après un championnat, peuvent devenir complaisants. La complaisance est l’ennemi juré de l’excellence. La perte de focus est normale après avoir fait beaucoup de sacrifices et après avoir atteint les grands honneurs. Ils sont rassasiés. Ils se laissent distraire par la lune de miel avec la communauté dont ils deviennent les héros. Ils sont invités au Parlement. Pendant ce temps, leurs adversaires travaillent. Ils ont faim.»
Parmi les 10 championnats canadiens remportés par le Rouge et Or, lequel a été le plus satisfaisant? «Le prochain, dit-il, le sera. C’est comme ça que fonctionne une équipe championne à l’intérieur d’une culture gagnante.»
Et la pandémie? «Nous montons actuellement deux projets, poursuit-il. L’un d’eux est un camp d’entraînement printanier au stade TELUS, dans le concept de bulle. L’autre, pour le mois d’août, est un projet de tournoi de haut niveau.»