Tenir les citoyens à jour sur les affaires publiques, assurer une surveillance des élites, fournir un espace pour le débat démocratique: voilà, en gros, la fonction des médias d’information. Une question toutefois se pose: font-ils un bon travail? L’hiver dernier, plus de 2000 Canadiens et Québécois ont participé à une enquête internationale en ligne sur cette question, le Digital News Report 2019. Le sondage, piloté par des chercheurs de l’Université d’Oxford, fut mené dans 38 pays. Au Canada, l’enquête était sous la responsabilité du Centre d’études sur les médias (CEM) de l’Université Laval.
Première constatation: les répondants canadiens et québécois évaluent plutôt positivement le travail effectué par les médias d’information. Près des deux tiers d’entre eux estiment que les médias les aident à comprendre les actualités et plus des deux tiers disent que les médias leur permettent de se tenir à jour sur ce qui se passe. D’un indicateur à l’autre, les données, au Canada comme au Québec, se situent plus haut que la moyenne internationale. À quoi peut-on attribuer ce haut niveau de satisfaction?
«Tout ce que l’on sait, c’est que d’autres études comparatives comme le Baromètre de confiance Edelman tendent aussi à montrer que nos médias s’en sortent bien, comparativement à d’autres pays, répond le coordonnateur aux opérations du Centre d’études sur les médias, Sébastien Charlton. On peut supposer qu’il s’agit d’une combinaison de facteurs, dont une polarisation des débats moindre que d’autres pays et le fait que les médias soient perçus comme jouissant d’une indépendance leur permettant de critiquer les élites économiques et les gens au pouvoir.»
En tout, le sondage a abordé 21 aspects entourant le fonctionnement des médias d’information. Les cinq indicateurs sont la fonction de «chien de garde» à l’endroit des personnalités et entreprises puissantes, la pertinence des sujets traités, le ton employé par les journalistes pour expliquer les événements, l’aide qu’ils apportent aux citoyens dans leur compréhension des actualités du jour, et l’instantanéité du travail journalistique qui permet de se tenir à jour.
À l’international, le niveau de satisfaction des répondants canadiens et québécois les place très souvent parmi les cinq pays les plus satisfaits en regard du travail des journalistes. En 2019, avec un taux de réponse positive de 52%, le Canada s’est classé cinquième derrière la Finlande, le Portugal, le Danemark et les Pays-Bas sur le plan de la confiance des répondants vis-à-vis des nouvelles journalistiques. En comparaison, la France a eu le deuxième pire score des 38 pays participants à 24%.
«En France, l’enquête nous montre que le climat politique peut faire une différence, souligne Kamille Leclair, auxiliaire de recherche au CEM et étudiante au baccalauréat en science politique. Dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes, la confiance envers les médias a chuté drastiquement dans ce pays. Qu'est-ce que ça signifie pour les médias au Canada? Je pense qu'il faut garder en tête que la satisfaction et la confiance du public ne sont pas acquises.»
Le volet canadien et québécois de l’enquête révèle qu’un nombre assez élevé de répondants, 36%, estime que les médias d’information portent un regard souvent trop négatif sur les événements. Par ailleurs, les répondants de 18 à 34 ans se montrent moins satisfaits que les autres groupes d’âge de la performance des médias, et ce, sur l’ensemble des critères analysés.
Les jeunes, une catégorie à part
Les jeunes Canadiens et Québécois représentent une catégorie à part parmi les répondants de l’enquête. Les deux tiers d’entre eux disent s'être informés sur l’actualité au moyen des médias sociaux dans la semaine précédant leur participation au sondage. Pour près de la moitié d’entre eux, les médias sociaux constituent la principale source d’information. Seul un jeune sur trois dit avoir confiance aux informations qui circulent dans l’espace médiatique.
Selon Kamille Leclair, l'une des pistes d’explication se situerait sur le plan des attentes. «Certains auteurs, explique-t-elle, soutiennent que les personnes plus jeunes rejettent en plus grand nombre le journalisme de type “chien de garde”, qui met traditionnellement de l’avant une critique des élites. La littérature suggère que les jeunes préféreraient plutôt le journalisme orienté sur les solutions. Il semble donc y avoir un travail à faire pour arrimer la production journalistique aux attentes et aux préférences des jeunes audiences.»
Plusieurs questions de l’enquête tiennent compte de la «géométrie variable» des répondants. On apprend ainsi que les femmes évaluent plus négativement que les hommes la fonction de surveillance, et que les francophones sont davantage satisfaits de cet aspect que les anglophones. Le sondage révèle également que les répondants ayant un niveau de scolarité faible sont moins satisfaits que les autres pour tous les critères, à l’exception du ton. En ce qui concerne l’orientation politique, les francophones de droite se disent globalement plus satisfaits du travail des médias que ceux de gauche.
Trois questions portent sur des phénomènes typiques de la société numérique. Il s’agit des symptômes de fatigue informationnelle, de l'impression de surcharge et de l’évitement actif des nouvelles. Dans l’enquête, 28% des répondants canadiens et québécois rapportent «être découragés par la quantité d’informations qui circule aujourd’hui». Quant à la part des Canadiens et Québécois qui évitent les nouvelles au moins à l’occasion, elle a légèrement augmenté comparativement à 2017. Ce phénomène s’observe dans la plupart des pays participants.
Consulter l’intégralité du Digital News Report 2019 sur la satisfaction des Canadiens envers le travail des médias d’information