«On apprend à réagir prudemment face au développement de la crise et, comme c’est justement une simulation, on anticipe les pièges.»
Michel Lanthier est coordonnateur régional sécurité civile, plan des mesures d’urgence, sécurité et stationnements au Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides. Le vendredi 15 novembre, avec onze autres cadres de haut niveau des secteurs public et privé, il a participé à une simulation immersive d’une journée inspirée d’un cas réel. Cette formation intensive en gestion et en communication de crise a été créée il y a quelques années par le professeur Christophe Roux-Dufort, du Département de management. Elle s’est déroulée dans une salle du Carré des affaires FSA ULaval-Banque Nationale du pavillon La Laurentienne. Les participants étaient répartis en deux équipes. Dans son groupe, Michel Lanthier jouait le rôle de directeur des finances et des affaires juridiques.
«Je me suis inscrit à la simulation surtout pour développer les compétences nécessaires à reconnaître une crise le plus rapidement possible afin de bien réagir, explique-t-il. Mon expertise de gestionnaire m’a été bien utile. Lors de situations d’urgence que nous gérons, nous devons prendre des décisions avec peu d’information et dans le chaos du début d’un événement. C’est ce qui me pousse à ne pas être patient dans le développement d’une éventuelle crise.»
Le scénario fictif imaginé par le professeur Roux-Dufort démarre avec quelques cas d’infection de l’œil observés dans un pays d’Asie chez des adultes portant tous des lentilles cornéennes de marque Clearvision. «Les dirigeants de Clearvision se demandent alors s’ils doivent rappeler le produit, le retirer du marché, en sachant que ce produit se vend dans plusieurs zones du monde, souligne-t-il. Au fil des jours, la situation devient plus complexe avec des aspects techniques, juridiques, communicationnels, éthiques et financiers.»
Le professeur agissait comme animateur. Il intervenait auprès des équipes, il posait des questions, il les guidait. Il avait une approche davantage pédagogique. Deux étudiants au doctorat ont coanimé la simulation avec lui. L’exercice avait une dimension médiatique. Quelques anciens journalistes professionnels ont été mis à contribution. Durant toute la journée, ils ont posé des questions aux participants.
«Le simulateur est semi-automatisé, indique Christophe Roux-Dufort. Son moteur génère les événements sans intervention humaine. Son scénario présente quelque chose de réaliste. Les participants, comme dans toute situation de crise, ne sont jamais en position de comprendre ce qui va se passer. Ils doivent pourtant prendre des décisions.»
Un flot ininterrompu d’informations
Les deux équipes ont été soumises à un flot ininterrompu d’informations parfois contradictoires. Elles leur parvenaient par trois canaux: le courriel, la visioconférence et le téléphone. Un écran permettait de voir l’évolution de la situation avec des indicateurs d’informations clés.
Chacun des participants avait un rôle à jouer. Chaque équipe désignait un leader. «J’ai observé qu’un participant assumait mieux son rôle de leader, il a mieux coordonné son équipe, soutient-il. Assez rapidement, ils ont mis en place une structure pour le partage de l’information. Ce leadership leur a permis de faire preuve d’un minimum d’anticipation et de s’éviter des scénarios compliqués, ce qui arrive lorsqu’on ne fait que réagir aux situations. Ça va vite et il est difficile d’anticiper. Ils ont pris de bonnes décisions; surtout, ils l’ont fait au bon moment.»
À quel moment une situation passe-t-elle de la normalité à la crise? «Le seuil varie selon les équipes, répond Christophe Roux-Dufort. Certaines se déclarent en gestion de crise très tard, souvent trop tard. Donc, le scénario est plus difficile à gérer. D’autres se déclarent plus tôt, ce qui permet de mieux contrôler certains éléments. Certaines vont se précipiter et enclencher une dynamique difficile. On observe, dans la littérature scientifique, que l’expérience de certains gestionnaires les amène parfois à sous-estimer certains risques et à surestimer le contrôle qu’ils peuvent avoir sur la situation. Ce ne fut pas le cas ici.»
Selon lui, les deux équipes, somme toute, ont pris d’assez bonnes décisions, et ce, dans la bonne fenêtre d’intervention. «Leur expérience, ajoute-t-il, leur a permis d’avoir les réflexes pour éviter de tomber dans des pièges.»
Michel Lanthier dit avoir eu le sentiment de sortir de sa «zone de confort». «Comme la simulation porte sur une entreprise privée et que je viens du secteur public, précise-t-il, les réflexes sont différents. De plus, les qualités de communicateur sont plus difficiles à rendre dans un contexte où les échanges se font plus par courriel, ce qui crée de la communication en silo.»
Et la prise de décision? «Nous n’avons pas pris que de bonnes décisions, répond-il. Je crois que la simulation est faite pour cela. En plaçant plusieurs personnes qui ne se connaissent pas dans un contexte de comité de direction, il y a un choc d’idées et de choix qui ne cadrent pas nécessairement avec la culture d’entreprise. Ce qui cause des difficultés lors de mise en place des décisions.»
À la fin de l’exercice, plusieurs participants ont poussé un soupir de soulagement. «Ils ont dit ouf! raconte le professeur Roux-Dufort. La pression était réelle. L’information les sollicitait en permanence, ainsi que les journalistes. Certains n’étaient pas à l’aise avec ça.»