Au cours de la dernière année, la COVID-19 a eu des effets majeurs sur le marché du travail et sur la production de biens et services au Québec comme au Canada. Selon les secteurs d’activité, les répercussions ont été plus faibles, comme dans la construction, la fabrication et les assurances, ou plus fortes, comme dans l’hébergement et la restauration. Après un an, le marché immobilier va bien. L’épargne, elle, est à la hausse. La pandémie a eu des effets relativement modestes sur les prix, le taux de change et les taux d’intérêt. En revanche, les administrations publiques ont augmenté de façon très importante leurs dépenses, leurs déficits et leur dette pour préserver le pouvoir d’achat de la population et le tissu commercial de nos économies.
Ce bilan de l’an un de la pandémie de coronavirus a été fait par le professeur Kevin Moran, du Département d’économique, le 13 avril dernier, à l'occasion d’une activité webdiffusée de la Faculté des sciences sociales.
«Il est important, dit-il, de voir à quel point la pandémie représente un choc historique, dans l’ère moderne, sur la production et l’emploi. La réponse a été un soutien financier sans précédent dans l’histoire, notamment du gouvernement fédéral. Ces dépenses vont avoir un impact sur les soldes budgétaires, mais également sur les coûts de financement des gouvernements. Nous avons un déficit fédéral et une dette accumulée en forte hausse. Les interventions massives de la Banque du Canada ont certainement contribué à calmer les marchés financiers et donc probablement contribué à maintenir les taux d’intérêt relativement bas.»
Selon lui, les gouvernements vont continuer d’intervenir massivement dans l’économie. «Il y a peu de pressions incitant les gouvernements à réduire rapidement leurs mesures de soutien, affirme Kevin Moran. Les niveaux actuels des déficits et de la dette publique sont gérables.» Ce dernier dit avoir confiance en une reprise économique postpandémique rapide. «Certains secteurs, comme l’immobilier, vont tellement bien que les décideurs songent à freiner l’activité plutôt qu'à la stimuler.» L’économie mondiale, pensons à la Chine et aux États-Unis, se remet du choc pandémique, une bonne nouvelle pour les pays exportateurs comme le Canada. En Bourse, les prix des actions vont extrêmement bien. Certains observateurs prédisent une accélération du progrès technique. «Un article récent de The Economist, souligne-t-il, suggère que nous sommes à l’aube d’une période d’innovation sans précédent.» Enfin, nous assisterions au rétablissement de la confiance, tant des entreprises que des ménages. «Des enquêtes de la Banque du Canada, dit-il, révèlent un grand optimisme à propos du futur.»
Une dette qui continue à augmenter
À l’aide de quelques graphiques couvrant la période 1960 à 2020, le professeur y est allé d’une série de comparaisons. Tous se rappellent la crise économique mondiale de 2008-2009 surnommée la Grande Récession. «Cette crise, soutient-il, m’apparaît relativement faible comparée à cette baisse boursière très prononcée survenue au début de la pandémie, en mars-avril 2020. Il y a un an, la situation semblait suggérer un choc d’une amplitude sans précédent, mais qui aura eu une persistance relativement faible. La reprise semble s’être amorcée de manière très rapide. Pour ce qui est de l'emploi au Canada, il en manque encore 300 000 pour revenir au niveau prépandémique, après une perte de trois millions d’emplois l’an dernier. On semble être revenus à un point où on a récupéré plus rapidement qu’en 2008-2009.»
Le déficit du Québec devrait cette année atteindre 15 milliards de dollars. «Il y a un an, avant la pandémie, explique le professeur Moran, le ministre des Finances s’attendait plutôt à un surplus budgétaire de 3 milliards pour 2020-2021. La dette du Québec devait s’établir à 200 milliards, ou 43% du produit intérieur brut (PIB) au 31 mars 2021. Elle a plutôt atteint 220 milliards, ou 50% du PIB, et elle va certainement continuer d’augmenter dans les prochaines années avant l’éventuel retour à l’équilibre prévu pour 2027-2028.»
Le 19 avril, la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a présenté le premier budget fédéral depuis deux ans. Pour l’année 2021-2022, elle prévoit un déficit de 154,7 milliards, soit 6,4 % du PIB. En 2020-21, en raison de la pandémie, le déficit a été de 354 milliards, soit 16,1% du PIB. Il s’agit du déficit fédéral le plus élevé en pourcentage du PIB depuis la Seconde Guerre mondiale. La dette fédérale est estimée à 1233,8 milliards en 2021-2022. En deux ans, elle est passée de 31% à 51% du PIB. Aucun plan de retour à l’équilibre budgétaire n’est à l’ordre du jour à Ottawa.
En guise de conclusion, Kevin Moran a énoncé une série de perspectives. L’économie mondiale se rétablit et un important programme de relance économique s’en vient aux États-Unis, dit-il. Toutefois, une hausse de l’inflation est possible, laquelle amènerait, par ricochet, une hausse des taux d’intérêt et une détérioration plus importante des soldes budgétaires des gouvernements. «Qu’adviendrait-il si une autre crise survenait? demande-t-il. Certaines administrations locales, provinces canadiennes comme États américains, n’ont pas une forte capacité à s’endetter.»
Le professeur Moran se veut résolument optimiste. Comme The Economist,qui affirme que nous sommes à l’aube d’une accélération de la croissance. «Je vois plein de choses positives, souligne-t-il. Vaccins, intelligence artificielle en santé, énergies renouvelables. On pense que le commerce de détail va se réinventer avec moins de magasins et une flexibilité accrue. C’est un paradoxe peut-être au sortir d’une crise majeure, mais je sens beaucoup d’optimisme à propos du futur proche, mais également du futur un peu plus lointain.»