Certainement pas le pire de la classe, mais peut faire mieux. Voilà en termes simples comment le Canada s'en tire au chapitre de la consommation de boissons sucrées chez les 2 à 18 ans parmi un groupe de 51 pays où ce problème est particulièrement préoccupant. C'est ce que révèle une étude publiée dans le Asia Pacific Journal of Public Health par une équipe dont fait partie la professeure Lana Vanderlee, de l'École de nutrition de l'Université Laval.
Bien que le problème de consommation de boissons sucrées – on parle ici de sodas, de boissons sportives, de boissons énergisantes et d'autres boissons à base de jus contenant du sucre ajouté – soit bien documenté à l'échelle nationale, il n'existait pas de portrait récent de la situation dans le monde. Un groupe de chercheurs australiens et la professeure Vanderlee, associée au Centre nutrition, santé et société de l'Université Laval, ont comblé cette lacune en analysant 48 études, couvrant 51 pays, qui ont été publiées entre janvier 2010 et octobre 2019. Les chercheurs ont concentré leur attention sur ces pays parce que, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ils font partie des régions du monde où le fardeau des problèmes chroniques de santé liés à l'alimentation est le plus élevé.
Les chercheurs ont estimé que la consommation quotidienne de boissons sucrées atteignait, en moyenne, 326ml dans les pays étudiés. Considérant la composition d'une boisson gazeuse type, cela représente environ 51g de sucre et un peu plus 200 calories par jour. L'OMS recommande que l'apport quotidien en sucres libres (la somme des sucres ajoutés et des sucres naturellement présents dans le miel, les sirops et les jus de fruits) ne dépasse pas 10% des calories ingérées. À elle seule, la contribution des boissons sucrées au bilan quotidien met cette recommandation à mal.
— Lana Vanderlee
Les pays où les jeunes consomment le plus de boissons sucrées sont la Chine (710ml), l'Argentine (628ml) et le Suriname (551ml). Parmi les pays étudiés, l'Australie se distingue par sa faible consommation, qui s'établit à 115ml. Le Canada occupe le 43e rang de cette liste avec 176ml. «Les différences observées dépendent de nombreux facteurs, analyse Lana Vanderlee. Il y a une dimension culturelle qui fait que dans certains pays la consommation de boissons sucrées est davantage considérée comme normale. Toutefois, l'offre de boissons sucrées, les efforts et les techniques de marketing déployés par l'industrie, et la réponse des gouvernements pour limiter la consommation de ces boissons, qu'on pense à des campagnes d'éducation, à des taxes ou à des restrictions de publicité, influencent l'environnement alimentaire et les comportements de la population.»
Le sucre ajouté dans l'alimentation contribue à la montée du surpoids et de l'obésité dans le monde. Il est associé à des dérèglements métaboliques comme la résistance à l'insuline et le diabète de type 2 ainsi qu'aux problèmes cardiovasculaires. «Les boissons sucrées sont une source importante de sucre ajouté, particulièrement chez les adolescents, rappelle la professeure Vanderlee. On fait erreur si l'on pense que le problème va disparaître de lui-même lorsque les jeunes vont devenir adultes. Les comportements et les habitudes alimentaires qui se forment pendant l'adolescence se transposent à l'âge adulte. C'est pourquoi il faut accentuer les efforts pour réduire la consommation de boissons sucrées chez les jeunes. Ces comportements ne sont pas irréversibles, mais il est plus facile de les changer chez les adolescents que chez les adultes.»
— Lana Vanderlee
Est-il réaliste de viser l'élimination de la consommation de boissons sucrées chez les jeunes? «Il s'agit d'un problème de santé publique important qui appelle un changement de culture, répond la professeure Vanderlee. Le Guide alimentaire canadien nous invite à éviter les boissons sucrées et à les remplacer par ce qui devrait être notre boisson de choix: l'eau. Il faut amener les jeunes à comprendre que les boissons sucrées sont des gâteries que l'on consomme lors d'occasions spéciales et non sur une base quotidienne.»