Au Québec, le chantier-école en archéologie historique de l'Université s'est déroulé pour une troisième année d'affilée sur le site des Anderson, au cœur du Vieux-Limoilou, à Québec. Plusieurs familles ont occupé cet emplacement aux 19e et 20e siècles. À nouveau, le chantier était placé sous la responsabilité des archéologues Réginald Auger et Allison Bain, tous deux professeurs au Département des sciences historiques.
Selon Rachel Archambault, inscrite à la maîtrise en archéologie et responsable du laboratoire du chantier-école, l'endroit s'est révélé à nouveau riche en découvertes. «L'intervention de 2018 s'était concentrée dans l'arrière-cour de la maison, explique-t-elle. Étant donné la richesse du matériel et des vestiges retrouvés, les fouilles de cette année ont également eu lieu dans ce secteur. La fosse à latrines utilisée de 1870 à 1897 par le consul d'Allemagne Charles Théodore Pitl et sa famille a été l'objet de nouvelles fouilles. Des objets de la vie quotidienne témoignant de l'occupation de la famille Anderson durant la première moitié du 19e siècle ont également été retrouvés dans l'arrière-cour, ainsi que d'importants vestiges de maçonnerie associés à diverses occupations du site.»
Parmi les nombreux artéfacts exhumés cet été, mentionnons des fragments d'assiettes, de tasses et de bouteilles. Également une pipe en terre cuite fine argileuse avec fourneau et une petite poupée d'argile moulée. Il y avait aussi des pots de chambre, des ustensiles, une ceinture et des chaussures en cuir, des ossements de mammifères.
En juillet et août, les professeurs Najat Bhiry et James Woollett ont poursuivi leurs travaux de recherche pluridisciplinaires en archéologie du paysage dans la partie nord du Labrador, dans un archipel baigné par l'océan Atlantique. La première enseigne au Département de géographie et dirige le Centre d'études nordiques. Le second est rattaché au Département des sciences historiques. Il travaille sur cette région depuis les années 1990.
Avec six collègues français, les chercheurs de l'Université Laval accompagnés de six étudiants ont procédé à un inventaire de sites archéologiques inuits et préhistoriques autour de l'île South Aulatsivik. Ils ont effectué des fouilles de sites archéologiques, notamment dans la partie sud de l'île. Ils ont aussi fait des relevés géomorphologiques et écologiques, tant en personne que par drone. Ils ont prélevé des échantillons, dont plusieurs seront datés par radiocarbone. Ils ont étudié et échantillonné des buttes à pergélisol jamais étudiées au Labrador jusqu'à présent. Enfin, ils ont présenté leurs activités de l'été à la communauté du village de Nain.
«Nous avons identifié de nombreux nouveaux sites dont les plus anciens remontent à environ 5 000 ans, souligne James Woollett. Nous avons aussi documenté plusieurs sites en train de disparaître à cause de processus d'érosion côtière et de la montée du niveau de la mer. Côté fouilles, nous avons découvert des ossements de tous types d'animaux, une richesse inespérée. Nous avons aussi fouillé une maison inuite semi-souterraine hivernale construite au 19e siècle. Cette maison constitue un portrait inédit de la vie domestique inuite dans une période où les Inuits commençaient à participer à la trappe et à la pêche commerciale. Les photos des relevés géomorphologiques et écologiques serviront à documenter l'habitabilité du territoire avant son occupation par les premiers peuples et son évolution.»
Une autre équipe formée notamment du professeur Reinhard Pienitz, du Département de géographie de l'Université Laval, et de deux chercheurs français s'est intéressée aux lacs de l'archipel de Nain. Plusieurs carottes lacustres ont été prélevées dans le but de déterminer les conditions climatiques et environnementales dans lesquelles ont vécu les peuples anciens.
Une partie des deux équipes archéologiques ayant effectué différents travaux de recherche cet été au Labrador. La professeure Najat Bhiry est deuxième à l'avant. Le professeur James Woollett est dernier à l'arrière.
Photo : James Woollett
À Rémire-Montjoly, en Guyane française, le site de l'Habitation Loyola témoigne de la présence des missionnaires jésuites de 1668 à 1763 dans cette partie de l'Amérique du Sud. Investis d'une mission coloniale et religieuse, les jésuites possédaient une maison de maître, un jardin, un hôpital, une chapelle et un cimetière. Leur domaine comprenait également une poterie, un moulin, une forge, une sucrerie et une indigoterie, ainsi qu'une purgerie, un bâtiment qui servait à séparer la mélasse du sucre cristallisé. À son apogée, l'Habitation Loyola employait plus de 500 esclaves. Ils produisaient de la canne à sucre, du cacao, du café, du coton et de l'indigo.
Cet été, les fouilles archéologiques se sont déroulées durant tout le mois d'août. L'étudiant à la maîtrise en archéologie Jean-François Guay agissait comme responsable d'opération. Son équipe était formée de quatre étudiants de l'Université Laval, d'une étudiante française et de bénévoles locaux.
«L'Habitation fut aménagée sur les pentes d'une montagne, indique-t-il, et les bâtiments ont été érigés à proximité les uns des autres. Les fortes averses nécessitaient une gestion efficace des eaux de pluie.»
Les fouilles de cet été visaient à documenter des aires de circulation ainsi que la gestion des eaux de pluie sur deux secteurs contigus au secteur fouillé en 2018. L'an dernier, le dégagement complet de la cour de la chapelle avait révélé un aménagement au sol et un passage maçonné qui permettaient à l'eau de s'écouler hors de ce lieu de rassemblement.
«L'un des secteurs de fouilles s'est intéressé à la chapelle, à l'arrière de la purgerie et au cimetière, précise Jean-François Guay. L'un des objectifs était de mettre au jour le passage dallé en pierre entre la cour de la chapelle et le cimetière trouvé en 2018. D'ores et déjà, la fouille de cette année a permis d'exposer une partie de son tracé encore très bien conservé. Ce dallage rejoint un conduit maçonné en pierre et aménagé sous une terrasse pour évacuer l'eau de pluie.»
Les fouilleurs ont mis au jour différents objets qui témoignent de la vie quotidienne des jésuites et des esclaves, notamment de la faïence, de la porcelaine, des pipes à fumer le tabac et du verre à bouteilles.
Sur le site de l'Habitation Loyola, l'équipe de fouilles travaille au-devant de la cour de la chapelle afin de documenter les aires de circulation et la gestion des eaux de pluie.
Photo : Jean-François Guay
Pour leur part, le professeur Thierry Petit et quelques étudiants ont pris l'avion pour l'Europe, plus précisément l'île de Chypre, où ils ont séjourné de la fin juin jusqu'au début août. L'endroit est familier à ce spécialiste de l'archéologie grecque et de l'archéologie romaine. Pendant 12 ans, il y est retourné chaque été pour effectuer des fouilles, avec des étudiants de l'Université Laval, dans les ruines du palais royal d'Amathonte, un site très ancien administré par l'École française d'archéologie d'Athènes.
«Le matériel que nous avons exhumé au cours des ans est énorme, en particulier les fragments de céramique, dit-il. Nous sommes maintenant en phase d'étude, une tâche qui prendra quelques années. Certains des fragments proviennent de pièces importées de Grèce, dont des vases à figures rouges et à vernis noir. Certaines pièces seraient antérieures au 8e siècle avant Jésus-Christ.»
Durant son séjour, le professeur s'est concentré sur l'aspect architectural du palais royal et sur la préparation d'une publication commune concernant ses fouilles.
«Cette construction, dont le dernier état remonte aux 5e et 4e siècles avant Jésus-Christ et dont il reste d'imposants murs de pierre, a été érigée sur les vestiges d'un premier édifice remontant au 10e siècle, explique-t-il. Dans ses phases ultérieures, le bâtiment était fait de beaux blocs de pierre taillée et le sol était dallé.»
Dans l'équipe du professeur, la doctorante Sarah Lambert a poursuivi le travail de classement commencé depuis deux ans sur les fragments d'objets en céramique produits sur l'île. Lucile Chabier, doctorante en cotutelle entre l'Université Laval et l'Université Rennes 2, a entrepris l'étude des vestiges de grandes jarres de stockage qui servaient à entreposer les vivres, notamment le vin et l'huile, dans les réserves du palais.
Le dessinateur Jean Humbert, un collaborateur de l'équipe archéologique québécoise à Chypre, examine une cruche archaïque reconstituée.
Photo : Thierry Petit