Jamais le télétravail n’aura été aussi populaire. Confinement oblige, le taux de Canadiens qui travaillent de chez eux depuis le début de la crise a septuplé, passant de 7% à 52%, selon l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet. La Chaire BMO en diversité et gouvernance de l’Université de Montréal et le Centre de recherche en technologies de l’information et affaires (CeRTIA) de l’Université Laval ont lancé une enquête internationale pour mieux comprendre la réalité des télétravailleurs.
L’étude, à laquelle participent aussi des chercheurs de la Toulouse Business School, consiste en un sondage en ligne d’une trentaine de questions. Diverses facettes du télétravail y sont abordées, comme l’utilisation des technologies, le soutien offert par l’entreprise, le contact avec les collègues et l’équilibre entre travail et vie personnelle. Le tout prend environ dix minutes à répondre.
Avec leur étude, les chercheurs espèrent pouvoir aider les organisations qui souhaitent conserver la pratique du télétravail une fois la pandémie terminée. «Notre but est de comprendre quels sont les grands défis ou difficultés des télétravailleurs, mais aussi cerner leur capacité d’adaptation et le potentiel d’innovation que cette pratique est susceptible d’engendrer. On ne veut pas s’attarder uniquement aux aspects négatifs du télétravail et des technologies», précise Josianne Marsan, directrice du CeRTIA.
Pour cette professeure au Département de systèmes d’information organisationnels, il y aura un avant et un après-coronavirus en matière d’organisation du travail. «Beaucoup de personnes qui ont goûté aux avantages du télétravail ne voudront pas revenir en arrière. Des gestionnaires qui étaient réticents à laisser leurs employés s’installer à la maison vont réaliser que c’est possible. Je pense qu’il y aura une plus grande ouverture au télétravail et probablement davantage de travaux de recherche sur le sujet. Pour l’instant, nous avons très peu de connaissances. On peut s’attendre à ce qu’il y ait des efforts pour mieux comprendre comment être heureux et performant en télétravail.»
Selon la chercheuse, l’un des grands défis concerne la gestion du temps. «En télétravail, on a souvent moins d’interruptions, ce qui fait que l'on travaille plus longtemps. Sur un lieu de travail, on peut prendre un verre d’eau, se dégourdir les jambes et souffler un peu entre deux réunions. La réalité est différente pour plusieurs télétravailleurs. Lorsqu’ils terminent une discussion, que ce soit au téléphone, sur Skype ou sur Zoom, ils passent immédiatement au prochain appel. Je pense que ce rythme de travail va finir par étouffer les gens et il faudra réfléchir à des moyens de retrouver ces espaces de temps qui étaient autrefois obligés.»
Comme quoi le sujet du télétravail suscite de l’intérêt, plus de 5000 personnes ont répondu au questionnaire en quelques jours. Les répondants proviennent majoritairement du Canada francophone, mais aussi notamment de l’Europe, des États-Unis et de l’Afrique. «Avec un aussi grand nombre de données, nous pourrons avoir des résultats significatifs et représentatifs de la situation actuelle et faire des analyses statistiques poussées. Il sera possible, par exemple, de faire des comparaisons entre continents, entre pays ou entre régions d’un même pays.»
Outre des articles scientifiques, un résumé des résultats de la recherche sera disponible sur les sites respectifs des chercheurs et diffusé sur les réseaux sociaux. «On pense pouvoir très rapidement publier des résultats qui vont pouvoir servir en contexte de crise. Par la suite, nous espérons lancer différentes vagues du sondage, qui permettront d’avoir un portrait évolutif de l’après-crise. Poursuit-on le télétravail? À temps plein ou à temps partiel? Quels sont les outils technologiques les plus pertinents? Devrait-on donner plus de formation aux employés? Ce sont des questions que les organisations devront se poser.»