Pour Rafael Zaldivar, professeur de jazz à la Faculté de musique, un concert est avant tout un moment de célébration et de connexion, voire une expérience spirituelle. Et c’est ce qu’il a livré, samedi à la salle D’Youville du Palais Montcalm. Devant un public visiblement conquis, le pianiste présentait son plus récent album, Consecration, sorti en 2019.
Ce disque, réalisé en partie au LARC, le Laboratoire audionumérique de recherche et de création de l’Université, rend hommage aux Yorubas. Originaire de Cuba, Rafael Zaldivar s’est inspiré de la culture de ce groupe ethnique issu de l’Afrique de l’Ouest présent dans les Antilles. En découle un album empreint de spiritualité. «J’ai reproduit certaines sonorités incrustées dans les instrumentations afro-cubaines. Pour les percussions, j’ai utilisé des congas en interprétant les codes rythmiques qui font partie du langage africain. Nous avons aussi des batas, des tambours que l’on peut frapper des deux côtés. Il s’agit d’un instrument sacré pour les Yorubas», explique-t-il.
Pour le concert, le pianiste s’était entouré d’une solide équipe de musiciens. En plus d’un percussionniste, d’un batteur, d’un contrebassiste et d’une saxophoniste, il avait invité Laura Godin, étudiante à la maîtrise en chant jazz et populaire, à se joindre à lui. Entre deux spectacles avec Jazz Affair, avec qui elle fait une tournée pancanadienne, la chanteuse était sur place pour interpréter deux pièces de l’album, Simple Talking et When I Think of You. Elle a aussi offert une version chaleureusement applaudie de la chanson Unforgettable, de Nat King Cole.
Sur scène, la complicité de Rafael Zaldivar et de Laura Godin est palpable. Il faut dire qu’ils n’en sont pas à une collaboration près, le professeur faisant souvent appel à l’étudiante pour des concerts. «Les pièces de Rafael sont uniques. Chaque fois qu’il les joue, c’est différent. Rafael est un interprète qui se donne beaucoup de liberté. Comme chanteuse, je dois être attentive et garder une ouverture. Rafael étant lui aussi à l’écoute de mon univers à moi, ça crée de beaux moments. Jouer avec lui, chaque fois, est une expérience très enrichissante», dit l’étudiante.
Pour le professeur Zaldivar, il est important de contribuer à la professionnalisation de la relève en lui donnant des occasions de se produire sur scène. «Les étudiants me ramènent à mes propres rêves lorsque j’ai commencé dans ce milieu. À l’époque de mes études, j’avais le désir profond de me réaliser en tant que musicien et de jouer avec des artistes établis sur la scène jazz québécoise, canadienne et internationale.»
Rafael Zaldivar peut se targuer d’avoir atteint son objectif. Depuis le début de sa carrière, il a accumulé les honneurs (prix Opus, Révélation Jazz Radio-Canada, nomination aux prix Juno) et a foulé les scènes d’ici et d’ailleurs. On a pu le voir jouer, entre autres, avec les grands Oliver Jones, Rémi Bolduc, Vic Vogel, Steve Coleman, Nate Smith, Francisco Mela et Greg Osby.
Comme quoi son titre était prémonitoire, Consecration a été plébiscité autant par la critique que par le grand public. En plus de recevoir une nomination au Premier Gala de l’ADISQ et d’être pressentie pour un prix Grammy latin, l’œuvre figure parmi les 50 meilleurs albums de la dernière année, selon Radio-Canada. «Loin d’être un album de jazz latin typique, ce disque est un tour de force en matière de créativité et parvient à renouveler le genre. À écouter attentivement», peut-on lire sur le site d’Ici Musique.
De son propre aveu, Rafael Zaldivar n’aurait imaginé pareil succès. Porté par cette vague d’amour, il est de retour au LARC pour travailler sur son prochain album. Une subvention de l’Université lui a permis de lancer la production de ce nouvel opus. Deux sommités internationales du jazz y collaborent, soit la percussionniste Terri Lyne Carrington et le saxophoniste Miguel Zenón.
Cet album sera en quelque sorte dans le sillage de Consecration. «Je continue d’explorer les rythmes afro-cubains. Ces rythmes seront renforcées par l’instrumentation. Il y aura davantage de percussions et de voix. Une chorale interagira avec les solistes. Les rythmes vont jouer par-dessus les chants pour appuyer ce sentiment métronomique», prévoit le musicien.