Chaque année, ça se passe le 2 avril, jour de l’anniversaire de l’auteur danois Hans Christian Andersen. La Journée internationale du livre pour enfants a pour but de promouvoir la lecture chez les jeunes et d’attirer l’attention sur les œuvres qui leur sont destinées. Le moment tombe à point nommé dans l’actualité alors que plusieurs parents sont à la recherche de suggestions de lecture pour leurs enfants.
À notre demande, Marie Fradette, chargée de cours en littérature jeunesse à l’Université Laval et journaliste culturelle, a ciblé trois livres marquants qui ont été publiés récemment. Les critères: pertinence du sujet, poésie des textes et qualité des illustrations (dans le cas des albums jeunesse). Elle a jeté son dévolu sur Quand le vent souffle, de Todd Stewart, Les étoiles, de Jacques Goldstyn, et Mayapur, de François Gilbert.
Quand le vent souffle (Comme des géants)
À partir de 5 ans
Dans une forêt, deux arbres entretiennent une conversation sur plusieurs années. Un vieux pin explique à un plus jeune comment le vent est bénéfique pour leur croissance, mais aussi comment il peut leur causer du tort par moments. Peu à peu, le jeune conifère gagne en confiance et prend conscience de son destin.
Quand le vent souffle est un album contemplatif sur le cycle de la vie. «Avec ce livre, Todd Stewart poétise notre rapport au temps et à la nature. Il parle aussi de la transmission de valeurs et de savoirs. Ces thèmes sont abordés à travers deux arbres, qui communiquent entre eux et font partie d’un grand tout, dans lequel on se trouve, nous aussi, les humains», dit Marie Fradette.
La chargée de cours souligne les magnifiques illustrations de l’artiste visuel Todd Stewart, issues du procédé de la sérigraphie. «D’une page à l’autre, il y a très peu de textes. Tout l’espace est consacré à la vie qui fourmille dans les arbres et autours des arbres. On y voit des animaux. On remarque aussi les changements de saisons avec les feuilles qui tombent, signe du temps qui passe.»
Les étoiles (La Pastèque)
À partir de 6 ans
«Cet album de Jacques Goldstyn porte sur deux grands thèmes: l’acceptation de l’autre et l’invitation à poursuivre ses rêves», explique Marie Fradette.
L’histoire est celle de Jacob, un garçon juif passionné par l’espace. Son but: devenir scientifique ou astronaute pour explorer les étoiles et les constellations. En attendant, il construit des vaisseaux spatiaux avec des boîtes de conserve et des pots de yogourt, au grand dam de son père épicier. Un jour, dans un parc, il fait la rencontre d’Aïcha, une jeune musulmane avec qui il se lie d’amitié et partage sa passion.
L’album comprend de jolies tournures de phrases et allégories. Entre autres: «Rapidement, nous sommes devenus inséparables, comme des étoiles jumelles. J’ai l’impression d’être en orbite autour d’elle.» «Doucement, son voile glisse sur ses épaules. Et c’est une cascade de cheveux qui jaillit tel un nuage interstellaire.»
Pour des questions de religion, l’amitié entre Jacob et Aïcha n’est pas bien vue par leurs familles respectives. Leurs pères entreprennent un projet farfelu, celui de construire un mur pour les séparer. «Avec une écriture très poétique, Jacques Goldstyn nous rappelle que les enfants ne connaissent pas le concept de frontières. Dans cet album, ce sont les adultes qui viennent leur imposer leurs visions du monde», dit Marie Fradette.
Pour ce qui est des dessins, la chargée de cours apprécie le style humoristique de Goldstyn. «Son trait évoque la candeur des enfants tout en ridiculisant la rigidité des adultes. Il y a aussi beaucoup de mouvements dans les dessins. Cela appuie l’idée de liberté et la volonté d’avancer des enfants. »
Mayapur (Leméac)
À partir de 14 ans
Contrairement aux deux autres livres, Mayapur n’est pas un album jeunesse, mais un roman pour adolescents. L’ouvrage clôt une trilogie qui a remporté jusqu’ici un franc succès. Le premier volume, Hare Krisna, a reçu le Prix du Gouverneur général en littérature jeunesse en 2016 et une adaptation théâtrale est en cours.
Avec Mayapur, on retrouve Mikael Dionne, un jeune Beauceron qui veut devenir moine Krishna. Le voici en direction de Mayapur, capitale spirituelle des Krishnas en Inde, avec son amoureuse. Mais le voyage ne se déroule pas comme prévu. La brève escale qu’ils devaient faire dans un ashram de yoga se prolonge et le couple voit son amour confronté aux mœurs de cette microsociété. Mikael changera-t-il ses plans?
«D’un roman à l’autre, le personnage est tiraillé entre ses croyances, sa volonté de s’éloigner de la société telle qu’on nous la propose et ses anciennes habitudes. Dans Mayapur, il finit par trouver sa voie, qui n’est pas nécessairement celle des Krishnas. La trilogie parle de la quête identitaire, de l’influence des autres, des préjugés et de l’espoir de trouver sa voie. Ce sont là des thèmes intimement liés à l’adolescence et que François Gilbert présente de façon très pertinente», soulève Marie Fradette.
Pour elle, l’auteur se démarque par sa capacité à marier les styles littéraires pour nous faire entrer dans les pensées du personnage. «Gilbert alterne entre le style oral, qu’il utilise quand Mikael laisse parler sa conscience, ses pulsions ou ses instincts, et un ton plus littéraire et posé quand le personnage emprunte la philosophie des Krishnas. Chaque session, je fais lire à mes étudiants le premier livre de la trilogie, Hare Krisna, que je compare avec L’attrape-cœurs, le classique de Salinger. Ce sont deux livres extrêmement bien écrits qui permettent de faire des liens forts sur la quête d’un personnage.»
Marie Fradette donne le cours Littérature pour la jeunesse au Département de littérature, théâtre et cinéma. Ce cours, qui s’adresse aux étudiants du baccalauréat en enseignement au secondaire – français, permet à ces futurs enseignants d’être outillés en matière de littérature pour adolescents. «Le cours offre un survol de ce qui se fait dans ce domaine, autant dans la poésie et le roman que dans les adaptations théâtrales et cinématographiques. Mon but est qu’ils aient des pistes pour mieux intégrer la littérature dans leurs classes. Ils n’ont pas à aimer toutes les œuvres, mais au moins, ils vont les connaître.»