Ils ouvrent tout grands leurs yeux et leurs oreilles pour prévenir le suicide sur le campus. Les 300 membres du Réseau sentinelles de l'Université Laval écoutent sans jugement, détectent la souffrance et dirigent les personnes en détresse vers les bonnes ressources. Le recrutement de volontaires se poursuit auprès des employés alors que ce soutien offert aux étudiants s'étend maintenant aux collègues de travail.
«Depuis sa création en 2008, le Réseau a aidé plusieurs membres de la communauté étudiante. Son utilité n'est plus à prouver. Je suis rassurée de constater que les mailles du filet se resserrent un peu plus pour améliorer notre bien-être collectif», a fait savoir Cathia Bergeron, vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes, responsable de la santé, heureuse d'annoncer fin septembre l'élargissement du mandat des sentinelles auprès du personnel universitaire.
«Aider quelqu'un, qu'il soit étudiant ou employé, ça demeure un humain, l'approche est la même», indique Claudia Cantin, qui s'est jointe à Marie-Claude Bédard pour coordonner le Réseau. Les sentinelles sont outillées et reçoivent une formation de base de sept heures du Centre de prévention du suicide de Québec, qui se décline avec de petites spécificités selon la clientèle ciblée. Quoi dire, quoi ne pas dire, quoi faire devant une personne en détresse, vers qui la diriger au besoin?
— Claudia Cantin, coordonnatrice du Réseau sentinelles, volet employés
Un rôle de relais
«La formation permet d'avoir des balises, des références», poursuit Claudia Cantin. Elle compare le rôle de la sentinelle à celui des premiers secours. L'idée n'est jamais de se substituer aux psychologues, médecins ou travailleurs sociaux. Mais bien de servir de relais vers ces professionnels de la santé.
Le Réseau a aussi le souci de prendre soin de ses sentinelles. Annuellement, il y a des suivis de formation. La plateforme Teams est utilisée pour déposer documents, outils et aide-mémoire, et pour poser des questions. Les deux coordonnatrices s'emploient à offrir un soutien rapide aux sentinelles lorsqu'il y a une intervention ou lorsqu'elles ont des besoins pour elles-mêmes. «L'idée n'est pas de leur en donner plus à faire, au contraire, c'est souvent de les décharger, de leur dire qu'elles ne sont pas seules, c'est une grande chaîne», insiste Marie-Claude Bédard.
Elle explique que le recrutement se fait parmi les employés de l'Université, pour une raison de stabilité, les étudiants étant de passage. «C'est long, créer un réseau!»
L'Université, une référence
Tout remonte à 2008, alors qu'une douzaine de personnes travaillant à la Faculté de sciences et génie ont reçu la formation. Un projet pilote qui a fait des petits dans les autres facultés et services. «On était la première université québécoise à se doter d'un tel réseau», souligne Claudia Cantin. Si bien que l'Université Laval est devenue une référence en la matière parmi les établissements d'enseignement supérieur.
Le désir d'étendre l'offre à l'ensemble de la communauté universitaire s'est fait sentir au 10e anniversaire du Réseau, en 2018, indiquent les coordonnatrices. Le «volet employés» se concrétise depuis décembre 2021, alors qu'une quarantaine de volontaires ont reçu la formation et sont venus gonfler les rangs de sentinelles pour veiller sur leurs collègues. «On travaille fort pour le déployer encore plus», indique Claudia Cantin, en lançant l'invitation à toute personne intéressée.
La haute direction, dit-elle, est très sensibilisée à ce mouvement. «Le discours de début d'année était très axé sur la santé, autant psychologique, physique que le bien-être. On peut penser à tout ce qui est mis en place, comme Mon équilibre ULaval, qui fait beaucoup d'activités, de promotion» sur les saines habitudes de vie.
Discrétion et confidentialité
Les interventions du Réseau ont-elles augmenté ces dernières années, notamment en raison de la pandémie? Les coordonnatrices ne peuvent pas avancer de chiffres. «On a déjà demandé aux sentinelles de garder des traces, mais on ne le fait plus, répond Marie-Claude Bédard. Dans un premier temps, par souci de confidentialité et aussi parce que les chiffres ne seraient pas réels.»
Elle explique que les sentinelles n'ont pas toujours besoin de s'en remettre à un intervenant et que le Centre de prévention du suicide ne distingue pas l'origine des demandes dans son système et ne peut donc pas recenser celles provenant de l'Université.
Sur le terrain, les sentinelles sentent actuellement moins de demandes liées aux répercussions de la pandémie. Mais ça demeure très subjectif, indique Marie-Claude Bédard avec prudence.
«Tu m'as sauvé la vie!»
En situation d'aide, certaines sentinelles partagent leurs techniques de respiration. D'autres, par exemple impliquées auprès d'étudiants-athlètes, proposent de parler en joggant sur le campus.
Être sentinelle est un travail au quotidien, croit pour sa part Claudia Cantin. Ça commence dans les salutations qui font du bien le matin, jusqu'à assurer la sécurité d'une personne en vérifiant si elle a des idées suicidaires et en favorisant la demande d'aide.
«On m'a déjà dit: "Tu m'as sauvé la vie!" Ça n'arrive pas le lendemain des événements, mais six mois plus tard, un an plus tard. C'est du concret, c'est notre raison d'être sentinelle», dit celle qui travaille aussi comme conseillère-cadre en gestion des ressources humaines, volet gestion des invalidités et des réintégrations au travail.
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