
Le romancier, poète et travailleur social participait à une conférence le 19 septembre, à l'amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins. Pour ceux qui l'ont manqué, il refoulera la même scène le 27 septembre, à midi.
Lire, écrire. Écrire, lire. Pour David Goudreault, il s'agit de vases communicants. «Je ne crois pas qu'on puisse bien écrire si on ne lit pas beaucoup. Je crois que tous les écrivains, les écrivaines sont la somme de tout ce qui sera tombé sous leur regard en cours de route.»
Le romancier, poète et travailleur social participait à une conférence intitulée «Je lis pourquoi», le 19 septembre, à l'amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins. Pour ceux qui l'ont manqué, il refoulera la même scène le 27 septembre, à midi, une invitation du Département de littérature, théâtre et cinéma, en partenariat avec le Salon international du livre de Québec et le Secrétariat à la jeunesse.
Généreux devant l'intimité de la salle, le jongleur de mots a partagé avec contagion son amour pour la langue et la littérature, celle qui l'a sauvé de la délinquance, des «fieffés coquins» avec qui il se tenait et des 185 heures de travaux communautaires qu'il a écopé à une époque (vous aurez droit aux détails de la condamnation débités en accéléré). En plus d'être intelligent, humain et touchant, le propos est parfois cru, souvent très drôle.
Le pouvoir de 26 lettres
David Goudreault s'étonne de tout ce que l'on peut faire «avec seulement 26 symboles: réussir à transmettre des idées complexes, des concepts abstraits, faire vivre des émotions chez l'autre, influencer parfois la vie d'une personne à travers un paquet de pages». Il parle de la puissance des mots et du pouvoir de la fiction. Même en sachant que ça n'existe pas, la magie opère.
«Il y a quelque chose qui transforme les gens qui lisent beaucoup et qui, je crois, nous permet d'appréhender la vie et la réalité autrement, avec une capacité accrue dans la curiosité et dans la capacité à se mettre à la place de l'autre», dit-il, alors que des études ont prouvé ces dernières années que la littérature permet de développer l'empathie.
— David Goudreault
Insatiable lecteur
L'«ivresse de la lecture», David Goudreault l'a connue à l'adolescence avec la collection Frissons. Il a lu un premier livre... puis un deuxième et un troisième, alors qu'il avait trop peur pour s'endormir. «J'ai découvert la capacité de me concentrer et de lire longtemps et ça, je trouve que c'est quelque chose qui n'est pas mis de l'avant en ce moment et qui est magnifique.»
Grand lecteur devant l'éternel, il parsème sa conférence d'extraits, de citations, de clins d'œil aux auteurs vivants, surtout morts (il a un faible pour les morts, sachant exactement ce qu'il lui reste à lire!). Il faut l'entendre parler de la guéguerre entre Voltaire et Rousseau, de la «vie de marde» de Dostoïevski, Fiodor de son petit nom, qui a ruiné sa famille pour jouer à la roulette et que l'ancien toxicomane en lui aurait eu envie de prendre dans ses bras.
Parmi ses suggestions de lecture, pour ceux qui s'intéressent aux biographies, il recommande Les passions intellectuelles d'Elisabeth Badinter, qui porte sur les savants et philosophes des Lumières. «Tu vois à quel point ils étaient humains dans tout ce que ça a de magnifique, et en même temps de bas!»
Trash, triste, mais drôle
D'aussi loin qu'il se souvienne, à sept ou huit ans, David Goudreault voulait être écrivain. Il a mis un certain temps à trouver sa voix/voie, tâtant aussi le slam et la poésie. «Je me disais: "Qu'est-ce que j'ai à dire? C'est quoi, moi, l'originalité de ma plume? C'est quoi l'histoire qui va être différente, le style ou le ton?"»
Il a trouvé l'inspiration dans sa carrière de travailleur social, qui a duré 12 ans. «Dans mon travail comme intervenant, particulièrement au centre d'aide auprès de victimes d'actes criminels, je me retrouvais dans des situations qui étaient trash, tristes, mais tellement drôles. Je me disais: "Je ne retrouve pas ce ton-là, ces criminels-là complètement dangereux et épais, cette façon de penser, en littérature".»
L'univers de La Bête (La Bête à sa mère, La Bête et sa cage et Abattre la bête), ce jeune narrateur dont la «mère se suicidait souvent», s'est collé à lui à travers sa vie professionnelle. Et l'a fait connaître par-delà nos frontières. En novembre, il publiera Maple, un «polar trashicomique» dans la même lignée. «Ça va faire mal», prévient l'auteur d'emblée.
Pourquoi écrire? Il cite Michel Houellebecq: «Je lis pour éprouver du plaisir, j'écris pour en donner.»
David Goudreault lit encore par plaisir. «Et quand j'écris, c'est pour opérer cette magie qui fonctionne sur moi, depuis mon plus jeune âge.» Un art auquel il veut se consacrer d'abord et avant tout. «La TV, j'aime beaucoup moins, je vais arrêter ça», glisse-t-il au passage.
«Écoutez cet appel du cœur»
N'empêche, il dépeint le parcours du combattant des écrivains. Et lève son chapeau à toutes les personnes qui pianotent une première histoire, terrées dans leur sous-sol, sans connaître la suite. «Surtout quand on sait que les éditeurs vont publier moins de 4% des manuscrits reçus.»
David Goudreault mentionne le pilonnage des livres non vendus, littéralement percés par une machine. Ou l'humiliation de racheter les copies restantes, qu'on distribuera à Noël sous le sapin.
Si vivre de sa plume est un véritable défi (il parle d'environ 6000$ pour un bestseller au Québec) et demande souvent de diversifier sa pratique, il croit que le désir d'écrire ne devrait jamais être étouffé. «Écoutez cet appel du cœur si vous l'avez.»
En marge de la conférence, il confiera: «Je suis à ce moment-là de ma carrière où mon grand plaisir est d'aider des nouvelles voix à émerger, particulièrement Geneviève Rioux [survivante d'un féminicide qui a signé Survivaces], et même Michael Angel, un jeune de 12 ans qui a publié son premier recueil de poésie, un jeune qui a des troubles d'apprentissage. C'est incroyable, lui qui ne voulait rien savoir de la poésie quand je suis arrivé dans sa classe!»
Le travailleur social n'est jamais bien loin. Et l'auteur passe son histoire d'amour au suivant.