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Le protocole de triage préhospitalier des victimes de traumatisme utilisé au Québec ne détecte correctement que 57% des personnes qui devraient être transportées rapidement vers un centre de traumatologie. Et ce sont principalement les personnes âgées qui passent sous le radar de cet outil, rapporte une équipe de recherche de l'Université Laval dans une étude publiée par le Journal of Surgical Research.
Ces chercheurs, rattachés à Vitam – Centre de recherche en santé durable et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, arrivent à ces constats après avoir étudié les cas de 822 patients transportés dans une urgence de la région de Québec entre novembre 2016 et mars 2017. Ces personnes avaient subi un traumatisme, le plus souvent à la suite d'une chute (65% des cas) ou d'un accident impliquant un véhicule à moteur (22% des cas). Les deux tiers de ces personnes avaient 55 ans ou plus.
Au Québec, lorsque les techniciens ambulanciers paramédics arrivent sur les lieux d'un accident, ils évaluent l'état de la victime à l'aide de l'Échelle québécoise de triage préhospitalier en traumatologie, rappelle le responsable de l'étude, Éric Mercier, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et urgentologue et chef d'équipe en traumatologie à l'hôpital de l'Enfant-Jésus du CHU de Québec.
Utilisé depuis 2016, cet outil d'évaluation comprend cinq catégories de critères reposant sur les signes vitaux de la personne blessée, sur la nature de ses blessures, sur la hauteur de la chute ou la vitesse au moment de l'impact ainsi que sur certaines caractéristiques de la personne (par exemple, son âge, la prise de médicaments prévenant la coagulation ou une grossesse de 20 semaines ou plus). Si l'un des critères est observé, les techniciens ambulanciers paramédics transportent la personne blessée vers l'urgence d'un centre de traumatologie. Sinon, ils la conduisent à l'urgence d'un hôpital. En vertu de ce protocole de triage, 43% des 822 personnes blessées ont été transportées vers l'urgence d'un centre de traumatologie et les autres vers l'urgence d'un hôpital.
— Éric Mercier, au sujet du triage préhospitalier des victimes d'accidents
En consultant les dossiers des 822 sujets, les chercheurs ont constaté que 9% d'entre eux avaient reçu des soins spécialisés en traumatologie (par exemple, une intubation endotrachéale ou une intervention chirurgicale urgente) suggérant que leur condition prescrivait qu'ils soient traités dans un centre de traumatologie. «L'Échelle québécoise de triage préhospitalier permet d'identifier correctement 57% des patients qui auraient dû être transportés dans un centre de traumatologie. Ce pourcentage diminue avec l'âge et il n'est que de 30% chez les 75 ans et plus. La sensibilité de cet outil est insuffisante», estime le professeur Mercier.
L'Échelle de triage préhospitalier utilisée au Québec est une variante d'un outil conçu aux États-Unis il y a plusieurs années, précise-t-il. «Cet outil avait été pensé en fonction de jeunes qui étaient en bonne santé avant leur accident. Le profil des personnes traitées en traumatologie a changé au cours des dernières années. Il y a moins d'accidentés de la route et davantage de personnes âgées qui font des chutes, souvent de leur hauteur ou moins. Ces personnes sont plus fragiles, elles ont souvent plusieurs problèmes de santé pour lesquels elles prennent des médicaments et il est plus difficile de bien évaluer leur état.»
— Éric Mercier, au sujet de la meilleure trajectoire de soins pour les personnes âgées victimes de chute
Le défi du triage préhospitalier est de diriger les patients vers les services de soins dont ils ont besoin, rappelle Éric Mercier. «Si on transporte tous les cas vers les centres de traumatologie, ils seront rapidement débordés. Par contre, on ne veut pas qu'un patient dont l'état nécessite des soins spécialisés et urgents attende des heures à l'urgence. Nos travaux actuels visent à mieux caractériser les besoins en soins des patients âgés qui font des chutes de leur hauteur afin de choisir la meilleure trajectoire de soins dans chaque cas. Il se peut que dans les cas moins graves, la meilleure solution soit des soins à domicile. Nous menons d'ailleurs un projet pilote qui teste cette idée et les résultats que nous avons obtenus jusqu'à présent sont très encourageants.»
Les auteurs de l'étude parue dans le Journal of Surgical Research sont Pascale Coulombe, Pier-Alexandre Tardif, Alexandra Nadeau, Roxane Beaumont-Boileau, Christian Malo, Marcel Émond, Pierre-Gilles Blanchard, Lynne Moore et Éric Mercier.