Les longs déplacements, le décalage horaire et la fatigue qui s'ensuit peuvent-ils influencer les performances des équipes sportives professionnelles qui jouent deux parties en deux soirs? Difficile à démontrer hors de tout doute raisonnable, mais une étude qui vient de paraître dans le Journal of Clinical Sleep Medicine rapporte que, dans la National Basketball Association (NBA), la probabilité de remporter une partie à la maison après avoir disputé une partie à l'étranger la veille diminue en fonction de la distance parcourue.
C'est ce qu'ont constaté des chercheurs de l'Université de Calgary et de l'Université Laval après avoir analysé les performances des équipes de la NBA entre 2013 et 2020. À l'aide des statistiques compilées par la ligue, les chercheurs ont repéré 3005 parties disputées en deux jours dans deux villes différentes. Ces données leur ont permis d'explorer l'effet potentiel de la fatigue causée par les déplacements et le décalage horaire sur les performances des équipes.
Leurs analyses révèlent que la distance entre les deux villes a un effet, mais uniquement pour les séquences dont la première partie est disputée à l'étranger et la deuxième à la maison. En pareilles situations, la probabilité de remporter la deuxième partie diminue de 4% pour chaque tranche de 500 kilomètres parcourus. Selon les calculs des chercheurs, la qualité des équipes en présence explique une faible partie de l'effet observé.
Pourquoi cet effet de fatigue est-il présent lors d'un retour à la maison et pas lorsqu'une équipe dispute ses deux parties en deux soirs à l'étranger ou lorsqu'elle dispute la deuxième partie à l'étranger après avoir joué une partie à la maison? «Une hypothèse est que les joueurs veulent revenir dormir à la maison plutôt que de passer une nuit à l'hôtel. Ils voyagent donc le soir du premier match, quitte à mal dormir et à en ressentir les effets le lendemain», avance le premier auteur de l'étude, Jonathan Charest, professeur associé à l'École de psychologie de l'Université Laval.
Les chercheurs ont aussi observé que les équipes qui voyagent vers l'est ont un avantage sur celles qui voyagent vers l'ouest. «Leur pourcentage de victoire est de 45% alors qu'il est de 41% pour celles qui voyagent vers l'ouest, souligne le professeur Charest. Le pic de la performance humaine survient entre 17h et 18h. Pour une équipe de l'est qui commence une partie à 20h dans une ville située sur la côte du Pacifique, ce pic est passé depuis quelques heures. Ce n'est pas le cas pour les équipes de l'ouest qui jouent dans l'est.»
Dans une saison typique, les déplacements des équipes de la NBA représentent, en moyenne, 76 000 kilomètres, et d'importants écarts existent entre les équipes. En 2018-2019, par exemple, l'équipe de Portland était la championne des déplacements avec 87 000 kilomètres, alors que Cleveland venait au dernier rang avec 57 000 kilomètres. Depuis 2015, les séquences de deux parties en deux soirs dans deux villes ont été réduites dans la NBA, mais elles représentent encore 15% du calendrier.
— Jonathan Charest
Est-ce que tout cela peut influencer l'issue d'une saison? «L'effet peut être majeur, estime Jonathan Charest. Le temps passé dans l'avion n'est pas utilisé pour dormir, et quand il l'est, le sommeil est de moins bonne qualité. Pour des déplacements de quelques centaines de kilomètres, ce n'est pas très grave, mais c'est différent pour les longs voyages. Il y a un déficit de sommeil et des perturbations du rythme circadien. Pour ces athlètes, le sommeil est aussi important que la nutrition. Les équipes ont des nutritionnistes dans leur personnel. Elles devraient aussi avoir des spécialistes du sommeil», conclut-il.
Les autres auteurs de l'étude parue dans le Journal of Clinical Sleep Medicine sont Célyne Bastien, de l'École de psychologie de l'Université Laval et du Centre de recherche CERVO, Charles Samuels, de l'Université de Calgary, Doug Lawson, du Centre for Sleep & Human Performance de Calgary, et Michael Grandner, de l'University of Arizona College of Medicine.