
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, sur les marches de l'Hôtel de Ville, au lendemain de sa victoire historique du 5 novembre 2017. Selon Guylaine Martel, les électeurs d'aujourd'hui recherchent de l'authenticité et de la proximité de la part des politiciens.
— Paul Chiasson / La Presse Canadienne
«Mal aimés, malmenés, mal cités, critiqués, moqués, soupçonnés, diffamés, contestés, les politiciens sont quelquefois appréciés», affirme Guylaine Martel, professeure au Département d'information et de communication, dans l'introduction de son essai Incarner la politique. «C'est que, poursuit-elle, autant le public se désintéresse de la politique, autant il ressent de l'attrait pour ceux et celles qui la font.»
Le livre Incarner la politique a été publié en 2018 aux Presses de l'Université Laval. En avril 2019, l'ouvrage de 178 pages était finaliste aux Prix du livre politique de l'Assemblée nationale du Québec.
Dans son essai, la professeure met en lumière le contexte de la médiatisation des politiciennes et politiciens et les conséquences qui en découlent. «C'est terrible ce qu'on leur demande», dit-elle. En effet, la femme et l'homme politique doivent avoir de la repartie et de l'éloquence. Ils doivent être à l'aise tant en entrevue traditionnelle que dans une émission-débat. Ils doivent savoir débattre et convaincre, raconter et faire rire. Ils doivent projeter une image sympathique et compatissante. «On ne peut plus imaginer le chef d'un parti politique, explique-t-elle, encore moins un premier ministre, sans des compétences certaines en communication.»
Dans la construction de son image, un politicien développe une relation d'interdépendance avec les médias. Selon Guylaine Martel, les perceptions qu'a le public du monde politique sont conditionnées en grande partie par le choix des images qu'on lui présente, leur fréquence et leur traitement. Doit-on privilégier les images de la vie publique ou de la vie privée de tel ou de tel politicien? Doit-on sous-représenter les uns et surexposer les autres? Et quel traitement leur accorde-t-on? Neutre ou stéréotypé?
Et les médias sociaux? Quel rôle jouent-ils dans l'équation? «Les médias sociaux sont les outils de surveillance par excellence, répond la professeure dans son livre. L'analyse de leur contenu montre que les usagers de ces médias s'intéressent davantage à l'image des personnalités politiques, c'est-à-dire à leur intégrité et à leur honnêteté, qu'au contenu de leurs messages. Ils s'attachent bien davantage encore à les critiquer qu'à les complimenter. Les médias sociaux, comme les médias traditionnels, font peser une forte pression sur les politiciens.»
Le contenu de l'essai Incarner la politique s'appuie sur l'analyse de près de 500 heures d'enregistrement sur 20 ans, extraites d'émissions diffusées à la télévision québécoise de langue française. Les émissions analysées comprennent tous les Débats des chefs, des téléjournaux, des séances des conseils municipaux de Québec et de Montréal, ainsi qu'une soixantaine d'entrevues télévisées, des conférences de presse, des publicités et des productions spéciales.
Le livre rend compte de la diversité des modèles actuels de politiciens et de politiciennes au Québec. La page couverture du livre donne le ton. Une photo de La Presse Canadienne montre la mairesse de la ville de Montréal en 2017. Nouvellement élue, elle se tient au milieu d'une mêlée de presse sur les marches de l'Hôtel de Ville. L'heure est visiblement à la joie, Valérie Plante riant à gorge déployée, tout comme certains conseillers et journalistes qui l'entourent.
«Cette photo est l'incarnation par excellence des nouveaux politiciens, soutient Guylaine Martel. L'électeur d'aujourd'hui veut de l'authenticité et de la proximité de la part des politiciens.»
Selon elle, l'électeur aurait interprété le sourire de Valérie Plante, pendant sa campagne électorale, comme une marque forte d'authenticité, l'amenant à croire à sa sincérité. Il se serait identifié à cette «citoyenne ordinaire» véhiculant un modèle de leadership plus inclusif et plus égalitaire, moins autoritaire ou arrogant.
«Le premier ministre fédéral Justin Trudeau est comme Valérie Plante, dans une certaine mesure, poursuit-elle. Le maire de Québec Régis Labeaume, en fonction depuis 2007, était aussi un symbole de changement. La campagne électorale québécoise de 2018 a confirmé que le changement se préparait. L'élection d'un gouvernement caquiste majoritaire a montré que les électeurs ne voulaient plus des vieux partis qui ne reflétaient plus les attentes de la population.»
Cette campagne électorale a mis en scène de nombreuses candidates. Cinquante-deux d'entre elles ont été élues. Elles représentent 41,6% de la députation de l'Assemblée nationale. Guylaine Martel identifie trois causes à ce résultat. D'abord, l'élection de Valérie Plante. Ensuite, les co-porte-parole du parti Québec solidaire, Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois, manifestent le refus d'un leadership traditionnel. Enfin, le mouvement #MeToo qui, à partir de 2017, a donné aux femmes une puissante impulsion dans l'espace public.
«Ces phénomènes réunis attirent, comme jamais auparavant, les femmes dans la carrière politique», souligne la professeure.