L'ouvrage réunit les textes de plusieurs spécialistes des médias, dont Jean-Marc Fleury et Guillaume Latzko-Toth, professeurs au Département d'information et de communication, John R. MacArthur, président de Harper's Magazine, et Jeff Yates, journaliste à Radio-Canada. On y trouve aussi un entretien avec Craig Silverman, pionnier de l'enquête journalistique sur la désinformation en ligne.
Il y a toujours eu des fausses nouvelles, rappelle le professeur émérite Florian Sauvageau, qui a codirigé ce projet. «Le phénomène n'est pas nouveau. Avec les technologies et les réseaux sociaux, il prend toutefois une autre dimension. Le problème n'est pas uniquement la fausseté des nouvelles comme telle, mais leur viralité et le fait qu'elles atteignent tant de gens aussi rapidement.»
Des exemples qui en disent long: depuis son arrivée à la Maison-Blanche, le président américain prononcerait plus de sept fake news par jour, selon le Washington Post. Du 1er au 11 novembre 2016, soit les jours précédant les élections présidentielles, les nouvelles bidon diffusées sur Twitter ont surclassé celles produites par des médias professionnels. Le Québec n'est pas en reste. D'ailleurs, l'un des plus importants sites de fausses nouvelles au monde, le World News Daily Report, est une création d'ici. On peut aussi penser à Mondialisation.ca, à Globalresearch.ca et au Journal de Mourréal, parodie du quotidien montréalais.
Pour Florian Sauvageau, le fait de partager des inexactitudes sur les réseaux sociaux, peu importe la raison, contribue à amplifier l'épidémie. «Il arrive que des gens partagent du contenu pour montrer que la nouvelle est fausse. D'autres le font pour s'amuser. L'une des nouvelles ayant eu le plus de succès sur le site World News Daily Report portait sur Yoko Ono qui avoue avoir entretenu une relation homosexuelle avec Hillary Clinton. Il y a probablement plein de gens qui ont retransmis cette nouvelle pour s'amuser. Le partage de ce type de contenu contribue à la confusion qui existe déjà entre l'information et le divertissement.»
Le livre Les fausses nouvelles: nouveaux visages, nouveaux défis invite à réfléchir sur plusieurs questions. Comment peut-on s'assurer de la véracité de ce que l'on voit passer sur notre fil d'actualités? Les journalistes doivent-ils repenser leur rôle? Peut-on faire confiance à Facebook qui dit multiplier les efforts pour débusquer les faussetés sur sa plateforme? Faut-il souhaiter l'intervention de l'État?
Pour Florian Sauvageau, il n'existe pas de solution miracle. «Je n'aime pas beaucoup l'approche législative, bien qu'il existe des initiatives intéressantes. Les Allemands, par exemple, ont légiféré pour créer une procédure de retrait des nouvelles qui vont à l'encontre d'une loi sur les réseaux sociaux. Cependant, il faut être prudent avec l'approche législative. Qui va décider qu'une nouvelle est fausse et sur quels critères se baser pour exiger son retrait?», se questionne-t-il.
Plutôt que de recourir à l'État, il faudrait sensibiliser les internautes, suggère le chercheur. «L'approche la plus intéressante, même si elle ne donnera pas de résultats immédiats, est de faire en sorte que les programmes sur les médias dans les écoles soient étendus aux réseaux sociaux. Aussi, il faut donner au citoyen des outils pour qu'il puisse lui-même déceler le vrai du faux. Les gens doivent apprendre à décoder la source de l'information pour en évaluer la véracité et l'importance», conclut‑il.