
Les niveaux d'exposition mesurés chez les futures mamans canadiennes qui consomment de l'eau fluorée sont comparables à ceux rapportés dans des études qui ont établi un lien entre la consommation de fluorure et certains problèmes de développement cognitif des enfants.
L'équipe de recherche, dont font partie Pierre Ayotte, de la Faculté de médecine, et Gina Muckle, de l'École de psychologie, tous deux rattachés au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, a analysé des échantillons d'urine fournis par 1 566 femmes enceintes. Les participantes vivaient dans 10 villes canadiennes, dont 7 ajoutaient du fluorure dans leur eau potable. «La concentration de fluorure dans l'urine constitue un biomarqueur fiable de l'exposition à ce composé», précise Pierre Ayotte.
Les analyses révèlent un taux moyen de fluorure de 0,46 mg/l dans les villes où il n'y a pas fluoration de l'eau contre 0,87 mg/l dans les villes qui ont recours à cette pratique. «Cette valeur est comparable à celles rapportées dans deux études récentes qui ont établi une association entre les concentrations urinaires de fluorure chez les femmes enceintes et une réduction du quotient intellectuel chez les enfants ou une augmentation des symptômes du trouble de déficit de l'attention», souligne le professeur Ayotte.
Dans les villes qui ajoutent du fluorure à leur eau, la consommation d'eau potable représente 75% de l'ingestion quotidienne de ce composé. La deuxième source en importance est le thé noir. «Les feuilles de cette plante sont particulièrement riches en fluorure. En Irlande, où la consommation de thé est parmi les plus élevées au monde, les adultes et les enfants dépassent souvent l'apport quotidien acceptable pour ce composé», rappelle Pierre Ayotte.
Le fluorure traverse facilement le placenta et des études menées chez des animaux montrent que ce composé s'accumule dans des régions du cerveau qui sont critiques pour l'apprentissage et pour la mémoire. «Nous avons suivi les enfants des femmes qui ont participé à la première partie de l'étude et nous devrions bientôt savoir si l'exposition prénatale au fluorure a eu des répercussions sur leur développement cognitif», souligne le professeur Ayotte.
D'ici là, par mesure de précaution, les femmes enceintes devraient diminuer leur consommation de thé noir, suggère-t-il. Le chercheur ne veut pas faire de recommandations touchant la consommation d'eau du robinet ou sa substitution par de l'eau embouteillée, mais il croit que les municipalités doivent se questionner sur la fluoration de l'eau. «Cette pratique avait sa raison d'être lorsqu'elle a été introduite pour lutter contre la carie dentaire dans les années 1950, mais la situation a changé depuis. De nombreuses municipalités ont d'ailleurs cessé d'ajouter du fluorure à leur eau.»
En Amérique du Nord, 75% de la population desservie par un réseau d'eau potable consomme de l'eau fluorée contre à peine 3% en Europe. Au Canada et au Québec, cette proportion est respectivement de 33% et de 5%.

Le thé noir vient au deuxième rang des sources de fluorure ingéré par les femmes enceintes. Les futures mamans auraient donc intérêt à modérer leur consommation de cette boisson.