Pour vivre l'expérience, d'une durée de huit minutes, le visiteur doit s'asseoir dans l'une des cellules, enfiler un casque d'écoute et suivre les instructions à l'écran. Il peut alors entendre la voix d'un comédien qui incarne Jules Fournier et se plonger dans l'univers carcéral de l'époque grâce aux effets sonores diffusés en 360 degrés. Entre les grincements de portes et le son des coquerelles et des rats qui peuplent la cellule, l'effet est pour le moins saisissant!
Souvenirs de prison est un projet issu de l'Alliance culture+numérique, une association lancée par l'Université Laval qui réunit des organismes et des entreprises intéressés à développer des initiatives liant culture, numérique et science. C'est Anne-Josée Lacombe, responsable de la médiation numérique au MNBAQ, qui a fait appel au professeur Livernois, spécialiste de l'histoire de la littérature, pour s'assurer que le contenu de la narration soit conforme à la pensée du journaliste. «Le texte original de Fournier est une plaquette d'une soixantaine de pages. Anne-Josée voulait écourter le récit tout en respectant le style de l'auteur et en s'assurant qu'il n'y ait pas d'anachronisme ou d'erreur par rapport à l'époque», explique Jonathan Livernois.
Paru en 1910, ce texte de Jules Fournier est un chef-d'œuvre d'humour. Caustique et un brin provocateur, le journaliste y raconte son séjour carcéral, disséminant ici et là de savoureux commentaires sur l'alimentation et l'hygiène. Il blague, entre autres, sur le repas offert chaque jour aux détenus: du skelley, un gruau qu'il décrit comme «une espèce de moulée opaque ayant à peu près la consistance et la saveur de la colle forte diluée». Quant à son geôlier, il le compare à un gouverneur, «immobile et rigide comme la statue du Commandeur». Au sujet des coquerelles, avec lesquelles il a appris à cohabiter: «Matin, midi et soir, je ne guettais qu'elles dans l'établissement. Le soir, en particulier, c'était avec un intérêt toujours nouveau que je les voyais former leurs imposantes cohortes, pour monter, en rangs épais, à l'assaut des fromages épars en nos tiroirs. Touchante image de nos députés aux deux parlements!»
Bien au fait des écrits de celui qui fut journaliste pour La Presse, Le Canada, La Patrie et Le Devoir, entre autres, Jonathan Livernois a pris un malin plaisir à se replonger dans ce texte. «Fournier est un personnage très intéressant. On l'associe souvent à des journalistes pamphlétaires comme Olivar Asselin et Arthur Buies, qui n'hésitaient pas à critiquer le système. Dans son texte, il fait de l'humour typique de sa manière d'exprimer des idées. C'est très amusant de le lire!»
À l'image de Souvenirs de prison, le professeur voit un énorme potentiel de collaboration entre les chercheurs de l'Université Laval et le MNBAQ. Il caresse le rêve de créer un autre projet de médiation qui tournerait cette fois autour de la collection Maurice-Duplessis. De fait, le Musée a fait l'acquisition en 1959 de plusieurs œuvres d'art ayant appartenu au politicien. «Bientôt, nous célébrerons le 60e anniversaire de l'acquisition de cette collection. Duplessis était un grand collectionneur d'art. À sa mort, sa famille a légué au MNBAQ une importante collection, dont plusieurs toiles de Krieghoff. Il serait intéressant de montrer comment l'acquisition s'est faite et quels sont les liens qui unissent certaines œuvres à la pensée de Duplessis.»
L'expérience Souvenirs de prison est offerte en continu au 2e étage du pavillon Charles-Baillairgé du MNBAQ. Plus d'information sur l'Alliance culture+numérique