
— Joël Crépeau
Le 1er mai, Yves De Koninck, de la Faculté de médecine, Daniel Côté, Younès Messaddeq, Michel Piché et Réal Vallée, du Département de physique, de génie physique et d'optique, et Benoît Gosselin, du Département de génie électrique et de génie informatique, se sont rendus à Rideau Hall, à Ottawa, pour recevoir le prix Brockhouse des mains de la gouverneure générale du Canada, Julie Payette. Ce prix s'accompagne d'une bourse de 250 000$ que les lauréats doivent utiliser pour financer des travaux de recherche.
Le rapprochement entre le COPL et le Centre CERVO a commencé il y a maintenant 16 ans grâce à un programme de formation financé par les Instituts de recherche en santé du Canada. L'objectif de ce programme était de permettre aux étudiants en sciences et en génie de mieux saisir les enjeux des neurosciences et de les inciter à entreprendre des travaux de maîtrise ou de doctorat visant le développement d'outils photoniques pour percer les mystères du cerveau. «Yves De Koninck et moi avons codirigé le premier étudiant à faire le pont entre les deux centres, Yoan LeChasseur», se souvient le directeur du COPL, Réal Vallée. Cette première collaboration allait conduire au développement d'une microsonde optique et électrique permettant d'étudier in vivo des neurones individuels du cerveau, à une publication dans Nature Methods et à une commercialisation de cette sonde par l'entreprise Doric Lenses de Québec. Le ton était donné.
En 2005, une subvention FCI – gouvernement du Québec de 15 M$ permettait de créer le Centre de neurophotonique, où ont été regroupés les équipes des deux centres de recherche associées à des projets alliant optique-photonique et neurosciences ainsi que le matériel nécessaire à leurs travaux. En 2008, à la suite de démarches supervisées par Paul De Koninck, du Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique, l'Université Laval créait les premiers programmes de maîtrise et de doctorat en biophotonique en Amérique du Nord.
L'expertise développée au fil des ans dans ce domaine a conduit à l'obtention, en 2015, de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur la neurophotonique, dotée d'un budget de 27 M$, dont le titulaire est Pierre Marquet, de la Faculté de médecine. La même année, une subvention FCI – gouvernement du Québec totalisant 30 M$ permettait la rénovation et l'agrandissement du Centre CERVO et l'achat d'équipement spécialisé utilisé pour les travaux en neurophotonique.
Le mariage COPL-CERVO, auquel participent 17 professeurs, a de nombreuses réalisations à son actif. En 16 ans, on lui doit la formation de plus d'une centaine d'étudiants-chercheurs, le dépôt d'une vingtaine de brevets et la création de six entreprises dérivées en neurophotonique. «Les principales retombées de notre collaboration résident dans la formation d'une nouvelle génération de chercheurs aux frontières de la physique et des neurosciences et dans l'innovation générée à cette interface, estime le directeur du Centre CERVO, Yves De Koninck. De plus, l'économie de la région de Québec profite du fait que des compagnies existantes ou des spin-offs commercialisent ces nouvelles technologies. Beaucoup de nos étudiants ont obtenu des postes dans des entreprises de la région. Je pense, par exemple, à 5 doctorants qui sont maintenant à l'Institut national d'optique et à 5 ou 6 anciens étudiants-chercheurs qui sont chez Doric Lenses. Ils ont été engagés spécifiquement en raison de leur double formation en photonique et en neurosciences.»
La philosophie de décloisonnement qui a favorisé le développement de la neurophotonique a eu des retombées ailleurs à l'Université, estime le professeur De Koninck. «Cette même approche a été appliquée à la stratégie Sentinelle Nord, un projet qui a permis à l'Université Laval d'obtenir une subvention de 98 M$ en 2015. Les collaborations transdisciplinaires entre chercheurs ont explosé à l'Université au cours des dernières années.»
À première vue, la dynamique de couple entre les chercheurs du Centre CERVO et ceux du COPL semble asymétrique. S'il ne fait pas de doute que le développement de nouveaux outils pour explorer le cerveau est une bénédiction pour les neurobiologistes, les avantages qu'en retirent les physiciens sont moins clairs. «La beauté de l'optique-photonique est qu'elle trouve des applications dans plusieurs domaines scientifiques, fait valoir Réal Vallée. Il est très valorisant de constater que les technologies que nous développons servent à mieux comprendre le cerveau. Il est aussi très gratifiant de penser que, éventuellement, elles pourraient servir à mieux soigner les personnes souffrant de certaines maladies. Notre récompense est là et c'est ce qui fait que ce partenariat est gagnant-gagnant.»

Photo : Martin Lipman / CRSNG