Rappelons qu'à l'été 2015, l'Université Laval a décroché une subvention de 98 M$, la plus importante de son histoire, pour sa stratégie Sentinelle Nord. Financé par le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada du gouvernement fédéral, ce projet oriente les forces de l'Université Laval en recherche nordique et en optique et photonique vers des objectifs communs: le développement de nouvelles technologies et leur utilisation pour améliorer la compréhension de l'environnement nordique et de ses répercussions sur l'être humain et sa santé. En mars dernier, au terme du premier appel de projets, 21 équipes regroupant 137 professeurs de 7 facultés, 31 départements et 30 centres de recherche de l'Université Laval recevaient du financement de Sentinelle Nord pour réaliser des projets marqués du sceau de la transdisciplinarité.
C'est le cas du projet d'écopuce piloté par Jacques Corbeil, de la Faculté de médecine, auquel collaborent les équipes de 9 autres chercheurs de trois facultés: Michel Allard, Thierry Badard, Alexander Culley, Benoit Gosselin, François Laviolette, Younès Messaddeq, Sylvain Moineau, Dave Richard et Normand Voyer. Ces chercheurs de différents horizons ont uni leurs forces pour étudier les microorganismes vivant dans les sols des écosystèmes nordiques. Leurs objectifs: d'une part, découvrir comment les conditions environnementales affectent ces espèces pour éventuellement déterminer celles qui peuvent servir de marqueurs de la santé des écosystèmes nordiques; d'autre part, faire de la bioprospection de molécules d'intérêt pharmaceutique ou industriel synthétisées par ces microorganismes.
«La plupart des espèces microbiennes des écosystèmes nordiques n'ont pas encore été décrites, a rappelé Jacques Corbeil lors de la réunion annuelle de Sentinelle Nord. L'une des raisons de cette méconnaissance est qu'elles sont difficiles à cultiver en laboratoire parce qu'il manque des éléments essentiels à leur croissance dans le milieu de culture.» Pour contourner ce problème, les chercheurs ont entrepris le développement d'un mini laboratoire de terrain appelé EcoChip. Cette écopuce permet de cultiver des espèces microbiennes, individuellement ou par groupe de deux, directement dans le milieu où elles vivent. De plus, cet outil est muni de capteurs permettant de mesurer en temps réel des conditions environnementales telles que la luminosité, la température et l'humidité. «Les microorganismes sont plus sensibles que les organismes complexes aux variations des conditions environnementales, souligne le chercheur. Nous voulons les utiliser comme sentinelles pour évaluer l'état de santé des écosystèmes nordiques. De plus, lorsque nous allons procéder aux analyses génomiques des espèces cultivées sur l'EcoChip, nous allons être à l'affût de séquences indiquant la présence de molécules d'intérêt pour le développement de nouveaux médicaments ou l'amélioration de procédés industriels.»
Le travail a commencé il y a quelques mois à peine et déjà un premier prototype a été testé sur le terrain au mois d'août à Whapmagoostui-Kuujjuarapik. La vitesse des travaux s'explique par le fait que le professeur Corbeil réfléchissait depuis un bon moment au développement d'un tel outil et que Sentinelle Nord a permis de catalyser les expertises nécessaires à sa concrétisation. Six étudiants-chercheurs font partie de l'équipe de l'EcoChip. «Pour ces étudiants, il s'agit d'une belle expérience de recherche collaborative. C'est très motivant parce qu'ils participent véritablement au développement d'un produit qui améliorera notre compréhension de l'environnement nordique et qui pourrait avoir un effet sur la santé humaine et le développement technologique», conclut le directeur du projet, Jacques Corbeil.
Au cours des derniers mois, quelque 110 étudiants-chercheurs et stagiaires postdoctoraux se sont joints à des équipes mises sur pied par l'entremise de la stratégie Sentinelle Nord. Des places sont encore disponibles et les étudiants intéressés peuvent consulter en ligne la liste des projets.
L'EcoChip est une plaquette contenant 96 puits dans lesquels des microorganismes peuvent être cultivés dans leur milieu naturel. Les chercheurs espèrent ainsi repérer les espèces les plus sensibles aux changements environnementaux et celles qui produisent des molécules présentant un intérêt sur le plan pharmaceutique ou technologique. Un prototype de l'écopuce a été testé sur le terrain en août à Whapmagoostui-Kuujjuarapik.
Photo: Félix Faucher