
Presque tous les médecins qui ont participé à l'étude reconnaissent que le profil génétique d'un patient influence sa réaction à un médicament ainsi que les effets secondaires qu'il peut ressentir. Néanmoins, les deux tiers des répondants n'avaient pas prescrit des tests pharmacogénomiques dans les six mois précédant l'enquête et ils n'avaient pas l'intention de le faire dans les six mois suivants.
Nabil Amara et Jolyane Blouin-Bougie, du Département de management, Jacques Simard, de la Faculté de médecine et du CHU de Québec-Université Laval, et Daniel Bouthillier, du Regroupement en soins de santé personnalisés au Québec, arrivent à ce constat après avoir mené une enquête en ligne auprès de 47 médecins de famille et de 375 médecins spécialistes du Québec. Les résultats révèlent que moins du tiers des répondants avaient prescrit ou recommandé au moins une fois un test pharmacogénomique dans les six mois précédant l'enquête. À l'opposé, les deux tiers des répondants ne l'avaient pas fait et ils n'avaient pas l'intention de le faire dans les six mois suivants.
Les conditions à respecter pour que les médecins recourent davantage aux tests pharmacogénomiques varient énormément. Alors que l'autorisation de Santé Canada suffirait à 5% des participants, un contingent de 42% des répondants souhaite que cette autorisation s'accompagne de preuves scientifiques démontrant les avantages cliniques de la pharmacogénomique, de recommandations favorables de collègues ou d'experts et de l'introduction de ces tests dans le guide des bonnes pratiques de leur spécialité médicale. Même si toutes ces conditions étaient respectées, 10% des répondants disent qu'il leur en faudrait encore plus pour les convaincre.
Pourtant, 93% des répondants reconnaissent que le profil génétique d'un patient influence sa réaction à un médicament ainsi que les effets secondaires qu'il peut ressentir. La presque totalité (97%) admet également que le profil génomique d'une tumeur ou d'une bactérie infectieuse influence la réaction d'un patient à un traitement pharmacologique.
Les deux principales raisons invoquées par les répondants qui n'avaient pas utilisé ces tests et qui n'avaient pas l'intention de le faire sont le manque d'information sur ces tests (65%) et l'absence de lignes directrices ou de guide de bonnes pratiques les concernant (54%). «De nombreux répondants estiment manquer de connaissances et de ressources ou ils n'ont pas suffisamment confiance en leurs connaissances pour prescrire ou recommander ces tests ou pour en interpréter les résultats, commente la doctorante Jolyane Blouin-Bougie. Cette perception, davantage exprimée chez les médecins de famille, ne constitue pas une surprise considérant que 78% des répondants n'ont pas reçu de cours en génétique ou en pharmacogénomique pendant leur formation.»
Pour corriger le tir, la doctorante estime qu'il faut accorder une plus grande place à la génétique et à la génomique dans les programmes de formation universitaire des futurs médecins. Il faudrait aussi réviser les lignes directrices et les guides de pratique auxquels se réfèrent les médecins. De plus, il faudrait élaborer des stratégies de transfert de connaissances en génétique et en génomique qui tiennent compte de la complexité des sciences «-omiques». Enfin, étant donné que les médecins de famille occupent une place stratégique pour informer et éduquer les patients au sujet des avancées en technologies médicales, «il est essentiel de développer des outils de gestion et d'aide à la décision pour qu'ils deviennent plus à l'aise avec les tests génétiques et génomiques et que leurs patients, s'ils le souhaitent, puissent mieux profiter des avantages qu'ils procurent», conclut Jolyane Blouin-Bougie.