La trisomie 21, ainsi nommée en raison de la présence d'un troisième chromosome sur la 21e paire, est l'une des maladies génétiques les plus courantes. Elle entraîne une déficience cognitive, allant de légère à modérée, en plus d'augmenter le risque de problèmes de santé, notamment des problèmes de la vue et de l'ouïe, de même que des malformations cardiaques ou gastro-intestinales pouvant nécessiter des interventions chirurgicales. Par ailleurs, les personnes vivant avec la trisomie 21 peuvent mener une vie gratifiante pour elles-mêmes et pour leurs proches et développer des relations affectives significatives avec leur entourage. Le risque de donner naissance à un enfant trisomique augmente de façon exponentielle en fonction de l'âge de la mère; chez les femmes de 20 ans, l'incidence est de 1 cas pour 1 528 grossesses, mais elle grimpe à 1 cas pour 28 grossesses chez les femmes de 45 ans.
Le Québec, à l'instar de nombreux autres pays, a implanté un programme de dépistage prénatal de la trisomie 21. Toutes les femmes enceintes, peu importe leur âge, peuvent passer gratuitement un test de dépistage pendant le premier trimestre de la grossesse. «Le test quantifie le risque de trisomie. Comme il ne s'agit pas d'un test diagnostique, les parents ne sauront pas si leur enfant a cette maladie ou pas», précise Maria Esther Leiva Portocarrero, étudiante-chercheuse à la Faculté de médecine et membre de l'équipe de la Chaire de recherche du Canada en implantation de la prise de décision partagée dans les soins primaires. De plus, le test n'est pas parfait; il rate jusqu'à 15% des cas de trisomie et, à l'inverse, il indique dans 5% des cas que le risque est élevé alors que le foetus n'a pas de trisomie.
Lorsque le risque de trisomie dépasse 1 possibilité sur 300, un second test, diagnostique celui-là, est offert aux parents. Ce test nécessite le prélèvement de liquide amniotique, ce qui provoque 1 fausse couche par 300 amniocentèses. «Ce test est très fiable, mais il ne donne pas d'information sur le degré de déficience intellectuelle ou la gravité des problèmes de santé de l'enfant», ajoute l'étudiante-chercheuse.
Passer le test de dépistage pour la trisomie 21 est donc une décision conduisant à des choix difficiles qui doivent être faits dans un contexte d'incertitude. «Les professionnels de la santé qui entourent la femme enceinte peuvent fournir des informations sur les pour et les contre de ces tests, mais la décision lui appartient parce qu'elle dépend de ses valeurs, de ses croyances et de ses préférences, souligne Maria Esther Leiva Portocarrero. Un bon outil d'aide à la décision doit tenir compte de tous ces éléments.»
L'étudiante-chercheuse s'est donc mise à la recherche de tous les outils d'aide conçus pour les femmes enceintes en vue de faciliter leur choix concernant les tests prénataux pour la trisomie 21. Elle en a réuni une vingtaine qu'elle a ensuite évalués en fonction des 16 critères de l'IPDAS que devrait minimalement respecter tout outil d'aide à la décision. Résultat? Aucun des outils existants ne respecte toutes ces normes, conclut-elle dans un article publié dans BMC Medical Informatics & Decision Making. De plus, peu d'outils proposent des éléments pratiques de soutien à la décision ou des éléments d'aide à la compréhension des enjeux.
Comme il existe un besoin manifeste pour un outil d'aide à la décision pour les tests prénataux de la trisomie 21, l'équipe de la Chaire de recherche en implantation de la prise de décision partagée dans les soins primaires a entrepris d'en développer un. «Nous avons adapté un outil existant, mis au point par la professeure Anik Giguère, pour qu'il respecte les critères de l'IPDAS, explique la titulaire de la Chaire, France Légaré. Nous avons ensuite créé une vidéo montrant son utilisation dans le cadre d'une rencontre clinique entre une médecin, une femme enceinte et son conjoint, avec deux fins possibles: faire le dépistage ou ne pas le faire. La personne qui visionne la vidéo choisit la fin qui lui sied le mieux.» Les chercheurs sondent maintenant des femmes enceintes, des sages-femmes, des médecins de famille et des médecins obstétriciens pour connaître leur intention de recourir à cet outil ainsi que les barrières qui empêcheraient son utilisation. «Notre but ultime est d'élaborer un programme permettant d'implanter cet outil au Québec», conclut la chercheuse.
L'article paru dans BMC Medical Informatics & Decision Making est signé par Maria Esther Leiva Portocarrero, Mirjam Garvelink, Maria Margarita Becerra Perez, Anik Giguère, Hubert Robitaille, François Rousseau et France Légaré, de l'Université Laval, et par Brenda J. Wilson, de l'Université d'Ottawa.