Vie universitaire
Trois questions à Cyrille Barrette
Sur l'héritage de Charles Darwin

Hasard du calendrier, on fête en 2009 à la fois les deux siècles de la naissance du naturaliste Charles Darwin et les 150 ans de la première édition de son livre De l'origine des espèces par la sélection naturelle qui allait révolutionner la biologie pour longtemps. Regard sur l’œuvre de ce scientifique britannique unique avec le biologiste et vulgarisateur Cyrille Barrette.
Q Pourquoi la théorie de Darwin paraît-elle en 1859 ? S’inscrit-elle dans un courant de pensée particulier de cette époque ?
R Oui et non. Le géologue Lyell, que Darwin connaissait personnellement, avait sorti 20 ans auparavant un traité expliquant que les processus de formation des montagnes constituaient des phénomènes de très longue durée, et qu’il était donc impossible que la Terre ait seulement 6 000 ans comme l’affirmaient les écrits bibliques. Lamarck avait aussi publié une théorie transformiste, expliquant que les espèces pouvaient s’adapter à leur milieu. L’idée circulait parmi les intellectuels européens que les écrits bibliques ne décrivaient pas adéquatement tout ce qu’il y avait à savoir sur la biologie. Cependant, il y a vraiment une démarcation avant 1859 et après. Darwin établit une fois pour toutes que les espèces peuvent émerger naturellement dans le milieu, sans intervention extérieure ou divine comme le pensait Lamarck. Désormais, plus aucun biologiste ne doute de la possibilité d’évolution. Cependant, la contribution majeure de Darwin ce n’est pas la théorie de l’évolution mais celle de la sélection naturelle, autrement dit, le mécanisme qui explique l’évolution. Jusque-là personne n’avait la moindre idée de comment une espèce s’adaptait à son milieu. Darwin avait conscience de la puissance et de la nouveauté de sa théorie, qui explique à la fois l’adaptation des espèces à leur milieu, leur évolution et la diversité des espèces, puisqu’il a mis 21 ans avant de publier. D’ailleurs si la théorie de l’évolution a été adoptée rapidement, celle sur la sélection naturelle a été malmenée jusqu’en 1910 -1920.
Q Cette théorie, vieille de 150 ans, peut-elle nous apprendre des choses encore ?
R Ce qui fait que la biologie est une science cohérente aujourd’hui, c’est encore l’idée de sélection naturelle. Évidemment, avec les années, on a mieux compris le mécanisme grâce à la génétique des populations, alors que Darwin ne connaissait rien de ça. Mais cela ne fait que confirmer le noyau dur de la théorie qui a survécu à toutes les tentatives de contradiction, à tous les tests empiriques. Sans la sélection naturelle, on ne peut pas comprendre l’adaptation, la diversité, l’émergence de nouvelles espèces. Le plus étonnant dans tout ça, c’est que Darwin a réussi à concevoir une théorie aussi adéquate, sans connaître la génétique. L’essentiel du Darwinisme est loin d’être dépassé.
Q Malgré tout, plus de la moitié des Américains n’y croient pas….
R C’est un échec en terme de diffusion de la pensée. La grande résistance à cette idée de l’évolution s’explique quand on l’applique à l’humain, car cela contredit les croyances religieuses. En 1859, la publication ne comporte qu’une seule phrase sur l’humain. Essentiellement, Darwin dit: «Je suis convaincu que cette idée de la sélection naturelle jettera une certaine lumière sur l’origine et la nature de l’humain». Point. Il sentait très bien qu’il faudrait inclure l’humain aux autres espèces, mais il voyait bien que c’était révolutionnaire. L’humain n’a pas de statut particulier dans le monde vivant, c’est une espèce produite par les mêmes processus que les autres. Les créationnistes en concluent faussement qu’on n’a pas une âme particulière, qu’on n’a aucune raison d’avoir une morale. Pour eux, l’idée de l’évolution, c’est une inspiration du diable. Darwin n’a pas encore «converti » la majorité de l’humanité. Pourtant, si on rejette l’idée d’évolution, on ne comprend rien en biologie, pas plus qu’en nature humaine. On ne peut pas comprendre l’humain si on fait abstraction de sa nature biologique. La pensée darwinienne est donc absolument indispensable.
Q Pourquoi la théorie de Darwin paraît-elle en 1859 ? S’inscrit-elle dans un courant de pensée particulier de cette époque ?
R Oui et non. Le géologue Lyell, que Darwin connaissait personnellement, avait sorti 20 ans auparavant un traité expliquant que les processus de formation des montagnes constituaient des phénomènes de très longue durée, et qu’il était donc impossible que la Terre ait seulement 6 000 ans comme l’affirmaient les écrits bibliques. Lamarck avait aussi publié une théorie transformiste, expliquant que les espèces pouvaient s’adapter à leur milieu. L’idée circulait parmi les intellectuels européens que les écrits bibliques ne décrivaient pas adéquatement tout ce qu’il y avait à savoir sur la biologie. Cependant, il y a vraiment une démarcation avant 1859 et après. Darwin établit une fois pour toutes que les espèces peuvent émerger naturellement dans le milieu, sans intervention extérieure ou divine comme le pensait Lamarck. Désormais, plus aucun biologiste ne doute de la possibilité d’évolution. Cependant, la contribution majeure de Darwin ce n’est pas la théorie de l’évolution mais celle de la sélection naturelle, autrement dit, le mécanisme qui explique l’évolution. Jusque-là personne n’avait la moindre idée de comment une espèce s’adaptait à son milieu. Darwin avait conscience de la puissance et de la nouveauté de sa théorie, qui explique à la fois l’adaptation des espèces à leur milieu, leur évolution et la diversité des espèces, puisqu’il a mis 21 ans avant de publier. D’ailleurs si la théorie de l’évolution a été adoptée rapidement, celle sur la sélection naturelle a été malmenée jusqu’en 1910 -1920.
Q Cette théorie, vieille de 150 ans, peut-elle nous apprendre des choses encore ?
R Ce qui fait que la biologie est une science cohérente aujourd’hui, c’est encore l’idée de sélection naturelle. Évidemment, avec les années, on a mieux compris le mécanisme grâce à la génétique des populations, alors que Darwin ne connaissait rien de ça. Mais cela ne fait que confirmer le noyau dur de la théorie qui a survécu à toutes les tentatives de contradiction, à tous les tests empiriques. Sans la sélection naturelle, on ne peut pas comprendre l’adaptation, la diversité, l’émergence de nouvelles espèces. Le plus étonnant dans tout ça, c’est que Darwin a réussi à concevoir une théorie aussi adéquate, sans connaître la génétique. L’essentiel du Darwinisme est loin d’être dépassé.
Q Malgré tout, plus de la moitié des Américains n’y croient pas….
R C’est un échec en terme de diffusion de la pensée. La grande résistance à cette idée de l’évolution s’explique quand on l’applique à l’humain, car cela contredit les croyances religieuses. En 1859, la publication ne comporte qu’une seule phrase sur l’humain. Essentiellement, Darwin dit: «Je suis convaincu que cette idée de la sélection naturelle jettera une certaine lumière sur l’origine et la nature de l’humain». Point. Il sentait très bien qu’il faudrait inclure l’humain aux autres espèces, mais il voyait bien que c’était révolutionnaire. L’humain n’a pas de statut particulier dans le monde vivant, c’est une espèce produite par les mêmes processus que les autres. Les créationnistes en concluent faussement qu’on n’a pas une âme particulière, qu’on n’a aucune raison d’avoir une morale. Pour eux, l’idée de l’évolution, c’est une inspiration du diable. Darwin n’a pas encore «converti » la majorité de l’humanité. Pourtant, si on rejette l’idée d’évolution, on ne comprend rien en biologie, pas plus qu’en nature humaine. On ne peut pas comprendre l’humain si on fait abstraction de sa nature biologique. La pensée darwinienne est donc absolument indispensable.